La pandémie de COVID-19 a poussé beaucoup de gens à réfléchir à leur santé et à leur patrimoine, et à ce que l’avenir réserve à la prochaine génération.
Pour les entreprises familiales mondiales, la planification de la relève et la gouvernance familiale ont toujours fait partie intégrante d’une planification de patrimoine efficace. Cependant, la crise sanitaire a rappelé à quel point la vie est fragile et l’importance de se préparer pour l’avenir.
« L’épidémie de COVID-19 a fait de la planification de la relève une priorité, affirme Angie O’Leary, chef, Planification du patrimoine, RBC Gestion de patrimoine – États-Unis. Le contexte actuel donne lieu à des conversations intéressantes sur la planification des successions et des entreprises. La prochaine génération commence à se pencher sur la manière dont les choses se dérouleront. »
Récemment, quelques thèmes reviennent souvent lors des discussions qu’Angie O’Leary et son équipe tiennent avec des membres de la prochaine génération : les objectifs et les valeurs de la famille relativement à la relève en entreprise, les dons de bienfaisance et la responsabilité sociale.
La pandémie en a incité certains à revoir leur plan de gestion de patrimoine afin de s’assurer qu’ils cadraient toujours avec les réalités actuelles de l’entreprise et de la famille pour toutes les générations.
« Le moment est tout indiqué pour passer en revue ce plan, soutient Angie O’Leary. Il y a fort à parier que le patrimoine des fondateurs a augmenté, que les enfants ont vieilli et que les perspectives de ces derniers ont changé depuis la dernière mise à jour. »
Une augmentation de la richesse signifie une plus grande planification
Les conseillers recommandent depuis longtemps aux personnes qui détiennent une participation dans l’entreprise familiale et qui, éventuellement, prennent part à sa gestion quotidienne, d’élaborer un plan de relève. Cela permet à l’entreprise de poursuivre ses activités, en plus de contribuer à sa prospérité et à la préservation du patrimoine pour les générations futures. Un plan de relève peut aussi assurer l’harmonie familiale, car il y a moins de chances qu’un événement inattendu conduise à des désaccords.
Pourtant, de nombreux membres de la prochaine génération pensent qu’aucun plan officiel n’a été mis en place. Selon une nouvelle étude de RBC, menée en partenariat avec Campden Wealth, 33 % des détenteurs de patrimoine de la prochaine génération n’ont pas de plan, ignorent si un tel plan existe ou sont en train d’en élaborer un. De plus, 44 % des répondants affirment que les plans de relève dont ils ont connaissance datent de plus de cinq ans.
La prochaine génération est la clé d’un patrimoine durable
L’étude Façonner l’avenir, aujourd’hui révèle que les principaux obstacles à la planification de la relève sont le malaise que suscitent les discussions délicates sur les finances (33 %) ou la réticence du principal détenteur de patrimoine à renoncer au contrôle de l’entreprise (22 %). Le fait que les familles ignorent comment établir un plan de relève efficace ou ne savent pas qui est disposé et qualifié pour reprendre les rênes de l’entreprise a aussi été mentionné.
Afin de faciliter les choses, Angie O’Leary propose aux familles de communiquer régulièrement avec l’aide d’un modérateur et de tenir des réunions officielles pour prendre des décisions cruciales. On qualifie souvent cette démarche de « gouvernance familiale ». On peut l’aborder de manière générale en suivant le modèle des trois cercles. Selon ce modèle, conçu à la Harvard Business School, il existe sept groupes possédant chacun des perspectives, des objectifs et une dynamique. Le professeur John A. Davis croit que le succès à long terme des entreprises familiales dépend du fonctionnement de chacun de ces groupes et de leur soutien mutuel.
Lors des réunions de famille, il faut poser des questions ouvertes en vue de connaître ce que le patrimoine signifie pour chacun des membres ou de demander aux représentants de la génération suivante ce qui est important pour eux. Certaines familles ont défini des exigences au moment de planifier la relève, notamment obtenir un diplôme d’études collégiales ou être engagé activement auprès d’organismes de bienfaisance, pour pouvoir entrer dans l’entreprise.
Conseils pour amorcer des conversations en famille sur la succession
Selon Angie O’Leary, le transfert de patrimoine se heurte souvent à une mauvaise préparation de la génération suivante. « Avez-vous ces conversations importantes avec toutes les personnes concernées ? Tout le monde doit y participer pour que le patrimoine perdure au-delà de la génération actuelle. »
Selon Campden Wealth, l’âge moyen auquel les membres de la prochaine génération parlent de relève avec leur famille est de 37 ans, souvent quelques années à peine après avoir commencé à gérer une partie du patrimoine familial.
Mme O’Leary conseille aux membres de la prochaine génération d’aborder le sujet de façon globale. « Peut-être travaillez-vous à la planification financière de votre propre famille ou celle de vos enfants. Vous pouvez alors demander à vos parents de vous donner leur avis. » C’est une façon de lancer la conversation sur l’ensemble du patrimoine familial, au lieu de les questionner directement sur leur richesse.
