C'est un changement majeur (troisième et dernière partie)

28 mars 2021 | Charles F. Lasnier


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Les dernières semaines ont été fortes en rebondissement boursier, mais l’impact le plus important pour un investisseur équilibré est vraiment venu du côté du revenu fixe, et plus particulièrement la hausse des taux d’intérêts à long terme.

charles bow tie in page

Bonjour,

Voici la dernière section de ce mémo sur le revenu fixe. Les dernières semaines ont été fortes en rebondissement boursier, mais l’impact le plus important pour un investisseur équilibré est vraiment venu du côté du revenu fixe, et plus particulièrement la hausse des taux d’intérêts à long terme.

Tel que le démontre le premier graphique, ce qui a vraiment changé depuis un an, c’est la courbe des taux au Canada et aux États-Unis. En janvier 2020 (en pointillé rouge), la différence entre les taux de 90 jours versus 30 ans est minime. 

Quelques mois plus tard, donc en août 2020 (en pointillé bleu), on remarque deux choses. Premièrement, les taux ont vraiment baissé et ce peu importe le terme. Donc de 90 jours à 30 ans, les taux sont plus bas. L’autre chose importante, c’est qu’ils représentent maintenant une pente, c’est-à-dire les taux 90 jours sont plus bas que les taux 30 ans.

Aujourd’hui (la ligne rouge), on remarque que la pente a augmenté. Les taux de 90 jours à 2 ans sont à peu près inchangés, mais ensuite on assiste à une augmentation significative des taux. Ce qui explique en partie pourquoi la Banque du Canada et la Fed achètent proportionnellement plus d’obligations à long terme. C’est parce que leur contrôle sur les taux à long terme est beaucoup moins direct que les taux de 1 an et moins par exemple.    

chart shows Government of Canada vs. US treasury

Évidemment, quand les taux augmentent, on se souviendra que le prix des obligations diminue. Il est donc normal que depuis le début de l’hiver, en termes de rendement, la portion revenue fixe soit en baisse, alors qu’elle avait été une composante importante de notre surperformance en mars 2020. Il faut toutefois réaliser que malgré cette sous-performance, le rendement à l’échéance que nous attendions des obligations n’a pas changé. Seule la trajectoire de ce rendement a changé. Autrement dit, si nous avions acheté une obligation de 10 ans, payant 2.5%, nous ferons $125 sur les $100 investi à l’origine. Mais la trajectoire a changé, tel que le démontre le graphique ci-bas. En fait, c’est l’illustration d’une hausse ou d’une baisse des taux sur cette trajectoire. 

En rouge, c’est l’équivalent d’une baisse des taux sur une obligation de 10 ans. La baisse des taux fait augmenter le prix, mais à l’échéance, on reçoit toujours son capital, donc $100, et nous avons reçu $25 au cours des années à titre d’intérêt. La seule façon de profiter de la hausse des prix, c’est de vendre l’obligation avant l’échéance. Mais à ce moment, il faut racheter et les taux, rappelons-nous dans notre exemple, sont maintenant plus bas ce qui explique la hausse du prix de l’obligation.

En bleu, c’est l’inverse (et le reflet de la situation actuelle). C’est-à-dire qu’une hausse des taux fait chuter le prix de notre obligation. Théoriquement, nous avons une perte sur papier. Mais en gardant l’obligation à échéance, nous retrouvons notre capital et l’intérêt promis à l’achat de l’obligation.   

chart shows 10 year bond return

Ce qui m’amène à la gestion des portefeuilles. Nous croyons depuis toujours que le premier risque obligataire que nous devons contrôler, c’est le risque de crédit. Autrement qu’un émetteur fasse faillite et soit incapable de nous rembourser notre capital. Le risque de taux d’intérêt, qui est l’autre grand risque quand on parle de revenu fixe, nous l’avons toujours contrôlé par l’achat d'échéances échelonné annuellement sur 10 ans. Dans un premier temps, la direction des taux d’intérêt m’apparait aussi certaine comme prédiction que la météo du prochain mois.  Deuxièmement, cette approche nous permet de profiter d’une hausse des taux et amoindrit l’impact d’une baisse de taux sur le rendement.

Voyons comment et pourquoi.

Veuillez imaginer un portefeuille de 10 obligations, chacune venant à échéance l’une après l’autre sur une base annuelle. À l’échéance d’une obligation, nous renouvelons pour une autre obligation de 10 ans, afin de respecter notre échelle de 10 ans. Parce que lorsque l’obligation de 1 an vient à échéance, il en reste 9 autres, qui vont venir à échéance à leur tour entre 1 an et 9 ans (n’oubliez pas, quand la première vient à échéance, ça fait déjà un an que le portefeuille existe. Donc l’obligation qui à l’origine avait 2 ans a maintenant 1 an avant son échéance).  

Ensuite, assumons qu’au jour 1, notre hypothétique portefeuille obligataire payait 2% en moyenne et que les taux augmentent chaque année de 0.25%. Le résultat est que notre rendement moyen augmente lentement mais surement au fur et à mesure que nous renouvelons nos échéances par des obligations qui rapportent plus. Ainsi, à l’année 8 de notre exemple, nous renouvelons à un taux de 4%. De plus sur une décennie, le rendement moyen est passé de 2% à 3.375%, ce qui est, proportionnellement, une hausse importante.  

chart shows yield on cost of each bond

À l’inverse, une baisse des taux nous fait bien paraitre parce qu’elle fait augmenter le prix de nos obligations existantes. Toutefois, lentement mais surement, cette baisse des taux fait diminuer le rendement moyen. Dans le même exemple, mais cette fois-ci avec une baisse des taux de -0.25% par année, en dix ans le même portefeuille de départ passerait d’un rendement moyen de 2% à seulement 0.625% de rendement moyen.

chart shows yield on cost based on 10 year ladder.

Bref, la hausse des taux nous cause actuellement des comparaisons de performance plus difficile, mais à long terme nous en serons de grands bénéficiaires. De plus, une courbe des taux plus normale est symptomatique d’une économie qui se porte mieux. C’est un autre indice positif pour un investisseur à long terme. Et en terminant, une hausse des taux est certainement négative pour certains secteurs boursiers, mais elle permettra aussi de faire un ménage des entreprises qui sont trop endettées et qui profitaient d’un répit offert par de très faibles taux. À l’inverse, le genre d’entreprises que nous privilégions en ressortira gagnant.

Comme d’habitude, nous sommes disponibles pour en discuter davantage. Et n’hésitez pas à faire circuler ces mémos à vos amis et familles, si vous pensez qu’ils pourraient en bénéficier.

Au plaisir,

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