À mesure que le virus se propage en Amérique du Nord et étend ses ramifications en Europe, le grand nombre de victimes de la COVID‑19 et ses répercussions négatives sur l’économie et les marchés financiers continuent de s’accroître. Par conséquent, la liquidation des marchés boursiers mondiaux s’est poursuivie et la plongée de l’indice S&P 500 a atteint, à son pire moment, 34 % par rapport au sommet historique enregistré il y a un peu plus d’un mois. Bien que les principales banques centrales aient pris des mesures rapides et énergiques, des tensions se sont encore manifestées sur le marché des titres à revenu fixe. À notre avis, les marchés financiers continueront probablement de fluctuer rapidement à court terme, tant à la hausse qu’à la baisse.
En raison de l’assombrissement de la situation économique et des répercussions négatives connexes sur les bénéfices de sociétés, l’économiste en chef et la stratégiste en chef, Actions américaines, de RBC ont encore revu leurs prévisions à la baisse. Vous trouverez ci‑après leurs récentes réflexions sur la crise et la trajectoire potentielle avant l’amorce d’une reprise, de même que celles du Comité des Services‑conseils en gestion mondiale de portefeuille.
La récession serait profonde, mais…
Eric Lascelles, économiste en chef, RBC Gestion mondiale d’actifs Inc., pense désormais qu’une récession profonde (mais potentiellement courte) touchera les États‑Unis, le Canada et l’Europe, où les activités quotidiennes sont presque tombées au point mort.
Les neuf scénarios évalués par M. Lascelles à propos du repli de l’économie américaine causé par le coronavirus – allant de faibles répercussions sur la croissance à de profondes répercussions, en passant par des répercussions moyennes – se sont tous détériorés récemment lorsque les autorités ont mis en place des mesures préventives contraignantes visant à stopper la propagation du virus et à protéger la population.
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Selon M. Lascelles, le scénario le plus probable à ce point‑ci est une contraction de l’économie américaine d’une ampleur et d’une durée moyennes. Dans ce cas, la baisse du PIB des États‑Unis pourrait atteindre 15 % pendant une courte période. En raison du caractère jusqu’ici rapide et intense de la crise sanitaire, M. Lascelles s’attend à ce que les répercussions se fassent principalement sentir au deuxième trimestre, ce qui pourrait donner lieu à la plus importante baisse trimestrielle de l’histoire des États‑Unis. Selon M. Lascelles : « Les mauvaises nouvelles en la matière commencent déjà à s’accumuler. Aux États‑Unis, les demandes de prestations d’assurance‑chômage par région sont presque dix fois supérieures à la normale. Les statistiques sont également à la hausse au Canada. »
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Au moment de la publication des données économiques en avril et en mai et, au cours de la même période, des résultats des sociétés pour le premier trimestre, les répercussions globales du virus devraient se révéler plus clairement aux États‑Unis et dans les autres grandes économies. Heureusement, les marchés financiers ont déjà commencé à les anticiper dans l’établissement des cours. À notre avis, les principaux marchés boursiers ont rapidement chuté de plus de 30 % parce que les investisseurs s’attendent notamment à ce que le virus porte un dur coup au PIB. Il reste à voir si la détérioration à venir de l’économie et des bénéfices est pleinement prise en compte par les marchés boursiers, compte tenu des nombreuses incertitudes persistantes et de la complexité de la modélisation de ce choc sanitaire exogène. La publication des données d’avril et de mai révélera sans contredit des surprises.
