Longévité : déchiffrer le code du vieillissement

03 juin 2024 | Frédérique Carrier


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La science est en train de trouver des moyens de ralentir, de faire stagner et peut-être même d’inverser le vieillissement. Nous examinons les avancées les plus prometteuses et le lien entre les percées scientifiques et les placements intrigants.

Longévité : déchiffrer le code du vieillissement

Points clés
  • Le fait de vivre plus longtemps a exposé de nouvelles conditions de santé inconnues des générations passées. L’attention des scientifiques s’est tournée vers le prolongement de l’« espérance de vie en bonne santé », c’est-à-dire le nombre d’années pendant lesquelles une personne est en bonne santé au troisième âge.
  • Depuis le début du 21e siècle, les scientifiques ont enrichi leurs connaissances des mécanismes biologiques du vieillissement. À mesure que les dommages biologiques s’accumulent et ne sont pas réparés, des troubles liés à l’âge, comme les maladies cardiaques, l’ostéoporose, les cataractes et les maladies neurodégénératives, surviennent.
  • Trois approches pour s’attaquer aux maladies liées à l’âge semblent très prometteuses : les sénolytiques, la régénération des cellules souches et l’allongement des extrémités des chromosomes. De plus, les innovations biotechnologiques dans d’autres domaines qui permettent un traitement plus efficace des maladies chroniques comme le cancer jouent également un rôle dans l’allongement de l’espérance de vie en bonne santé.
  • Les innovations biotechnologiques les plus intéressantes ne se traduisent pas nécessairement par les placements les plus prometteurs. Les investisseurs devraient également évaluer le contexte concurrentiel ainsi que le contexte juridique et réglementaire pour déterminer si une société est susceptible d’être durable pendant de nombreuses années.

Les avancées technologiques émergentes sont le moteur des innovations qui nous entourent, transformant notre façon de vivre, de travailler et d’interagir les uns avec les autres, aujourd’hui et demain. La série « Innovations » de RBC Gestion de patrimoine examine ces agents de changement et la façon dont ils peuvent dégager des occasions de placement intéressantes.

Ce premier rapport de la série porte sur les progrès scientifiques liés au vieillissement. Au cours des 20 dernières années, les scientifiques ont beaucoup mieux compris les voies biologiques du vieillissement et mettent au point des moyens de ralentir, de faire stagner et peut-être même d’inverser son incidence sur le corps et l’esprit. Nous examinons quelques-unes des avancées les plus prometteuses et le lien entre les percées scientifiques et les placements intrigants.

De l’espérance de vie à l’espérance de vie en bonne santé

L’espérance de vie a doublé au cours des 150 dernières années grâce au progrès médical et social. La mortalité infantile a été en grande partie vaincue grâce à l’assainissement de l’eau, à une meilleure alimentation, à des progrès sur le plan des vaccins et des antibiotiques, ainsi qu’à un meilleur accès à ces derniers. Aujourd’hui, les enfants nés dans les pays développés peuvent s’attendre à avoir une chance égale de vivre au-delà de 80 ans.

Le fait de vivre plus longtemps a entraîné une foule de conditions que les générations passées – qui étaient susceptibles de mourir de la guerre, d’accidents, de famines ou d’épidémies – n’ont pratiquement pas connues. L’attention des scientifiques s’est tournée vers le prolongement de l’espérance de vie en bonne santé, c’est-à-dire le nombre d’années en bonne santé avant la fin de la vie. Entre 16 % et 20 % de la vie se déroule dans un état de bataille quotidienne contre le fardeau croissant des maladies chroniques en fin de vie, selon un article publié en 2018 dans Nature, une publication scientifique évaluée par les pairs.

Au-delà de la détresse que cet état cause aux patients et aux soignants, les coûts des soins de santé bondissent. En 2024, les coûts totaux des soins de santé aux États-Unis pour toutes les personnes de 65 ans et plus qui souffrent de la maladie d’Alzheimer atteindront 360 milliards de dollars, selon l’Alzheimer Association. Ce chiffre représente 8 % du coût total des soins de santé aux États-Unis, soit autant que le cancer et les maladies cardiologiques combinés. L’Alzheimer Association souligne également que des millions de membres de la famille et de soignants non rémunérés ont déjà consacré 18,4 milliards d’heures de soins, évalués à 346,6 milliards de dollars en 2023.

