Comment l’Europe réagira-t-elle à la menace tarifaire des États-Unis?

20 février 2025 | Frédérique Carrier


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En ce qui concerne l’Union européenne (UE), l’impact économique de tarifs douaniers américains dépendra de l’ampleur et de la durée. Nous examinons les répercussions de l’évo

Comment l’Europe réagira-t-elle à la menace tarifaire des États-Unis?

L’Union européenne (UE) se trouve dans la mire d’un différend commercial avec les États-Unis. Eric Lascelles, l’économiste en chef de RBC Gestion mondiale d’actifs, souligne que, même si aucun pays européen ne figure parmi les trois principaux partenaires commerciaux des États-Unis, l’UE est collectivement le plus grand consommateur de produits américains et maintient simultanément un excédent commercial avec les États-Unis, ce qui signifie qu’elle y exporte encore plus de produits qu’elle n’en importe.

Les cibles tarifaires de Trump sont les principales destinations des exportations américaines
Exportations de biens des États-Unis (% des exportations totales)
Exportations de biens des États-Unis

Le graphique à colonnes montre les pourcentages de biens américains exportés aux pays qui consomment le plus de biens américains. L’Union européenne (UE) consomme 17,9 % des biens exportés par les États-Unis; le Canada, 16,9 %; le Mexique, 16,2 %; la Chine, 7,0 %; le Royaume-Uni, 3,9 %; le Japon, 3,9 %; la Corée du Sud, 3,2 %. Au sein de l’UE, cette consommation s’établit comme suit : Pays-Bas, 4,3 %; Allemagne, 3,7 %; France, 2,1 %; Italie, 1,6 %; Espagne, 1,2 %; Irlande, 0,8 %; autres pays de l’UE ensemble, 2,6 %.

En date de décembre 2024; total mobile sur 12 mois de la part des exportations de biens américains par destination.

Sources : RBC Gestion mondiale d’actifs, U.S. Census Bureau, Macrobond

Droits de douane réciproques

L’idée la plus récente du président américain Trump pour remédier à ce qu’il considère comme une balance commerciale défavorable est d’imposer des droits de douane réciproques, c’est-à-dire des tarifs douaniers équivalant à ceux imposés par ses partenaires commerciaux. De tels droits de douane pourraient nuire beaucoup plus à l’économie européenne que les tarifs ciblés sur l’acier et l’aluminium que les États-Unis viennent d’annoncer.

M. Trump a chargé les dirigeants commerciaux des États-Unis d’examiner les droits de douane de tous les partenaires commerciaux (ainsi que les barrières non tarifaires, comme les réglementations, les subventions gouvernementales et les taxes de vente) dans le but d’imposer des frais semblables aux pays. Dans le cas de l’UE, des réglementations potentiellement litigieuses limitent par exemple les organismes génétiquement modifiés et la viande traitée aux hormones, tandis qu’une vaste gamme de subventions soutiennent le secteur agricole.

Les dirigeants commerciaux des États-Unis se demanderont également si le système de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) devrait être considéré comme un tarif supplémentaire sur les exportations américaines.

La TVA est un mode de taxation de la consommation utilisé par environ 175 pays dans le monde. Elle s’applique à tous les biens au point de consommation, qu’ils soient produits au pays ou importés, un fait qui sous-tend les arguments contre sa classification en tant que tarif. Néanmoins, les opposants soutiennent depuis longtemps que la TVA a une incidence injuste sur les exportations américaines.

À un taux moyen d’environ 20 %, la TVA est une importante source de fonds pour l’UE, alors qu’elle représente environ un cinquième des recettes fiscales. Il est par conséquent peu probable, selon nous, qu’elle diminue.

Les dirigeants américains devraient présenter leurs conclusions d’ici le 1er avril. Si les États-Unis devaient imposer des droits de douane réciproques qui incluent la TVA, l’UE pourrait être visée par des droits de douane allant jusqu’à 25 %. Un tel résultat serait négatif pour l’économie, mais l’incidence dépendrait de la durée de ces tarifs.