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Si la propagation du virus décroît durant l’été et que l’économie des États‑Unis commence à se stabiliser avant de se rétablir vers la fin de l’année (le scénario le plus probable selon M. Lascelles), le recul du PIB sur l’ensemble de l’année serait loin d’avoir l’ampleur observée au deuxième trimestre, mais demeurerait tout de même notable. M. Lascelles prévoit que le repli du PIB des États‑Unis sera de 2,8 % en 2020, alors qu’il s’attendait précédemment, au moment où la propagation du virus n’était pas aussi fulgurante en Amérique du Nord et en Europe, à ce que le recul soit faible. Pour mettre cette valeur en contexte, un recul annuel de 2,8 % (y compris une forte baisse subie au deuxième trimestre) serait un peu plus marqué que celui observé en 2009, lors de la crise financière mondiale. Il s’agirait alors de la baisse annuelle la plus importante enregistrée aux États‑Unis depuis 1946. (#MacroMémo : Encore plus au sujet de la COVID‑19)
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Il ajoute ce qui suit : « L’Europe et le Canada souffriront peut‑être un peu plus que les États‑Unis en raison de la gravité de la maladie en Europe et du choc additionnel que provoque la faiblesse des prix du pétrole au Canada. »
… la reprise pourrait être plus rapide et plus forte
Le choc causé par le coronavirus est un événement à ce point exceptionnel que le déroulement de la récession et de la reprise pourrait se révéler tout aussi exceptionnel.
- Eric Lascelles écrit : « Heureusement, le creux [de la récession] ne devrait pas durer particulièrement longtemps. Autre aspect positif, les décideurs politiques ont maintenant adopté des mesures de stimulation monétaire et budgétaire d’une ampleur vraiment remarquable. Ces interventions sont essentielles pour empêcher qu’une perturbation temporaire et artificielle de l’offre ne cède le pas à une perturbation durable de la demande. »
- La Réserve fédérale (Fed) a fait à peu près tout ce qu’il est possible d’imaginer pour affronter cette crise, notamment une injection massive de liquidités dans les marchés du crédit. Soulignons que son aide est arrivée beaucoup plus rapidement que lors de la crise financière mondiale, à un point tel que le plus grand détracteur en chef de la Fed, le président Donald Trump, n’a pu que saluer les décisions qui ont été prises. D’autres banques centrales majeures ont elles aussi intensifié leurs efforts.
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Des mesures budgétaires ont été adoptées presque aussi vite par les gouvernements du Royaume‑Uni et du Canada, ou sont en voie de l’être sur le territoire continental européen. Bien que certains dénoncent le fait que des personnes à Washington tardent à faire adopter un plan de relance à hauteur de 2 billions de dollars, il faut reconnaître que les autorités réagissent beaucoup plus tôt que durant la crise financière. Nous croyons que les mesures budgétaires et monétaires atténueront les effets de la contraction économique mondiale et stimuleront la reprise.
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Eric Lascelles affirme également que les économies pourraient se remettre sur pied plus rapidement, étant donné que le coup porté à la main‑d’oeuvre et à la demande de produits est largement attribuable aux consignes du gouvernement incitant les gens à rester à la maison et à faire du télétravail, qui ont été instaurées à des fins de santé publique et qui pourraient être vite annulées lorsque le virus régressera. Il ajoute : « Tout compte fait, notre prévision préliminaire de croissance du PIB pour 2021 tient pour acquis que la reprise serait assez vive. » En outre, dit‑il, « nous supposons que la reprise sera plus rapide que d’habitude. À peine un mois après le redémarrage de l’économie chinoise, celle‑ci tourne déjà peut‑être à 80 % de son rythme normal ».
Une ombre plane sur les bénéfices
La probabilité désormais bien palpable d’une récession en 2020 est la principale raison pour laquelle Lori Calvasina, chef, Stratégie sur actions américaines de RBC Marchés des Capitaux, SARL, a encore abaissé sa prévision de bénéfices aux États‑Unis.
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Selon Mme Calvasina, les bénéfices des sociétés de l’indice S&P 500 reculeront à 139 $ par action, ce qui est beaucoup plus bas que sa prévision précédente de 165 $. Cette nouvelle estimation correspond à un recul de 15 % en glissement annuel, comparativement au niveau de 163 $ atteint en 2019, selon FactSet. Elle prend en compte la diminution des bénéfices enregistrée au cours des trois récessions précédentes depuis 1991. Ces reculs ont tous été attribuables à des circonstances très différentes, mais selon Mme Calvasina ils peuvent ensemble servir de guide.
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D’ici le milieu de l’année, un nombre de plus en plus grand d’investisseurs institutionnels relégueront aux oubliettes le creux des bénéfices en 2020 pour se concentrer sur le rebond éventuel des profits en 2021. Pour l’instant, Mme Calvasina table sur des bénéfices de 158 $ par action en 2021, soit près de 14 % de plus que sa prévision pour 2020. Ce calcul suppose que la reprise de l’économie commencera au quatrième trimestre de 2020 et qu’elle se poursuivra en 2021. Il intègre aussi une expansion modérée des marges d’exploitation.