Avec le vieillissement de la population, ces coûts continueront de grimper, ce qui pèsera sur la société et l’économie. Selon l’Organisation mondiale de la santé, la population mondiale de 60 ans et plus atteindra 2,1 milliards d’habitants d’ici 2050. Aucun pays ne connaîtra une situation aussi grave que la Chine, qui devrait compter plus de 500 millions de personnes âgées de plus de 60 ans vers le milieu du siècle.

Même aujourd’hui, le besoin de prestations et d’aide exerce d’énormes pressions sur les systèmes de soins de santé et de sécurité sociale dans la plupart des sociétés vieillissantes. Une demande accrue pour ces services pourrait fort bien nécessiter des impôts plus élevés ou une augmentation du fardeau de la dette des gouvernements, ce qui pourrait entraîner une hausse des taux d’intérêt à long terme. Lorsqu’un gouvernement ne fournit pas ou ne peut pas fournir des soins aux personnes âgées et des services de fin de vie, les ménages augmenteront probablement leur taux d’épargne, ce qui pourrait réduire la demande des consommateurs.

Le prolongement réussi de l’espérance de vie en bonne santé pourrait atténuer les pressions sur les coûts des gouvernements et des ménages, tout en ajoutant des années de vie satisfaisante qui peuvent offrir des occasions d’apprendre et de développer de nouvelles compétences, ainsi que la possibilité de rester productif plus longtemps.

Beaucoup d’améliorations partout
Espérance de vie à la naissance depuis les années 1850
Espérance de vie à la naissance depuis les années 1850

Le graphique linéaire montre l’espérance de vie historique à la naissance en Europe, au Canada, au Japon, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Chine jusqu’en 2021. Les premières années indiquées et la fréquence des données varient selon les pays. Les données les plus anciennes datent du milieu des années 1800 et sont annuelles pour le Royaume-Uni depuis 1850, les États-Unis depuis 1901, le Canada depuis 1921 et les autres régions depuis environ 1950. L’espérance de vie dans tous les pays présentés a suivi une trajectoire ascendante semblable et se situe maintenant entre 77 et 82 ans. Les écarts notables par rapport à cette tendance incluent la pandémie mondiale de grippe de 1918 et la famine en Chine à la fin des années 1950. Aux États-Unis, l’espérance de vie a diminué en raison de la COVID-19 et des problèmes du système de santé, et l’espérance de vie en Chine dépasse maintenant celle des États-Unis.


États-Unis

Canada

Europe

Royaume-Uni

Chine

Japon

Source - Our World in Data

Qu’est-ce que le vieillissement?

Dans Le soleil se lève aussi d’Ernest Hemingway, on demande à un personnage comment il a fait faillite. Il répond : « De deux façons. Graduellement, puis soudainement. » On peut en dire autant du vieillissement. À 60 ans, la plupart des gens ont au moins une condition liée à l’âge. À 80 ans, la plupart en ont plusieurs.

Les scientifiques ont formulé deux hypothèses pour expliquer la cause du vieillissement d’un point de vue biologique. Certains prétendent que le vieillissement est causé par les mêmes processus de développement utiles au début de la vie, mais qui continuent d’évoluer dans le désordre jusqu’à l’âge adulte, entraînant la détérioration qui vient avec la vieillesse. Par exemple, la perte osseuse subie par les femmes après la ménopause pourrait être la poursuite des processus qui ont puisé du calcium dans le squelette pour produire du lait chez les mères qui allaitent, ou l’hypermétropie chez les femmes d’âge moyen pourrait être causée par le fait que la lentille de l’œil continue de croître jusqu’à l’âge adulte.

D’autres pensent que le vieillissement constitue la perte graduelle de la capacité du corps à se réparer lui-même. Lorsqu’il est jeune, le corps répare les dommages afin que les gènes puissent être transmis à la prochaine génération. Mais un corps vieillissant perd la capacité de se réparer efficacement, et les dommages commencent à s’accumuler.

