2ième partie : La Bourse est-elle haute ? Des histoires concrètes.

07 décembre 2020 | Charles F. Lasnier


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Dans mon plus récent mémo, je vous parlais des raisons macro-économiques pourquoi je ne voyais pas les marchés comme étant particulièrement hauts, malgré la possibilité toujours présente d'une correction.

Bonjour et bon lundi,

Dans mon plus récent mémo, je vous parlais des raisons macro-économiques pourquoi je ne voyais pas les marchés comme étant particulièrement hauts, malgré la possibilité toujours présente d'une correction.

Mais en me relisant vendredi dernier en toute fin d'après-midi, je me disais que je préfère toujours des histoires concrètes plutôt que mes propres réflexions macro-économiques.  Par conséquent, je vous parle aujourd'hui de compagnies que nous connaissons bien.

En gardant à l'esprit qu' avant tout un placement boursier s’est acheté aujourd'hui les profits futurs d'une entreprise, penchons-nous sur deux cas actuellement dans l'actualité. Tesla et Berkshire Hathaway (BRK). 

Tesla, c'est bien sûr le manufacturier de voitures électriques bien connu. C'est une entreprise remarquable par;

·         son produit (les voitures),

·         sa technologie (les batteries),

·         ses pratiques d'affaires (pas de concessionnaires et amélioration de la voiture par download automatique), 

·         ses résultats (dans bien des marchés, les Tesla sont les voitures de luxe les plus vendues, devant les Mercedes, BMW, etc.)

·         et son fondateur, le visionnaire Elon Musk.

Pour ceux qui ont conduit une Tesla, c'est souvent la révélation.

Berkshire Hathaway, c'est l'emblématique conglomérat de Warren Buffett.  Basés sur une compagnie d'assurance dommages, les primes reçues, mais pas encore payées en réclamation et les profits au cours des ans ont permis à une société unique d'émerger. Je vous en ai parlé dans un récent mémo (Joyeux anniversaire, monsieur Buffett ! 30 août 2020).  Bref, c'est une énorme compagnie en termes de ventes, profits et actifs. 

En bourse, Tesla vaut $568 milliards USD. Berkshire Hathaway vaut $542 milliards USD.

En terme de croissance des ventes, Tesla a augmenté ses ventes de 50.36% par année au cours des cinq dernières années contre 5.52% par année pour Berkshire Hathaway.

Mais en terme de ventes et profits, c'est un peu différent.

Tesla a réalisé des ventes de $24.6 milliards USD pour sa dernière année complète et $28.1 milliards USD en tenant compte des derniers quatre trimestres. Disons qu'avec le coronavirus, deux des quatre derniers trimestres ont été négativement affectés.

OK, j'accepte cela. Prenons donc le meilleur trimestre de l'histoire de Tesla, et annualisons-le, ça nous donne $35.2 milliards de ventes.  

Dans le cas de Berkshire Hathaway, c'est $255 milliards de revenus en 2019. Et comme Tesla, 2020 a été plus difficile. Mais les revenus pour 9 mois en 2020 sont de $181 milliards USD et il reste 3 mois à l'année financière.   

Pour la profitabilité, c'est un peu plus compliqué dans les deux cas.

Historiquement, Tesla perdait de l'argent. Depuis quelques trimestres (en fait les 18 derniers mois), elle est profitable. Les médias spécialisés et les courtiers en ont parlé abondamment.. Mais attention... Tesla vend des crédits verts aux autres manufacturiers dans le cadre des lois antipollution (Automotive regulatory credits, décrits à la page 73 du dernier rapport des actionnaires). Sans ces revenus additionnels, Tesla n'est pas profitable. Au cours des 3 premiers trimestres de 2020 ( donc au 30 septembre) elle avait reçu $1.18 milliard USD pour ces crédits. Ses profits déclarés pour les mêmes neuf mois ? $420 millions USD.  Et le problème avec cette source de revenus additionnels, c'est qu'elle ne dépend pas de Tesla, mais des différents programmes gouvernementaux dans le monde. Ce n'est pas l'excellence de Tesla qui crée cela, mais les programmes et politiques adoptés par les gouvernements. C'est difficile de prédire s'ils seront tous là dans la même forme d'ici 3 ans, par exemple. 

