Les inquiétudes...

24 février 2022 | Charles F. Lasnier


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Bonjour,

J’espère que vous allez tous bien et que le début de la fin des différentes mesures reliées à la Covid-19 vous laisse entrevoir un printemps plus agréable et plus facile que ces derniers mois.

Dans le cas des marchés financiers, c’est exactement le contraire. C’est-à-dire qu’après une année 2021 merveilleuse, l’année 2022 s’annonce déjà plus difficile. Nous sommes officiellement en territoire d’une correction boursière aux États-Unis avec les marchés boursiers en baisse de -10% ou plus.

Et plusieurs titres vedettes sont actuellement en baisse de -20% et non les moindres. Meta (Facebook), Netflix, 3M, etc. Au Canada, les indices vont un peu mieux, propulsés par le pétrole. Mais notre plus récent fleuron, Shopify, est en baisse de -50% en quelques mois. 

Les raisons évoquées par les experts sont nombreuses. L’inflation, la Fed et une hausse de son taux directeur, le conflit Russie/Ukraine, le ralentissement de la croissance des résultats. Tous de bonnes raisons de s’inquiéter. 

Prenons l’inflation. Elle est de retour après des années d’oublis. Aux États-Unis, le dernier chiffre officiel évoqué est de 7.5%. Suite au débat à savoir si elle était transitionnelle ou non et qu’elle s’estomperait d’elle-même, plusieurs experts pensent maintenant qu’il faut absolument intervenir. Et que, par conséquent, augmenter les taux d’intérêt est la seule chose logique à faire. N’oublions pas que l’inflation diminue notre pouvoir d’achat à long terme. Par exemple, à 2% d’inflation, notre pouvoir d’achat est diminué de 50% en 35 ans. À 5%, c’est en 14 ans qu’il est coupé en deux. Donc, c’est normal que les banques centrales s’en préoccupent.

La hausse des taux d’intérêt, une conséquence de l’inflation, a (aura ?) un impact sur le multiple que nous accordons à nos placements. Cet impact est souvent plus important qu’on ne le pense. Prenez une compagnie qui fait $1MM de profit. Si vous lui accordez un multiple de 24 fois les profits (le C/B en français ou le P/E en anglais), l’entreprise vaut donc $24MM. Mais si les investisseurs n’accordent plus qu’un multiple de 18 fois les profits, l’entreprise vaut alors $18MM ou 25% de moins. C’est pourquoi la contraction des multiples accordés aux entreprises est un sujet si important à considérer.

Le conflit entre la Russie et l’Ukraine est le sujet de l’heure dans l’actualité. Et pour cause, une guerre aux portes de l’Europe nous ramène à une époque terrifiante. Déjà ce conflit a fait trop de morts et a chamboulé la vie d’honnêtes citoyens qui ne demandent rien de ces enjeux géopolitiques. De plus, la Russie est le principal exportateur de gaz naturel (40% du total) et de pétrole (25% du total) vers l’Europe. Ensemble, la Russie et l’Ukraine représentent presque 25% des exportations mondiales de blé. Deux autres pays importants sont affectés par ce conflit. Pour la Turquie (84MM de population) et l’Égypte (102MM de population), la Russie et l’Ukraine représentent 70% de leurs importations de blé. La sécurité alimentaire de ces deux pays est donc menacée. Et par conséquent, le pouvoir politique. C’est une crise avec des retombées négatives à l’échelle mondiale.

Et finalement, le ralentissement de la croissance pour certaines entreprises bien en vue, comme justement Meta, Shopify, Honeywell ou encore Peloton. Tout manquement aux attentes des investisseurs est puni par une baisse importante du cours de l’action en bourse.

Devant ces différentes menaces, qu’est-ce qu’on fait ? Je vous dirais très peu.

De 2019 à 2021, nous avons eu trois très bonnes années en bourses. Oui, les choses se sont corsées entre le 15 février 2020 et le 1er avril 2020, mais au final, nous avons eu de bons résultats.

Donc premièrement, un repli est normal et sain. C’est une occasion pour les marchés financiers de réévaluer la santé des entreprises. C’est aussi un bon moment pour chaque investisseur de réévaluer sa vraie tolérance aux risques. Investir du nouvel argent maintenant est certainement plus difficile pour certains d’entre vous que le faire au mois de novembre dernier. Et par ailleurs, rappelez-vous que les 3 derniers mois de 2018 avaient été eux aussi très négatifs. Avec le résultat que l’on connait. 

Deuxièmement, la meilleure façon d’affronter l’inflation et la hausse des taux d’intérêt, c’est la croissance. Prenez l’inflation. En effet, elle gruge votre pouvoir d’achat. Si votre revenu reste stable, mais que les prix associés à votre coût de la vie augmentent, vous serez plus pauvres. Simple. Mais si votre revenu augmente à peu près à la même vitesse, votre pouvoir d’achat va se maintenir. Et si votre revenu augmente plus vite que l’inflation, vous vous enrichissez. C’est donc LE problème du revenu fixe (les obligations, CPG, etc.). L’intérêt versé est fixe. Mais le revenu en dividendes que vous recevez n’est pas fixe. Il peut augmenter et comme stratégie actions depuis mes premiers jours, j’accorde beaucoup d’importance à la croissance des dividendes. Prenez deux titres qui sont dans nos portefeuilles principaux depuis 2002. La Banque TD et Honeywell.