Alors que les scientifiques débattent encore des processus à l’origine du vieillissement, ils tendent à s’entendre sur les détails physiologiques du vieillissement, c’est-à-dire les changements cellulaires qui accompagnent le déclin progressif des fonctions physiques au fil du temps.

Dans Hallmarks of aging: An expanding universe, Carlos López-Otín, professeur de biochimie et de biologie moléculaire à l’Université d’Oviedo en Espagne, explique qu’il a dirigé une équipe qui a produit une liste largement utilisée des caractéristiques du vieillissement en 2013. L’ouvrage a récemment été mis à jour pour tenir compte des progrès réalisés en sciences biologiques depuis sa première publication. On y identifie 12 « caractéristiques » qui s’aggravent avec l’âge, s’accélèrent si elles sont stimulées et dont la détérioration semble ralentir au moyen d’un traitement.

En divisant le problème, il peut être possible de traiter chaque caractéristique individuellement, ce qui accroît les chances de déchiffrer le code du vieillissement. En pratique, bon nombre des caractéristiques sont étroitement liées, comme l’inflammation chronique, les dommages à l’ADN et le dysfonctionnement de la mitochondrie – le moteur des cellules – ce qui accroît le défi.

Pour résumer, voici une liste de certains mécanismes de vieillissement :

  • Accumulation des mutations génétiques
  • Effritement des extrémités des chromosomes
  • Blocage des tissus par des débris
  • Cancérisation des cellules, autres cellules entrant dans un état semblable à celui d’un zombie, nuisant aux cellules saines
  • Arrêt de la division des cellules souches, entraînant une incapacité à créer de nouvelles cellules
  • Dégradation des mitochondries, centrales d’énergie des cellules
  • Inflation chronique à travers le corps
  • Dégradation de la santé du microbiome de l’intestin

En fin de compte, les dommages liés à l’âge exacerbent les vulnérabilités du corps et peuvent entraîner des maladies chroniques comme les maladies cardiaques, l’ostéoporose, les cataractes et les maladies neurodégénératives.

Caractéristiques du vieillissement

Terms

Définitions

Concepts

Instabilité génomique

Un génome est l’ensemble complet du matériel génétique d’un organisme et comprend l’ADN, les gènes et les chromosomes.

Les gènes sont souvent considérés comme des caractéristiques héritées des parents, mais ils fonctionnent principalement comme des unités d’information.

La stabilité génomique assure la transmission du matériel génétique d’une génération à l’autre au moyen d’une reproduction parfaite du matériel génétique et d’un mécanisme de réparation pour toute réplication endommagée.

L’instabilité du génome renvoie à l’accumulation persistante de mutations et à l’échec du mécanisme de réparation pour les corriger.

Par exemple, les mutations qui permettent aux cellules de se reproduire sans bornes peuvent causer le cancer. Les cellules ne peuvent se reproduire ou subir des divisions que 40 à 60 fois (à l’exception des cellules souches et des cellules cancéreuses).

Attrition des télomères

Les télomères, que l’on trouve à l’extrémité des chromosomes, servent à protéger ceux-ci. Ils contribuent à protéger le génome et le matériel génétique, ainsi qu’à prémunir les cellules contre les mutations. La taille des télomères diminue chaque fois que les cellules se divisent.

Le raccourcissement des télomères limite le nombre de divisions cellulaires futures, ce qui finit par entraîner une diminution du nombre de cellules saines.

Altérations épigénétiques

Les marqueurs épigénétiques sont des étiquettes, semblables à des codes à barres, situés à des endroits précis des chromosomes, qui indiquent aux cellules quels gènes utiliser.

Les changements dans les marqueurs épigénétiques peuvent affecter la fonction des gènes. Par exemple, les altérations peuvent modifier le profil d’expression génétique d’une manière qui peut favoriser le développement de cancers.

