Chers lecteurs,
Il est étonnant de constater les effets que quelques semaines, voire quelques jours, peuvent avoir sur le cours des choses. Dans un revirement important, l’administration américaine, qui proposait l’application de droits de douane généralisés à un grand nombre de ses partenaires commerciaux, a accordé un sursis de trois mois à l’ensemble des pays, à l’exception de la Chine, où les droits ont considérablement augmenté depuis. Les tarifs annoncés précédemment qui touchent les secteurs de l’automobile, de l’acier et de l’aluminium demeurent en place, tandis que de nouvelles exemptions pour certains produits électroniques ont été consenties. Ce changement d’approche a apporté un certain répit par rapport aux fortes fluctuations enregistrées récemment sur les marchés, mais l’incertitude reste élevée. De plus, l’aversion au risque qui accompagne habituellement les périodes d’incertitude sur les marchés s’est transformée en « aversion pour les États-Unis ». Cette expression, introduite récemment par un stratégiste des taux d’intérêt à RBC, fait référence à la faiblesse simultanée des actions et des obligations d’État américaines ainsi que du dollar américain. Nous donnons des explications ci-dessous.
Le marché boursier américain a souffert cette année. L’ensemble des actions à petite, moyenne et grande capitalisation ont affiché une faiblesse. De nombreux secteurs, à l’exception de quelques-uns qui sont traditionnellement défensifs, ont également été atones. Même si les actions mondiales ont aussi connu des difficultés, les actions américaines ont été à la traîne de nombreux autres marchés développés. À notre avis, ce rendement inférieur est attribuable à un problème fondamental qui tend à rattraper les actions tôt ou tard : les valorisations élevées. Le marché boursier américain a commencé l’année en affichant un ratio cours/bénéfice prévisionnel nettement supérieur à 20, alors que sa moyenne historique avoisine 16. Les investisseurs s’étaient habitués à une forte croissance du marché boursier américain et étaient particulièrement enthousiasmés par le potentiel de bénéfices lié aux dépenses en immobilisations dans le domaine de l’intelligence artificielle générative. Dans ce contexte, les investisseurs avaient des attentes très élevées à l’égard de la croissance, ce qui est maintenant remis en question. Il n’est pas surprenant que les segments liés à la technologie du marché américain aient été parmi les plus faibles depuis le début de l’année.
En période d’incertitude, il est normal que les marchés boursiers s’affaiblissent. Ce qui a été surprenant est le comportement du marché des obligations d’État américaines au cours des dernières semaines. Les taux obligataires ont tendance à baisser (et les cours à augmenter) lorsque les investisseurs recherchent la sécurité et le confort relatifs que procurent les obligations, et en particulier les obligations d’État. Toutefois, parallèlement à la réorientation des politiques du gouvernement américain, les taux des obligations d’État américaines à long terme ont augmenté (et les cours ont chuté) de manière relativement importante, ce qui donne à penser que certains investisseurs procédaient à des ventes. Il n’y a aucun moyen de le savoir avec certitude, mais une partie de la pression peut être imputée au désendettement potentiel dans les milieux institutionnels et des fonds de couverture, ainsi qu’aux ventes potentielles des investisseurs étrangers, y compris les banques centrales. Les taux obligataires ont diminué dernièrement, ce qui indique qu’il s’agissait peut-être simplement d’une anomalie temporaire. Quoi qu’il en soit, il convient de surveiller la situation.
Enfin, examinons le dollar américain. Le billet vert a lui aussi souvent profité des périodes de tensions sur les marchés. Or, cette fois-ci, il n’a pas été à la hauteur de cette réputation. Il a été faible toute l’année et a continué de reculer au cours des dernières semaines, alors que d’autres monnaies importantes, comme le dollar canadien, l’euro, le yen japonais, le franc suisse et la livre sterling, se situent à des sommets annuels, et même, dans certains cas, à des niveaux inégalés depuis plusieurs années par rapport au dollar américain. La faiblesse du dollar américain cette année reflète les préoccupations et les questions des investisseurs qui se sont manifestées sur plusieurs fronts, y compris la trajectoire de la croissance économique aux États-Unis, la possibilité que les investisseurs mondiaux délaissent les actifs américains, les politiques gouvernementales imprévisibles et erratiques, et la viabilité de la situation budgétaire des États-Unis.
Les États-Unis peuvent toujours jouer un rôle important dans nos portefeuilles de placement en raison de l’ampleur des occasions que présentent ses marchés boursiers et obligataires. Toutefois, nous envisageons la possibilité que les tendances à long terme évoluent, comme elles l’ont fait par le passé, et que d’autres marchés, secteurs et monnaies puissent être des moteurs importants du rendement futur. Nous accueillons favorablement cette possibilité et continuerons de consacrer du temps à l’évaluation des occasions pour nos clients et leurs portefeuilles.
Nous demeurons à l'écoute.
Le Groupe Martin Roy