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À court terme, le marché reste toutefois confronté au coronavirus et à ce qui devrait être une pénible période de publication des résultats du premier trimestre. Selon Mme Calvasina, les investisseurs boursiers doivent avoir une meilleure idée de la progression de la maladie et du plan d’attaque du gouvernement contre le virus, ainsi que de la politique budgétaire s’y rapportant, afin d’obtenir des précisions et un regain de confiance en ce qui concerne la trajectoire de l’économie. Par ailleurs, avant de se stabiliser, le marché boursier a généralement besoin à tout le moins de mieux percevoir les perspectives de bénéfices.
Bénéfice annuel par action du S&P 500 et estimations
Données réelles (gris) et estimations de RBC Marchés des Capitaux (bleu)
Actions canadiennes : le virus et les marchés pétroliers font doublement mal
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Les marchés canadiens des actions ont fait piètre figure par rapport à leurs références américaines, la chute prononcée des prix du pétrole brut a aggravé les incertitudes découlant du virus. Le ratio cours‑bénéfice prévisionnel de l’indice composé S&P/TSX est maintenant de quelque 11,5x, contre 15,1x en début d’année et une moyenne à long terme de 15,5x. Même si les évaluations sur le marché semblent intéressantes, nous nous attendons à ce que les prévisions de bénéfices demeurent instables et que le risque de baisse soit considérable. Par conséquent, les investisseurs devraient continuer à privilégier les titres de qualité dans leurs portefeuilles d’actions canadiennes et résister à la tentation d’investir dans des sociétés dont les cours sont extrêmement bas, mais dont les perspectives sont à l’avenant.
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Au Canada, la surreprésentation de certains secteurs (la finance et l’énergie représentant plus de 40 % de l’indice de référence) engendre des défis particuliers. Comme on peut difficilement savoir comment évolueront l’épidémie de COVID‑19 et la guerre mondiale des prix du pétrole, nous sommes conscients du risque que les perturbations de l’activité économique durent plus longtemps et nuisent plus durablement à l’économie canadienne que ce que les marchés prévoient actuellement. Nous suggérons aux investisseurs de se tourner vers les marchés étrangers pour accéder à des secteurs sous‑représentés au pays.
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Pour les sociétés du secteur de l’énergie, la priorité numéro un est actuellement la préservation du bilan. Nous constatons déjà que leurs projets de dépenses en immobilisations ont diminué d’environ 30 % et que bon nombre d’entre elles ont réduit leurs dividendes. Si la faiblesse des prix de l’énergie persiste longtemps, même les sociétés les plus importantes et bien pourvues en capitaux pourraient n’avoir d’autre choix que de réévaluer leurs politiques de versement de dividendes.
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À l’instar de l’économie canadienne dans son ensemble, les banques doivent composer avec deux chocs, l’un provoqué par la COVID‑19 et l’autre par la faiblesse prononcée des prix de l’énergie. L’exposition directe au risque découlant des emprunts du secteur pétrolier et gazier demeure raisonnable, mais, à notre avis, la préoccupation la plus importante pour les banques est le potentiel de faiblesse généralisée du crédit qui pourrait accompagner un repli économique aussi long que profond. Les banques sont bien capitalisées et, de ce fait, leurs dividendes devraient rester durables dans une foule de scénarios économiques. Par conséquent, les rendements en dividendes sont en apparence intéressants. Toutefois, les détenteurs de titres de banques doivent être enclins à encaisser la volatilité que nous anticipons dans cette période d’incertitude et avoir les reins assez solides pour le faire.
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Le gouvernement canadien a annoncé un programme d’aide de 82 milliards de dollars canadiens, qui s’ajoute aux mesures d’assouplissement monétaire de la Banque du Canada. Ce programme prévoit 27 milliards de dollars canadiens en aide directe, plus 55 milliards sous forme de reports d’impôt. Les Services économiques RBC font remarquer que les initiatives directes représentent 1,2 % du PIB, ce qui est bien peu par rapport aux ambitieux programmes de dépenses annoncés par d’autres pays développés. Par conséquent, les Services économiques RBC s’attendent à des annonces de mesures plus musclées au cours des prochaines semaines.