Perte de protéostase

La protéostase est le processus qui permet de s’assurer d’approvisionner les cellules en bonnes protéines en parfait état et dans les bonnes proportions

La perte de protéostase conduit à la production de protéines sous forme imparfaite et en nombres incorrects. L’accumulation de protéines imparfaites semble être la cause de plusieurs maladies liées à la vieillesse, comme la maladie d’Alzheimer ou les cataractes.

Défaillance de l’autophagie

L’autophagie constitue le processus d’élimination des déchets que les cellules utilisent pour éliminer leurs composantes endommagées.

Lorsque les mécanismes d’autophagie échouent, les débris s’accumulent.

Dérèglement de la détection des nutriments

Le dérèglement de la détection des nutriments renvoie à l’atténuation de la capacité de la cellule à détecter les nutriments.

Le dérèglement de la détection des nutriments perturbe la capacité de la cellule à réguler son métabolisme énergétique.

Dysfonction mitochondriale

Les mitochondries sont les centrales d’énergie des cellules, responsables de la respiration et de la production d’énergie.

Les mitochondries dysfonctionnelles deviennent moins efficaces pour produire de l’énergie.

Sénescence cellulaire

Les cellules sénescentes sont celles qui ne se divisent plus, mais qui continuent de vivre dans un état semblable à celui d’un zombie, plutôt que de se détruire. Les protéines sont habituellement considérées comme un élément essentiel du régime alimentaire, mais elles donnent également une forme et une force au corps et permettent à la plupart des réactions chimiques essentielles à la vie d’avoir lieu.

Les cellules sénescentes peuvent endommager les cellules saines à proximité en pompant des protéines inflammatoires qui détruisent les tissus sains qui les entourent.

Épuisement des cellules souches

Les cellules souches sont les réserves à partir desquelles de nouvelles cellules peuvent être produites et régénérer le tissu. Elles sont particulières en ce sens qu’elles se divisent continuellement, contrairement aux autres cellules non cancéreuses, qui ne se divisent que 40 à 60 fois.

Lorsque les cellules souches cessent de se diviser, elles sont incapables de produire de nouvelles cellules pour remplacer les anciennes.

Altération de la communication intercellulaire

La communication intercellulaire a lieu lorsque les cellules communiquent entre elles pour permettre à une personne de fonctionner.

Les systèmes utilisés par les cellules pour coordonner leurs actions commencent à s’effriter et finissent par cesser de fonctionner.

Inflammation chronique

L’inflammation est le processus par lequel le corps lutte contre les choses qui lui nuisent, comme les infections, les blessures et les toxines. Les cellules souffrant d’instabilité génétique ou de sénescence peuvent également déclencher ce processus, provoquant une inflammation chronique.

En amorçant le processus de lutte contre les dommages perçus, les cellules provoquent des réactions inflammatoires, mais comme il n’y a pas d’infection à combattre, la réponse cause des problèmes.

Dysbiose

La dysbiose est la perturbation du microbiome ou la collecte de bactéries, de champignons et d’autres microbes qui vivent dans l’intestin.

À mesure que le microbiome devient moins sain, les communications entre ses microbes et le corps se détériorent.

Source - Carlos López-Otín et coll., « Hallmarks of aging: An expanding universe », Cell 186, no 2 (3 janv. 2023); Venki Ramakrishnan, Why We Die: The New Science of Aging and the Quest for Immortality (Stoughton, 2024)

Prolongement de l’espérance de vie en bonne santé autonome (génétique libre)

À mesure que nous avons mieux compris les voies génétiques et les processus biochimiques du vieillissement, une culture de prolongement de l’espérance de vie en bonne santé « autonome » est apparue. Les « adeptes de la génétique libre » sont des gens qui explorent l’utilisation de pilules et de suppléments existants dans l’espoir d’améliorer leur espérance de vie en bonne santé, et le font largement en dehors de la sphère médicale.