Droits de douane ciblés

L’administration Trump imposera des droits de douane de 25 % à compter du 12 mars 2025 sur les importations d’acier et d’aluminium à destination des États-Unis. M. Lascelles croit que les répercussions économiques maximales de tarifs ciblés seront relativement faibles, mais le risque que ces tarifs persistent indéfiniment est élevé selon lui. Cela s’explique par le fait que l’administration américaine considère les droits de douane comme un moyen de financer ses baisses d’impôt, du moins en partie, ainsi que de protéger les entreprises américaines de la concurrence étrangère.

Les options de l’UE : rapides et souples?

La politique commerciale de l’Union européenne relève de la Commission européenne (CE), qui négocie et conclut les accords commerciaux internationaux. Les États membres individuels ne concluent pas d’accords commerciaux bilatéraux.

Jusqu’en 2023, l’UE n’avait pas de mécanisme centralisé pour réagir rapidement aux politiques économiques qu’elle considérait comme coercitives. Toute mesure de représailles ponctuelle nécessitait un accord unanime et devait faire l’objet d’une décision de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ou de longues négociations entre États membres.

Pour officialiser et accélérer son processus de réponse aux négociations commerciales, l’UE a mis en place en 2023 un instrument anticoercition (IAC) qui exige seulement une majorité qualifiée ou l’approbation de 15 des 27 États membres représentant 65 % de la population du bloc.

L’IAC offre également un plus large éventail de contremesures que celles qui étaient auparavant disponibles. Au-delà des tarifs douaniers, l’UE peut imposer des restrictions sur les investissements et des interdictions d’approvisionnement, parmi d’autres outils économiques. Bien que le processus de réponse aux changements apportés aux politiques commerciales puisse encore prendre jusqu’à huit semaines, l’IAC permet à l’UE d’imposer des contremesures plus rapidement et avec plus de souplesse.

Si les États-Unis devaient décréter des droits de douane, l’UE offrirait probablement des concessions comme première réponse. Elle pourrait accroître ses importations de gaz naturel liquéfié américain ou bien ses dépenses militaires, alors que les gouvernements des trois principaux pays de l’UE (Allemagne, France et Italie) consacrent moins de 2 % de leur PIB à la défense. L’UE pourrait également offrir de réduire ses barrières commerciales (par exemple, elle impose un tarif douanier de 10 % sur les automobiles produites aux États-Unis, tandis que les véhicules de l’UE sont assujettis à des droits de douane américains de 2,5 %).

Mais l’UE finirait aussi par riposter, selon nous. La CE a déclaré qu’elle répondrait avec fermeté aux droits de douane américains, mais ses tarifs de représailles seraient probablement moins punitifs que ceux des États-Unis. De nombreux décideurs européens ont plaidé en faveur de négociations plutôt que de représailles. La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a appelé à des pourparlers, tandis que Friedrich Merz, qui devrait être le prochain chancelier d’Allemagne, a laissé entendre avant l’investiture présidentielle américaine que l’UE devrait poursuivre les discussions sur le libre-échange.

Une stratégie de désescalade a bien servi l’Europe en 2018. Face à des menaces tarifaires similaires, l’UE a augmenté ses achats de gaz naturel liquéfié des États-Unis et riposté aux droits de douane américains, qui visaient plus de 6 milliards de dollars d’exportations européennes, par des tarifs sur des biens américains pour environ la moitié de ce montant, ciblant le whisky, les jeans et les motocyclettes.

Cette approche a contribué à désamorcer les tensions commerciales avec l’administration Trump. À notre avis, une réponse similairement mesurée de l’UE pourrait réduire les risques d’escalade de la guerre commerciale.

Une grave menace pour la reprise régionale

La reprise économique précaire en Europe devrait être mise à l’épreuve par la menace tarifaire. Compte tenu de l’objectif de l’administration Trump d’accroître les revenus tirés des droits de douane pour financer les baisses d’impôt nationales, cette menace doit être prise au sérieux, à notre avis, et nous chercherions à positionner les portefeuilles en vue de l’intensification des tensions commerciales et d’une volatilité élevée.

En ce qui a trait aux actions européennes, le risque lié aux bénéfices pourrait être atténué par le fait que de nombreuses sociétés ont des installations de fabrication aux États-Unis. Nous continuerions de privilégier les sociétés chefs de file à l’échelle mondiale qui profitent des tendances structurelles mondiales et qui en sont le moteur, en particulier dans des créneaux comme le matériel de fabrication de semiconducteurs, les génies électrique et mécanique, les gaz industriels et les soins de santé.


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