Le Canada est confronté à un problème mathématique.
En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, les Canadiens représentent une part relativement importante de ce qui est produit dans le monde. Bien que nous nous soyons engagés, au cours des décennies, à réduire ces émissions, nous n’avons pas vraiment atteint cet objectif. Nous continuons de consommer du pétrole pour traverser notre vaste territoire, de brûler du gaz pour chauffer nos maisons et de déverser du méthane dans l’atmosphère pour nous alimenter et alimenter une grande partie de la planète.
Tout compte fait, nous polluons autant l’atmosphère qu’il y a une génération. Nous n’avons pas le luxe d’attendre une génération de plus pour changer de vitesse si nous voulons éviter les pires conséquences du réchauffement climatique, notamment les sécheresses prolongées dans les Prairies, les violentes tempêtes sur nos côtes et la fonte des glaces dans le nord du pays. Et bien que le temps presse, le Canada a d’autres priorités après la pandémie, parmi lesquelles prendre soin d’une population vieillissante, faire face aux perturbations technologiques et promouvoir une croissance économique plus inclusive.
Donc, quel est le problème mathématique ? Le Canada émet près de 730 millions de tonnes de dioxyde de carbone et de gaz à effet de serre équivalents chaque année, ce qui fait de nous le 10e émetteur mondial. Ce chiffre peut sembler minime par rapport aux quelque 50 milliards de tonnes produites dans le monde, notamment aux États-Unis et en Chine. Il dépasse toutefois largement les 602 millions de tonnes que nous avons générées en 1990, juste avant le premier Sommet de la Terre.
Malgré nos meilleures intentions, les émissions ont augmenté
Émissions de gaz à effet de serre, millions de tonnes de CO2, équivalent
Source: Environnement et Changement climatique Canada, Services économiques RBC
Afin de s’engager plus résolument sur la voie zéro émission nette, le gouvernement fédéral a promis de ramener le Canada à 500 millions de tonnes d’ici la fin de la décennie. Le pays ambitionne aussi d’éliminer ou de compenser le reste d’ici 2050 grâce à de nouvelles technologies telles que les véhicules électriques, de nouvelles sources de chauffage pour les maisons et de nouveaux processus pour capter et stocker une partie des émissions que nous continuerons de produire pour alimenter notre planète en énergie.
Le présent rapport vise à exposer certaines de ces voies et leurs coûts, d’après une série de modèles sur les émissions des principaux secteurs, ainsi que l’effet futur des technologies novatrices, des changements comportementaux et des améliorations dans les processus industriels et agricoles.
Le coût pourrait être énorme : environ deux billions de dollars au cours des trois prochaines décennies. D’après nos estimations, les gouvernements, les entreprises et les collectivités devraient dépenser au moins 60 milliards de dollars par an pour réduire les émissions du Canada de 75 % par rapport aux niveaux actuels – dans la mesure où les technologies actuelles le permettent. Par exemple, les Ontariens consacrent à eux seuls près de 70 milliards de dollars par an aux soins de santé, priorité nationale tout aussi importante.
La nature peut aider, mais seulement un peu. Les prévisions les plus optimistes en matière de plantation d’arbres à grande échelle et de gestion des forêts ne parviennent qu’à 50 millions de tonnes, soit un dixième de ce qui sera nécessaire pour atteindre zéro émission nette. Les technologies artificielles destinées à éliminer le carbone de l’air ne sont pas encore déployées à grande échelle. Si nous ne parvenons pas à résoudre ce problème, l’objectif de zéro émission nette exigera que les émissions brutes soient aussi proches de zéro que possible.
Vient ensuite la technologie. Il serait énormément utile que le pays adopte les véhicules électriques, les maisons à énergie solaire et les avions à hydrogène, mais cette conversion ne mènerait le Canada qu’aux deux tiers de son parcours vers zéro émission nette. Nous aurons besoin de beaucoup plus de technologies pour renouveler des industries et modes de vie conçus pour un autre âge.
Tout d’abord, nous devrons à peu près doubler notre production d’électricité si nous souhaitons alimenter une nouvelle flotte de véhicules électriques et chauffer et rafraîchir nos maisons, nos bureaux et nos écoles. Le Canada a une longueur d’avance grâce à un « réseau vert » alimenté par l’énergie hydroélectrique, nucléaire, éolienne et solaire. Une plus grande capacité sera nécessaire à tous égards et elle devra être combinée à des investissements sans précédent dans les lignes de transport d’électricité et une nouvelle façon d’envisager la mainmise des provinces dans ce secteur.
Un réseau vert national peut aider à alimenter en énergie certains des plus grands pollueurs du pays de façon plus propre et moins coûteuse. Le Canada devra aussi réinventer ses industries du pétrole, du gaz et du charbon et ses autres secteurs intensifs en carbone. Il pourra ainsi assurer une transition progressive des émissions nettes et atteindre zéro émission nette sans causer de difficultés économiques ou de perturbations sociales de grande ampleur. Un engagement à long terme en matière de tarification du carbone, assorti d’augmentations régulières et prévisibles, permettra aux investisseurs, aux entrepreneurs et aux exploitants de répartir le capital de façon efficace et efficiente. Une telle approche de tarification du carbone pourrait façonner une nouvelle pensée économique en Amérique du Nord. À cet égard, le Canada et les États-Unis pourraient travailler en collaboration sur les chaînes d’approvisionnement continentales en ce qui concerne les produits verts comme les véhicules électriques. Ces deux pays pourraient aussi adopter une politique commerciale visant à mieux évaluer le coût des produits à forte intensité d’émissions tels que l’acier.
Nous aurons besoin de nouvelles approches de finance durable pour générer une grande partie des deux billions de dollars nécessaires à la transition. Dans l’ensemble, le capital ne manque pas. Ce qui est avant tout nécessaire, c’est un remaniement de la réglementation industrielle et de la politique fiscale, ainsi qu’un plus grand soutien gouvernemental pour compenser le risque inhérent aux technologies propres, aux infrastructures durables et aux nouveaux produits de consommation.
Nous aurons également besoin d’une foule de personnes pour mettre en œuvre les compétences nécessaires à la transition, installer des réseaux solaires dans les voisinages, entretenir de nouvelles flottes de véhicules électriques et réformer les pratiques agricoles afin de veiller à ce que le vaste sol du Canada devienne un puits de carbone actif. Nous estimons que le Canada devra recycler 100 000 travailleurs pour qu’ils acquièrent de nouvelles compétences vertes, et augmenter la population active de 200 000 travailleurs présentant ce même profil avant 2030.
Le coût de l’inaction
Bien que la réduction des émissions soit coûteuse, l’inaction a aussi un coût qui continuera de grimper tant que nous tarderons à agir.
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