Pour Berkshire Hathaway, la complication vient que les lois comptables aient changé il y a quelques années (et contre l'avis de Warren Buffett).   Ainsi, les gains non réalisés sur l'énorme portefeuille d'actions de Berkshire Hathaway sont maintenant comptabilisés comme du profit ou une perte, selon les fluctuations de la bourse.  Buffett, et je suis d'accord avec lui, fait remarquer que ce n'est pas un vrai profit pour la compagnie tant que le gain boursier n'est pas réalisé.  Parce que le profit d'une compagnie, c'est fondamentalement les revenus moins les dépenses. Autrement dit, votre revenu annuel (oui, oui, le vôtre cher lecteur) n'inclut pas la hausse de valeur de votre maison par exemple. 

Donc, suite à cette nouvelle règle, certaines années Berkshire Hathaway semble faire beaucoup plus ou beaucoup moins d'argent qu'en réalité.  Heureusement, c'est facile de trouver les revenus et profits réels de Berkshire Hathaway.  En 2019, le vrai profit a été de $23,548 milliards USD  (et non $81,417 milliards USD qui inclut la hausse de valeurs des actions non réalisées dans le portefeuille).  Par ailleurs, je suis retourné jusqu'en 1978 avant de me tanner, et chaque année BRK a fait un profit ($39 millions sur des ventes de 453 millions en 1978 par exemple).  Bref, c'est une compagnie très profitable.  

En résumé, une de ces deux compagnies grossit rapidement, mais en terme de revenus et profitabilités, l'autre est largement en avance.  Pour un investisseur prudent, qui ne veut pas se réveiller avec une mauvaise surprise, le choix est plutôt facile.  BRK a plusieurs sources de revenus, des actifs tangibles qu'elle pourrait vendre en cas de pépin et surtout une diversification qui la protège.  Tesla fait vraiment une très bonne voiture et sa technologie est la meilleure dans son domaine.  Mais Porsche, Polestar, GM, BYD, Nissan, BMW, VW, pour ne nommer que ceux-là, font eux aussi de très bonnes voitures électriques.  Est-ce possible qu'un jour les acheteurs décident en assez grand nombre qu'ils veulent quelque chose d'autre ?  Après tout, les Tesla se ressemblent tous un peu et parfois, la qualité de finition n'est pas aux normes qu'on attend d'une voiture de ce prix-là.  Poser la question, c'est y répondre...

Ce qui m'amène à vous parler du dividende.  Ni Tesla ou Berkshire n'en payent.  Or c'est une des composantes les plus importantes pour un investisseur. 

Prenons une compagnie que nous avons déjà détenue dans le portefeuille, Novartis.  

C'est une importante compagnie pharmaceutique, basée en Suisse.  En décembre 2010, le prix de son action à la bourse de New York était de $54.11 USD. Admettons alors que vous en aviez acheté 500, pour un total de $27,055. Dix ans plus tard, le titre est $90.72 USD, une augmentation de 67.66%.  Franchement, en une décennie, c'est faible.  Mais en incluant les dividendes, qui lui augmente annuellement depuis 1996, le rendement serait de 487.91% si vous aviez réinvesti ceux-ci.  En termes de valeurs, 500 actions cette semaine valaient $45,360, mais en réinvestissant les dividendes aussitôt reçu (plutôt que de le dépenser !), vous auriez $113,698.65 de plus. Au total, $159,058.65 ou 1753 actions.  C'est quand même incroyable comme différence (et ça me fait un peu regretter de les avoir vendus !).       

La dernière compagnie dont je vous parle aujourd'hui, c'est Alimentation Couche-Tard.

