Peinture de gauche : Teto Elsiddique – neckrings, a breezy thing, 2017. Acrylique sur toile, 152,4 cm x 121,9 cm. Peinture de droite : Azza El Siddique – neckrings, a breezy thing (Rust), 2023. Acier et oxyde de fer, 152,4 cm x 121,9 c. Dévoilé au kiosque de RBC à Art Toronto en 2023.
Les critiques d’art ont décrit l’artiste canadienne émergente Azza El Siddique comme une alchimiste qui crée des environnements organiques. Ses installations multisensorielles ont été comparées à des laboratoires, des plateaux de jeux et des usines de fabrication .
Azza El Siddique, qui partage son temps entre Toronto et New Haven (Connecticut), invite les spectateurs à se déplacer dans des espaces immersifs de la taille d’une pièce pour observer des assemblages d’objets comprenant de l’acier, des récipients en argile, des huiles parfumées, de l’eau et des sculptures imprimées en 3D.
Sa pratique explore la mortalité, l’entropie et les systèmes de pouvoir. Elle s’inspire de son héritage soudanais, de sa vie d’enfant d’immigré au Canada et des rites et artefacts de l’Égypte ancienne et de la Nubie.
L’expérience est souvent éphémère, évoquant des questions sur l’au-delà : les matériaux se transforment, se dissolvent, disparaissent en fumée ou se décomposent en rouille et en résidus persistants.
Inspirée par le travail de son défunt frère
L’un des motifs de l’œuvre d’Azza El Siddique est profondément personnel : poursuivre l’héritage de son frère aîné, Teto Elsiddique, un artiste émergent talentueux qui est décédé en octobre 2017. (À noter qu’Azza épelle son nom de famille différemment de Teto.)
Parmi les objets présentés lors d’une exposition personnelle en 2022 à la galerie Helena Anrather de New York figurait une réplique en bronze de l’une des casquettes de baseball de Teto, 7 3/8, coulée selon un processus qui a détruit l’original. Une autre pièce, A dog without a master (Rust), a gravé les contours d’une des peintures de Teto sur de l’acier qui se corrodera avec le temps – ce qu’Azza appelle une peinture de rouille.
« Ce que j’admire chez mon frère et sa pratique – et ce que j’utilise aussi pour me mettre au défi – c’est sa capacité d’innovation et sa façon de voir les choses. Il y a un engagement profond avec la matérialité : prendre des objets simples et les transformer en quelque chose de spectaculaire », explique Azza El Siddique, depuis son studio de New Haven.
« Lorsque je travaille, j’y pense. Et je m’astreins en quelque sorte à ces normes », dit-elle.
Le potentiel illimité des nouvelles technologies et des nouveaux matériaux
Née en 1984 à Khartoum, au Soudan, Azza avait quatre ans lorsque sa famille a immigré au Canada et s’est installée à Vancouver. Elle a déménagé à Toronto en tant qu’étudiante, avec l’intention d’étudier le design de mode à l’Université métropolitaine de Toronto. Elle a changé d’idée et s’est finalement inscrite à l’Université de l’École d’art et de design de l’Ontario. Elle y a obtenu, en 2014, un baccalauréat en beaux-arts en art matériel et design.
Après une résidence d’artiste de trois ans au Harbourfront Centre de Toronto, elle a été acceptée à la Yale School of Art, à New Haven, pour des études supérieures, où elle a obtenu une maîtrise en beaux-arts en sculpture en 2019.
Azza adopte une approche artistique axée sur la recherche, tout comme son frère, influencée par la relation avec leur père, titulaire d’un doctorat en génie chimique.
« Comprendre le monde, c’est regarder les choses, faire des hypothèses, s’intéresser à de nouveaux matériaux ou de nouvelles technologies et voir ce qui peut en découler », explique-t-elle.
Azza présente des objets dans différents états pour souligner leur caractère éphémère. Elle a conçu des activations thermiques pour libérer les arômes de l’encens Bukhoorelle , inspirée de son étude de l’ancienne parfumerie soudanaise. Elle a construit des systèmes d’irrigation personnalisés pour dissoudre des récipients en argile sous un lent filet d’eau . Elle a numérisé des images numériques et créé des modèles 3D pour observer les structures moléculaires.
Les œuvres d’un frère et d’une sœur trouvent leur place ensemble
Lorsque Corrie Jackson, conservatrice principale à RBC, a vu l’exposition solo 2022 d’Azza El Siddique – et sa peinture de rouille, en particulier – elle a tout de suite vu un lien avec la mission de la Collection d’œuvres d’art RBC . Avant le décès de Teto Elsiddique, sa peinture neckrings, a breezy thing avait été acquise par RBC dans le cadre d’un concours d’art pour artistes canadiens émergents. Sa sœur s’est inspirée de ce tableau pour créer une nouvelle peinture de rouille.
« Le moment où nous avons pensé que nous pourrions présenter cette œuvre d’Azza et la faire dialoguer avec Teto et son œuvre, installée dans un espace de RBC, était tout simplement magique. Ce que j’aime dans l’œuvre d’Azza, c’est son énergie cinétique », explique Mme Jackson.
Selon Mme Jackson, la Collection d’œuvres d’art RBC vise à contextualiser les œuvres d’artistes émergents aux côtés de ceux qui ont été leurs mentors et leurs enseignants. La nouvelle œuvre d’Azza, neckrings, a breezy thing (Rust), a été dévoilée à Art Toronto en octobre 2023 et sera exposée à la galerie communautaire RBC , à Toronto.
Pour l’artiste elle-même, cette plongée dans l’œuvre de son frère est une expérience précieuse.
« Il y a quelque chose de beau et de poétique dans le fait que ces deux œuvres puissent être présentées côte à côte. Partager mon espace avec celui de Teto est quelque chose de magnifique », explique Azza.
« La peinture de rouille est destinée à se transformer et à évoluer », explique Jane Hutchison, directrice, Collection d’œuvres d’art RBC.
« Il y a une alchimie qui se produit, de sorte que cette œuvre d’art va continuer à changer dans sa façon de se présenter. J’aime le fait que cette œuvre soit directement influencée par son environnement », explique Mme Hutchison.
La technologie comme outil pour perpétuer l’héritage de son frère
Ces derniers mois, Azza a exploré les mécanismes de l’intelligence artificielle. Elle dit avoir téléchargé et mis en place son propre modèle d’IA personnalisé, qui s’apparente à un ChatGPT privé. Elle le forme elle-même.
« Il n’est plus nécessaire de connaître le code informatique pour faire ces choses – c’est, pour moi, ce qui est le plus intéressant. La technologie occupe une place prépondérante dans notre vie d’aujourd’hui. C’est juste un autre outil qui me permet de m’exprimer », dit-elle.
Au cours de son dernier semestre à Yale, Azza a formé un algorithme pour générer des peintures spéculatives à l’image de l’œuvre de Teto, avec l’aide du Digital Humanities Lab de Yale.
« J’ai montré les peintures à ses amis et je leur ai demandé ce qu’ils en pensaient. Ils ont été très surpris, ils pensaient que c’était son travail. »
« Je pense que c’est aussi une façon pour moi de refuser que son œuvre soit oubliée. C’est une façon de perpétuer son héritage. »