Privé dès la naissance d’une grande partie de son avant-bras gauche, Dillon Gazandlare a connu la dépression, l’anxiété, l’intimidation et les pensées suicidaires.
« Je n’acceptais pas d’avoir ce corps, raconte-t-il devant la caméra. Je ne m’aimais vraiment pas. » Tout a changé il y a quelques années, quand Dillon a entendu dans son école secondaire le rockeur canadien Robb Nash parler de sa propre expérience lors d’un concert organisé autour de la santé mentale.
L’artiste, qui a rencontré des centaines de jeunes comme Dillon, lui a dit : « Tiens bon. Quelqu’un a besoin de ton témoignage. »
Stimulé par le message et les encouragements de Nash, Dillon a appris la guitare – ce qu’il n’aurait jamais cru possible de faire – et a peu à peu trouvé son chemin vers la lumière. Trois ans plus tard (en 2020), il a envoyé à Nash une vidéo qui le montre se produisant devant public, une guitare à la main.
« C’est lui qui m’a donné l’impulsion. C’est parce que j’ai entendu ce message et qu’il a résonné en moi que je me sens tellement bien. Je vais aller de mieux en mieux. »
Grâce à une nouvelle initiative de The Robb Nash Project, intitulée A Living Curriculum: Stories of Life Through Darkness
– qu’on pourrait traduire par « Comment ils et elles sont sortis de la nuit » –, le témoignage de Dillon va être entendu par des milliers d’élèves canadiens.
Financé par RBC – partenaire de longue date –, ce programme novateur de bien-être mental repose sur le vécu de jeunes qui, comme Dillon, ont trouvé une route à suivre et en parlent. Familier aux élèves, le format adopté (un plan de leçons) facilite l’évocation de leurs démêlés avec les troubles de santé mentale. Ils en parlent eux-mêmes, face à la caméra. Autant de témoignages percutants qui, grâce à la rédaction de journaux et aux discussions en groupe, alimentent la réflexion. Les élèves savent que leur travail sera examiné par les enseignants. Ce programme interactif, qui fait appel aussi à des vidéos musicales porteuses de messages similaires, se veut un pont entre les élèves qui ont besoin d’aide et les intervenants en santé mentale disponibles.
« Nous ne sommes pas des conseillers […] nous occupons le créneau entre les ressources existantes et les jeunes en difficulté », explique Linda Poulin, ex-enseignante québécoise devenue directrice des programmes éducatifs de The Robb Nash Project.
Le fruit de la pandémie
Quand la COVID-19 est survenue, Nash et ses musiciens ont dû interrompre la tournée de concerts qu’ils donnaient dans les écoles du pays. Les membres de l’organisme ont décidé d’en profiter pour voir où en étaient les jeunes qu’ils avaient rencontrés au fil des ans.
« Les témoignages étaient inspirants, très porteurs d’espoir », raconte Linda Poulin.
Bien que momentanément immobilisé, l’organisme a continué à recevoir des questions des écoles et des élèves.
« On sentait la détresse des jeunes qui s’adressaient à nous, dit Linda Poulin. Nous voulions répondre à leurs besoins. Mais comment ? » C’est ainsi qu’est né A Living Curriculum.
Il s’agit d’un cours en ligne donné sur la plateforme d’apprentissage Brightspace D2L et comprenant pour le moment quatre « modules ». Chacun d’eux commence par une vidéo narrative, suivie de questions à débattre et d’une période pendant laquelle les élèves sont appelés à s’exprimer par écrit ou en produisant un document multimédia. Le module comprend aussi une chanson tirée du dernier album de Nash et inspirée par les témoignages qu’il a recueillis antérieurement. L’auditeur est invité ensuite à s’interroger sur le sens des paroles. Une section est prévue à l’intention des élèves désireux d’apprendre à jouer les chansons à la guitare.
Les vidéos musicales (Starting Over, Overcome, Trouble Child and Thief of Colours,) montrent de vrais élèves déchirant les notes annonçant leur suicide, jetant lames de rasoir et médicaments à la poubelle ou arborant les tatouages qui leur rappellent les messages stimulants de Nash.
L’élève qui a besoin d’une aide immédiate à la fin du module peut envoyer le message « NASH » par texto au 686868. Il entrera ainsi en contact avec Jeunesse, J’écoute, la ligne d’écoute téléphonique permanente à laquelle l’organisme s’est associé.
Après une phase pilote menée dans quelques écoles et provinces du pays, le programme a été lancé officiellement en janvier 2022. Quelque 500 élèves y participent. Les organisateurs ont constaté qu’environ 20 % de ceux qui ont suivi les modules disent avoir besoin d’aide. Linda Poulin se rappelle la réaction d’un travailleur social : « Dans 60 % des cas […] j’ignorais que ces jeunes vivaient autant de difficultés. »
Les élèves ont réagi très chaleureusement : « Ils adorent les vidéos, les témoignages, la musique », se félicite Linda Poulin, qui ajoute que le programme nécessite un peu de préparation de la part des enseignants.
Michelle Neville, chef de santé mentale auprès du Catholic District School Board of Eastern Ontario, trouve les témoignages et le plan de cours inspirants et tout à fait en phase avec ce que vivent les élèves.
« Robb Nash est un grand promoteur de la santé mentale. Le cours permet à nos élèves de découvrir son parcours, mais aussi celui d’autres jeunes qui, après des périodes très sombres, ont retrouvé l’espoir et découvert un sens à leur vie. »
Un impact que l’on veut durable
Plus de 100 écoles réparties entre sept provinces se sont déjà inscrites à l’édition 2022-2023 du programme. L’objectif est d’y faire participer 18 000 élèves.
« Nous ne voulons refuser personne », explique Linda Poulin, qui souhaite que le programme ait un impact durable dans tout le pays.
À l’origine de The Robb Nash Project, il y a l’espoir que le programme s’étende à toutes les écoles du Canada qui désirent y participer, et qu’il s’y greffe d’autres modules répondant aux différents besoins des adolescents et des jeunes adultes.
Grâce au soutien de RBC Fondation, The Robb Nash Project peut offrir le programme gratuitement. « RBC est un merveilleux partenaire, souligne Linda Poulin. Tout a commencé il y a quelques années. Son aide nous est très précieuse. C’est grâce à elle que nous pouvons monter des vidéos et mettre à la disposition des élèves un produit de qualité. »
Le voyage de Dillon se poursuit, le désespoir en moins. Naguère, il portait sur lui un petit carnet – plus de 100 pages qui en disaient long sur sa souffrance.
« On l’aurait trouvé près de moi si je m’étais suicidé.
Après des années, j’ai décidé que j’en arracherais des pages si je me sentais mieux. Jour après jour, j’en arrachais de plus en plus. Quand il n’en est resté qu’une, je l’ai brûlée, ainsi que ce qui restait du carnet. Je me suis senti soulagé. Je me sentais bien mieux. »
Pour plus de détails sur A Living Curriculum, consultez le site Web de The Robb Nash Project (robbnash.com/curriculum).