Pour mes lecteurs au Québec, de penser qu'une chaîne de dépanneurs pourrait devenir la plus importante compagnie canadienne par son chiffre d'affaires, c'est quand même incroyable. L'image des dépanneurs quand je grandissais ne présageait pas ceci. Bref, l'an dernier en revenus, Couche-Tard de Laval (QC) était la plus importante compagnie au Canada.  Avec plus de 14,200 magasins dans le monde, Couche-Tard est présent dans 47 des 50 États américains (70% des ventes et profits), dans toutes les provinces canadiennes, dans 9 pays européens et maintenant en Asie. 

Ce qui est fascinant avec celle-ci, c'est comment sa direction est stratégique.  Prenez l'essence et les voitures électriques. Les ventes d'essences sont très importantes pour Couche-Tard. Non seulement c'est profitable, mais ça attire le client chez Couche-Tard qui ensuite va peut-être vouloir acheter quelque chose d'autre.  Après tout, l'an dernier, elle a servi 274 millions de tasses de café, vendu 179 millions hot dog et lavé 47 millions de voitures.  Mais elle vend aussi 155 millions de litres d'essence chaque jour !  La tendance et volonté politique d'interdire les voitures à essence au profit des voitures électriques est une menace à long terme pour Couche-Tard. 

C'est pourquoi l'investissement en Norvège est intéressant.  Voyez-vous, la Norvège est le pays (pétrolier par ailleurs!) dans le monde qui achète per capita le plus grand nombre de voitures électriques.  Au Canada par exemple, c'est +/-2.4% des ventes de nouvelles voitures qui sont électriques.  Aux USA, c'est similaire.  En Chine, c'est 4.5%.  Mais en Norvège, c'est plus de 50%.  

Or en Norvège, Couche-Tard à une équipe dédiée à étudier le marché des dépanneurs et des voitures électriques et ce que ça signifie pour eux à long terme. La compagnie à plus de 500 bornes de recharge rapide juste en Norvège.  Dans tout le Québec, selon le gouvernement, nous en retrouvons 225 de ces bornes rapides.  Ça vous donne une idée de l'échelle d'étude que représente la Norvège pour Couche-Tard. Depuis 2 ans, elle offre aussi d'installer des bornes chez les Norvégiens ou encore sur leur lieu de travail (2700 installées à ce jour). 

Une autre initiative stratégique, c'est son entrée en Asie. Oui, il y a beaucoup de gens en Asie et la croissance est meilleure qu'ici.  Mais ce qui me fascine le plus, ce n'est pas une acquisition en Asie comme telle.  D'autre l'on fait avant, avec ou sans succès (Manuvie, Banque Nationale et Power Corp pour ne nommer que ceux-là).  C'est l'angle qu'on découvre en écoutant le PDG (Brian Hannasch) et le fondateur (Alain Bouchard) quand ils parlent de ce nouveau chapitre pour la compagnie.  C'est d'apprendre dans le cadre de différentes entrevues que d'avoir un dépanneur dans un petit local hyper urbain en Asie versus ceux aux États-Unis ou au Canada, qui sont souvent en banlieue, va leur permettre d'apprendre quelque chose de nouveau (insight en anglais) sur les consommateurs dans une mégapole.  C'est de réaliser qu'un magasin traditionnel Couche-Tard en banlieue ou en bordure d'autoroute, c'est souvent deux ans de planifications, autorisations et constructions.  Un magasin à Hong Kong, dans un local existant, c'est quelques mois seulement pour le même processus.  Cette économie de temps, c'est du profit.  

Hannasch et Bouchard veulent doubler la taille de l'entreprise d'ici 2023.  C'est énorme comme défi, mais la compagnie et son équipe de dirigeants jouent aux échecs, stratégiquement et méthodiquement. Il va sans dire que nous sommes heureux d'être coactionnaires avec eux. 

Les marchés boursiers, comme je vous le disais la semaine dernière, ne sont plus l'aubaine du mois de mars 2020.  Mais pour un investisseur patient, il y a encore beaucoup de très bonnes entreprises et de très bons rendements futurs. Et nous serons là avec vous pour en profiter.

Entretemps, merci de votre confiance et au plaisir de vous reparler bientôt,

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