Joyeux anniversaire monsieur Buffett !

30 août 2020 | Charles F. Lasnier


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Warren Buffett célèbre son 90e anniversaire de naissance. Je lui souhaite une longue et prospère vie ! Je dois toutefois vous avouer que mes vœux sont égoïstes.

charles bow tie in page

Bonjour,

Ce dimanche 30 août, Warren Buffett célèbre son 90e anniversaire de naissance. Je lui souhaite une longue et prospère vie ! Je dois toutefois vous avouer que mes vœux sont égoïstes. À titre d’actionnaire de Berkshire Hathaway et gestionnaire de portefeuille, mon intérêt pour sa longévité est avant tout professionnel. Mon épouse et mes enfants vous diraient que je suis un groupie de Warren Buffett et ils n’auraient pas tort. Mais en tant que capitaliste, je lui souhaite avant tout d’être aux commandes de Berkshire Hathaway pour encore plusieurs années.

Il y a quelques semaines, RBC a retiré Berkshire Hathaway de son portefeuille modèle. Je souriais en écoutant la téléconférence qui expliquait les raisons pour un tel geste. Entre autres, que Buffett avait perdu certaines habilités d’investissements, avec comme preuve la vente de ses titres dans United, American, Southwest et Delta Airlines en avril. Berkshire Hathaway était donc remplacée par de bonnes compagnies, mais qui avaient grandement monté en valeur au moment de leur ajout au portefeuille modèle. Il me semblait, à ce moment précis, que certains de mes collègues et amis de Toronto oubliaient le dicton suivant : 

« Le marché boursier est un mécanisme pour transférer de l’argent des gens impatients aux gens patients » – Warren Buffett

Car les bonnes compagnies ont souvent un certain nombre de caractéristiques communes dont je vous ai déjà parlé. Mais ils me semblaient oublier un autre dicton de Buffett, tout aussi important au succès à long terme pour un investisseur : 

« Le prix, c’est ce que vous payez. La valeur intrinsèque, c’est ce que vous recevez en retour. » – Warren Buffett

Voyez-vous, lorsqu’on analyse Berkshire Hathaway, il faut tenir compte de l’ensemble de la compagnie. Buffett occupe beaucoup d’espace médiatique, mais Berkshire Hathaway demeure avant tout une compagnie. Et elle est parfois difficile pour certains à comprendre. Regardons là donc, pièce par pièce.

Dans un premier temps, c’est une compagnie d’assurance. Elle a beaucoup de filiales et plusieurs types de produits offerts. La plus connue, c’est la compagnie d’assurance automobile Geico, que l’on voit souvent par ses publicités à la télévision américaine. Avec les primes d’assurance ainsi collectées, Buffett investit à la bourse.  Rappelez-vous que les compagnies d’assurances collectent des primes, mais ne payent pas nécessairement des réclamations le lendemain. Avec le temps, et des bons standards de risques, elles sont en mesure d’avoir d’importantes liquidités.

Donc la deuxième partie de Berkshire Hathaway, c’est le portefeuille d’actions en bourse.  C’est la partie de la compagnie qui a fait de lui une légende.  Parmi la cinquantaine de titres détenus, notons Coca-Cola, American Express, Apple, Kraft Heinz et Bank of America. Malgré la perception publique, il achète et vend assez régulièrement. Mais en effet, certains titres sont là depuis longtemps, comme Coca-Cola. D’autres, comme IBM, ont été vendus en cour de route. 

 

La troisième partie de la compagnie, c’est les liquidités importantes que Berkshire Hathaway conserve en tout temps. Donc, le cash sur le bilan. Lors des résultats du dernier trimestre, ce montant était de 147 milliards $. C’est énorme comme montant. À titre de comparaison, la Caisse de dépôt et placement du Québec avait un actif net à la même date de 333 milliards $.  Berkshire Hathaway a donc l‘équivalent en cash de 44% de l'actif net de la CDPQ.

La dernière partie de Berkshire Hathaway, ce sont les plus de 90 compagnies qu’elle détient à 100%. Certaines sont très connues, comme Duracell, Fruit of the Loom ou encore Dairy Queen. D’autres le sont moins comme BNSF ou Berkshire Hathaway Energy (qui regroupe une dizaine de compagnies reliées à la production et distribution d’énergie).