Les familles doivent également comprendre les incidences fiscales qui sont liées à la vente ou au transfert de l’entreprise à la prochaine génération, et vérifier si une approbation doit être obtenue du conseil d’administration ou des autres actionnaires.
« Nous aidons la prochaine génération à revoir le plan établi, y compris tous les actifs internes et externes à l’entreprise, et à examiner les différents facteurs à prendre en compte, explique Mme O’Leary. C’est là que les conseillers peuvent réellement ajouter de la valeur de façon globale. »
Planification de l’entreprise et planification de la relève
Selon Tony Maiorino, chef, Services de gestion de patrimoine RBC, à Toronto, les propriétaires d’entreprise ne sont peut-être pas prêts à transférer leur entreprise parce qu’ils ne comprennent pas parfaitement la différence entre la planification de l’entreprise et la planification de la relève.
La planification de l’entreprise porte sur sa croissance future, y compris ses produits et services, tandis que la planification de la relève vise à déterminer les personnes qui la prendront en charge.
« Les propriétaires d’entreprise sont généralement excellents pour planifier leurs activités, puisqu’ils les gèrent au quotidien, dit-il. Ils pensent que la planification de la relève ne sera pas plus difficile, mais négligent souvent la composante émotionnelle. En effet, les conversations visant à déterminer qui prendra le pouvoir et quand n’ont rien de simple. »
Autre facteur à prendre en considération, la relève porte sur deux fronts : la structure de propriété et la structure de la direction. Les deux doivent être examinées au moment de planifier la relève.
Les parents peuvent rêver qu’un ou plusieurs de leurs enfants prennent la relève. Si certains enfants ne le souhaitent pas, le plan doit prévoir le partage des actifs, précise M. Maiorino.
« C’est une part importante de notre travail, dit-il. À notre avis, cet aspect de la planification est essentiel au maintien de l’harmonie au sein de l’entreprise. »
Partage des biens entre frères et sœurs
Prenons l’exemple de deux frères qui ont fondé une entreprise et qui en possèdent chacun la moitié. Adam a deux enfants et Bryan en a un. Faut-il que la participation d’Adam (50 %) soit transférée à ses deux enfants (25 % chacun) et celle de Bryan à son enfant (50 %) ? Ou bien faut-il transférer un tiers de l’entreprise à chacun des membres de la prochaine génération ?
Voilà des questions auxquelles il faut répondre. De façon générale, plus la famille est grande et plus l’entreprise familiale existe depuis longtemps, plus ces décisions sont complexes. Les discussions dans un cadre formel sont donc essentielles.
Selon l’étude de Campden Wealth, 50 % des répondants pensent que des communications régulières sont la clé de la réussite. D’autres disent que des réunions officielles régulières ont aidé (43 %), et 26 % affirment avoir réussi grâce à des politiques et procédures détaillées.
La planification de la relève peut aussi envisager la vente de l’entreprise à un tiers et, dans ce cas, prévoir ou non une participation de la famille. Dans de nombreux cas, M. Maiorino affirme que les propriétaires d’entreprise obtiendront plus pour leur entreprise s’ils la vendent à un tiers, mais l’argent peut ne pas être le seul critère. Pour certaines familles, le legs de l’entreprise l’emporte sur le reste.
Les familles doivent définir leurs valeurs et leurs priorités à long terme, ajoute M. Maiorino. « Le fait de bien comprendre les valeurs et la culture de l’entreprise nous aidera à les guider pour la suite des choses, dit-il. Un dialogue ouvert et honnête est indispensable. »
Examen régulier du plan de relève
Avoir un plan de relève est important, mais avoir un plan désuet peut être tout aussi problématique que de ne pas en avoir du tout, selon M. Maiorino.
« Ce document doit être dynamique, soutient-il, en précisant que cette année, de nombreux clients revoient leurs plans pour leur entreprise et la relève, en raison du ralentissement économique causé par la COVID-19. Votre plan doit convenir que votre entreprise soit en pleine croissance ou qu’elle éprouve des difficultés. »
Il est possible que des modifications s’imposent, ou que le plan reste inchangé. Mais il est important de s’en assurer. Angie O’Leary ajoute que les plans doivent aussi tenir compte de changements, comme un divorce ou des modifications de la politique fiscale. Ces facteurs peuvent avoir une incidence sur la structure des plans.
« La situation peut devenir très compliquée et si vous ne maintenez pas votre plan à jour, les conséquences peuvent être assez désastreuses », affirme-t-elle.
L’harmonie familiale peut être préservée grâce à des conversations entre les générations. M. Maiorino recommande aux familles de dialoguer en permanence afin que chacun puisse faire valoir ses besoins et ses opinions.
« En ce qui concerne l’entreprise et le patrimoine d’une famille, il faut absolument que tout le monde soit au courant des décisions prises et des raisons qui les motivent », affirme-t-il.
« Nous répétons souvent aux parents de partager leurs connaissances avant de transférer leur richesse. Assurez-vous de transmettre vos valeurs et les choses qui vous tiennent à cœur à la prochaine génération », conclut M. Maiorino. Le faire sera un bien meilleur gage de succès que simplement céder l’entreprise. »