Trouver de la valeur dans les marchés du crédit
Les marchés du crédit sont tout aussi agités, sinon plus, que les marchés des actions.
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Les taux des principaux indices américains d’obligations à rendement élevé et de catégorie investissement ont presque doublé au cours des dernières semaines et s’établissent respectivement à environ 11 % et 5 % aujourd’hui. Cette situation découle à la fois de facteurs fondamentaux et techniques, qui exercent une pression haussière sur les taux des obligations de sociétés.
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De nombreuses sociétés ont tenté de mobiliser des capitaux en prévision d’une baisse de leurs flux de trésorerie. Or, les acheteurs potentiels voient eux aussi leur capital diminuer, puisque la semaine dernière, les investisseurs ont retiré environ 36 milliards de dollars de fonds d’obligations de sociétés de catégorie investissement. Il s’agit du retrait le plus important au cours d’une même semaine, représentant environ le quadruple du record précédent.
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Malgré ces sorties d’argent, les émissions d’obligations de sociétés depuis le 17 mars s’élèvent à près de 75 milliards de dollars. Elles proviennent pour la plupart des sociétés emprunteuses les plus solvables, qui ont dû toutefois offrir une généreuse rémunération en raison du déséquilibre susmentionné entre l’offre et la demande.
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Le 23 mars, la Réserve fédérale a annoncé qu’elle lançait de nouveaux programmes de rachats illimités d’obligations, ce qui a permis de stabiliser les coûts de financement. La paire de facilités destinées aux marchés primaires et secondaires est ce qui convient le mieux au marché des obligations de sociétés dans ces programmes, qui consistent essentiellement à acheter des obligations de sociétés de catégorie investissement à court terme, ainsi que des parts de fonds négociés en bourse connexes.
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Nous croyons qu’en raison de la réévaluation rapide du risque dans le marché des obligations de sociétés, le profil risque‑rendement à moyen et à long terme penche de nouveau en faveur des investisseurs. Le marché devient donc intéressant pour certains investisseurs axés sur la valeur. Quand ils sont évalués aux niveaux actuels, les titres de créance de sociétés ont surclassé par le passé les obligations d’État et ont généralement suivi le rythme des actions à la première étape d’une reprise.
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Cette tendance peut également valoir pour le marché canadien des actions privilégiées, dont les prix ont atteint un nouveau plancher historique le 23 mars. Nous croyons que ce marché est baissier, mais qu’il ne s’est pas effondré pour autant : il existe encore des titres rapportant des taux supérieurs à 7 % dans une vaste gamme de structures. Les sociétés doivent continuer à alimenter ce flux de dividendes, à moins que les dividendes d’actions ordinaires soient réduits à néant. Notre objectif est de maintenir, voire d’augmenter, nos placements dans ce marché.
Signes de stabilisation
Alors que les marchés financiers continuent de traverser cette période difficile, Eric Lascelles surveillera de nombreux facteurs qui pourraient devenir des signes de stabilisation ou des étapes charnières. Les premiers points de la liste pourraient en théorie se concrétiser assez rapidement, tandis que les derniers mettront vraisemblablement plus de temps à se manifester.
- Nouvelles améliorations sensibles des mesures de confinement, des contrôles frontaliers et du dépistage de la maladie
- Annonce de nouvelles politiques de relance d’envergure des gouvernements
- Diminution du nombre quotidien de nouveaux cas en Italie
- Diminution du nombre quotidien de nouveaux cas aux États‑Unis
- Diminution du nombre quotidien de décès
- Diminution du nombre total de personnes malades
- Mise au point d’un traitement curatif contre la COVID‑19
- Fin des mises en quarantaine
- Reprise de la croissance économique
- Mise au point d’un vaccin
Ressources pour les recherches
Au Québec, les services de planification financière sont fournis par RBC Gestion de patrimoine Services Financiers. qui est autorisé comme une société de services financiers dans cette province. Dans le reste du Canada, les services de planification financière sont disponibles à travers RBC Dominion valeurs mobilières.