Donc en résumé, Berkshire Hathaway, c’est quatre grandes composantes; l’assurance, le portefeuille boursier, le cash et les autres compagnies privés.

Regardons donc les plus récents résultats financiers de Berkshire Hathaway, soit ceux du 30 juin dernier.

Cette journée-là, Berkshire Hathaway avait une valeur totale en bourse de 428 milliards $. Nous savons que cette journée-là, elle avait 147 milliards $ en cash.  Nous savons aussi que cette journée-là, la valeur de ses 250 mm d’actions dans Apple était de 113 milliards $. Rajoutons à ce tableau une des compagnies de Berkshire Hathaway, soit la ferroviaire BNSF. Son chiffre d’affaires est deux fois plus élevé que le CN, qui, elle, vaut en bourse +/-100 milliards $. Vu autrement, Buffett a fait l’achat de BNSF en novembre 2009 pour la somme de 44 milliards $.  En assumant le rendement boursier moyen des sept autres grandes compagnies ferroviaires nord-américaines depuis cette date, nous arrivons à une valeur au 30 juin dernier de 213 milliards $ pour BNSF. 

Donc pour résumer, le 30 juin dernier, il y avait au sein de Berkshire Hathaway 147 milliards $ de cash, 250 mm d’actions d’Apple qui valait 113 milliards $ et une compagnie ferroviaire détenue à 100%, BNSF, qui valait 213 milliards $ pour un total de 473 milliards $. Pourtant, à la Bourse de New York du moins, Berkshire Hathaway valait seulement 428 milliards $ cette journée-là. Et il restait tout le reste, c’est-à-dire les autres compagnies privées, le reste du portefeuille d’actions et les activités d’assurances. 

Par ailleurs, en date de vendredi dernier, la valeur du titre de Berkshire Hathaway a augmenté par rapport au 30 juin. De telle sorte que la compagnie vaut maintenant à la Bourse de New York 520 milliards $. Et ça demeure encore un bon achat malgré tout. 

Premièrement, la composante cash a probablement augmenté depuis. Elle a l’habitude d’augmenter, à moins que Buffett fasse une grosse acquisition durant le trimestre et qui l’oblige à le déclarer publiquement. Deuxièmement, les 250 mm d’actions d’Apple valent maintenant 125 milliards $, en supposant qu’il n’en a pas vendu. Troisièmement, BNSF est toujours en affaires. Et en terminant, le reste du portefeuille d’actions, les activités d’assurances et les autres compagnies privées sont tous encore là.

Donc, oui j’aime encore Berkshire Hathaway, malgré les erreurs récentes de Warren Buffett. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois qu’on entend ce genre d’argument.

En 2012, Berkshire Hathaway détenait une position dans Tesco, une chaine d’épiceries britannique. La position valait à ce moment 2.3 milliards $. Toutefois, en 2013 Buffett était de moins en moins impressionné par le management de cette compagnie (PS : je suis toujours très heureux que ma chaine d’épicerie favorite, Métro, peux compter sur une bonne équipe de management dirigé par Éric La Flèche). De telle sorte qu’il a commencé à vendre. À la fin de 2013, après avoir vendu 114 millions d’actions, le placement était toujours rentable. Mais il a pris trop de temps à vendre le reste des actions, de telle sorte qu’à la fin de 2014, lorsque toutes les actions ont été vendues, Berkshire Hathaway avait perdu 444 millions $ dans Tesco.  Ce qui me rappelle que le seul investisseur qui ne perd jamais d’argent, c’est le fraudeur à la Bernie Medoff.

Berkshire Hathaway est une compagnie avec beaucoup de talent managérial (Buffett est le plus connu, mais pas le seul dirigeant de grand talent chez BRK), bien diversifiée et patiente. Cette patience, et l’effet composé qui en découle, sont les ingrédients les plus importants. Prenez l’acquisition de See’s Candies en 1972 pour la somme de 25 millions $.  Dans l’empire Berkshire Hathaway, c’est une petite compagnie. Mais depuis, elle a versé plus de 2 milliards $ à sa société mère. C’est un rendement de plus de 8000% depuis son acquisition !

C’est difficile de faire croitre une société de la taille de Berkshire Hathaway, mais avec la patience de son équipe de direction et l’effet composé, je demeure un admirateur.

Bonne fête monsieur Buffett et longue vie en santé !

Signé, un actionnaire heureux,

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