En 2002, la TD a payé 56 cents de dividendes par action. En 2022, elle devrait minimalement payer 3.16$ par action, soit 464% d’augmentation.

Dans le cas d’Honeywell, en 2002, elle a payé 71 cents de dividendes par action. En 2022, elle devrait minimalement payer 3.92$ par action, soit 452% d’augmentation.

Et selon la Banque du Canada, l’inflation durant la même période a été cumulativement de 48.87%, donc +/- 9 fois moins.

Comme je disais, la croissance est, à long terme, le meilleur remède contre l’inflation.

Idem pour les multiples accordés par les investisseurs. Et le multiple accordé par les investisseurs, ce n’est jamais scientifique. Des fois, ils sont trop optimistes et des fois trop pessimistes. Mais avec une croissance des bénéfices, le multiple payé prend moins d’importance. Dans notre exemple, si le multiple payé demeure à 18 fois, mais que les profits sont maintenant de $2MM, l’entreprise vaudra alors $36MM, soit 50% de plus que lorsqu’elle faisait $1MM, mais avec un multiple de 24 fois. 

Par conséquent, que l’inflation, les taux d’intérêt ou les multiples (C/B) soient votre préoccupation actuelle, le temps et la patience viendront à votre rescousse. Laissez les compagnies dans votre portefeuille et la croissance de leurs résultats être votre principal outil financier (pas le seul, mais le principal).

Troisièmement, que faire alors du ralentissement de la croissance économique et des résultats des entreprises dans notre portefeuille? Encore une fois, pas grand-chose. Dans la mesure où nous avons fait nos devoirs (donc pas de tuyau de notre beau-frère) et nous avons gardé notre accent sur des entreprises de qualité (donc pas de feu de paille ou de mode du moment), la croissance sur une période 5 à 7 ans sera au rendez-vous. Elle ralentira probablement par moment, mais elle sera là au final,comme le démontre la croissance du dividende de la TD et d’Honeywell.

Et finalement (quatrièmement), la crise entre la Russie et l’Ukraine ? Comme je le disais plus haut, c’est d’une tristesse sans nom. Mais d’un point de vue strictement boursier, l’histoire tend à démontrer qu’il n’y aura pas beaucoup d’impact. En regardant les événements militaires importants d’un point de vue géopolitique depuis 1939, trois seulement (sur quinze) ont débouché sur un marché boursier négatif douze mois plus tard. Et en réalité, lors du plus récent évènement (9/11), nous étions déjà en récession aux États-Unis, ce qui explique beaucoup plus les résultats boursiers que l’attaque terroriste et la riposte américaine (les deux autres sont le début de la Deuxième Guerre mondiale avec l’envahissement de la Pologne par l’Allemagne en 1939 et la Crise de Suez en 1956). 

Par conséquent, ce conflit va certainement compliquer les décisions macro-économiques de bien des pays (inflation de l’énergie et alimentaire) et nuire dans une certaine mesure aux résultats de certaines compagnies qui font des affaires en Russie et en Ukraine. Mais l’impact généralisé sur les marchés boursiers mondiaux devrait être, somme toute, de courte durée (Attention. Courte durée en mois, pas nécessairement en jours).

Un des titres que nous détenons qui est le plus exposé à la Russie est Total, la grande pétrolière française. Elle est dans notre portefeuille Global Revenu. Son dividende actuel représente 4.4%. Pour elle, la Russie est une importante source de revenus. Et pourtant, une simple hausse du prix de barils de pétrole de $5 lui permettrait d’absorber complètement la contribution de la Russie à ses résultats. Or, une guerre qui aurait comme résultat de couper la Russie du marché mondial (et donc une perte pour Total) aurait comme effet probable d’augmenter le prix du pétrole (positif pour Total). C’est un exemple parmi tant d’autres qui illustre bien les effets et contre-effets (les knows et unknowns en anglais).

Conclusion ?

Notre manuel d’instruction nous indique les points suivants :

  1. Regardez 5 à 7 ans devant nous. Ignorer autant que possible le bruit des évènements à court terme.
  2. Beaucoup de gens vont prétendre être en mesure de pivoter au bon moment entre différents types de placements et classes d’actifs. Ce n’est pas notre cas.
  3. Gardez l’accent sur les titres d’entreprises de qualité. Elles ont certaines caractéristiques communes. La croissance des revenus, les marges bénéficiaires, le retour sur les capitaux propres et les flux monétaires de trésoreries sont constamment mieux que leurs compétiteurs. Et c’est encore mieux si elles payent des dividendes croissants.
  4. Gardez l’accent sur des obligations de qualité. Ne pas oublier le risque de liquidités.
  5. Revoir son plan financier.
  6. Si vous n’êtes pas à la retraite, gardez 3 à 6 mois de dépenses courantes en cash. Le reste de vos liquidités devrait être investi pour croître.
  7. Si vous êtes à la retraite, quand et comment sont les deux questions à se poser. La réponse devrait être simple.

En terminant, vous avez été nombreux à nous référer des membres de votre famille, des amis et des collègues au cours des derniers mois. C’est pour moi et l’ensemble de l’équipe le meilleure compliment possible. Merci de votre confiance et sachez que nous attachons une importance capitale à votre bien-être financier.