Il est devenu courant récemment de calibrer soigneusement ce qu’on mange pour améliorer la santé de son microbiome. Le jeûne intermittent est une méthode de plus en plus populaire qui vise à induire l’autophagie, le système d’élimination des déchets que les cellules utilisent pour se débarrasser des composantes endommagées. Les cliniques qui offrent des traitements de transfusion de plasma sanguin pour stimuler le rajeunissement des cellules ou des tissus (c.-à-d. le rajeunissement épigénétique) sont de plus en plus répandues. Cette technique est fondée sur des constatations selon lesquelles des souris âgées dans lesquelles on a injecté du sang de jeunes souris ont connu un renversement du vieillissement biologique. Toutefois, les preuves du succès de cette méthode appliquée aux humains ne sont pas concluantes.

De nombreux scientifiques s’inquiètent du battage excessif entourant la génétique libre et ses approches non conventionnelles.

De grandes promesses

Dans son récent livre intitulé Why We Die: The New Science of Aging and the Quest for Immortality , Venki Ramakrishnan, biologiste moléculaire et co-lauréat du prix Nobel de chimie de 2009, présente trois approches qu’il juge les plus prometteuses, énumérées ci-dessous.

Sénolytiques

Cette catégorie de médicaments est conçue pour cibler les cellules sénescentes – celles qui ont cessé de se diviser. Les cellules non cancéreuses se reproduisent de 40 à 60 fois, après quoi la division cellulaire s’arrête. Les cellules ne meurent pas, mais entrent dans un état semblable à celui d’un zombie appelé sénescence. Un jeune corps élimine ces cellules décrépites en déclenchant un processus d’autodestruction ou en utilisant le système immunitaire pour les tuer. Mais ces deux processus de compensation naturels deviennent moins efficaces avec l’âge.

Les cellules sénescentes qui s’accumulent dans le corps sécrètent des molécules inflammatoires, déversant des composés destructeurs dans des tissus à proximité et inhibant le bon fonctionnement de cellules saines à proximité. La science donne à penser que les cellules sénescentes sont à l’origine de nombreuses maladies liées au vieillissement, y compris le cancer, l’athérosclérose, l’arthrose, l’ostéoporose, la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer et les cataractes.

Dans un premier temps, les scientifiques se concentrent sur les médicaments et les suppléments déjà approuvés aux fins d’usage sur les humains pour différentes indications afin de voir s’ils peuvent éliminer les cellules sénescentes. Selon un article publié en août 2022 dans Nature Medicine, il y a jusqu’à 20 essais cliniques en cours sur des humains.

Régénération des cellules souches et reprogrammation cellulaire

Une autre approche met l’accent sur le rajeunissement ou la reprogrammation des cellules, en tirant parti des récentes percées dans la science des cellules souches. Celles-ci sont les réserves à partir desquelles de nouvelles cellules peuvent être produites et régénérer le tissu et sont déjà largement utilisées en médecine régénérative. De nombreux scientifiques sont à la recherche d’applications dans l’espoir de contrer le vieillissement.

Les chercheurs tentent de reprogrammer les cellules afin de les ramener à un stade précoce où elles seraient en mesure de se régénérer. On a découvert que les greffes de cellules souches sanguines prolongent la vie des souris de 20 %.

Réactivation de la télomérase

Les télomères sont des segments de l’ADN situés à l’extrémité de chaque chromosome. Chaque fois qu’une cellule copie ses chromosomes et les divise, les télomères deviennent légèrement plus courts. Lorsque les télomères sont trop courts ou s’usent complètement, les cellules peuvent cesser de se diviser et devenir sénescentes.

Les scientifiques se concentrent sur la réactivation des télomères afin de les empêcher de raccourcir à mesure que les cellules se divisent. La découverte d’une enzyme, la télomérase, a révélé que celle-ci peut allonger les télomères. Cette enzyme est habituellement active uniquement dans les cellules, comme les cellules souches, qui se divisent très souvent, contrairement aux cellules normales. Étant donné que le corps désactive la télomérase dans le cadre du processus de vieillissement, les scientifiques examinent s’il est possible de la réactiver dans le but d’empêcher le raccourcissement des télomères.

Tout vient à point à qui sait attendre

Même si M. Ramakrishnan est optimiste à l’égard de ces méthodes de pointe pour combattre le vieillissement, au moins deux décennies pourraient être nécessaires afin de mettre au point des traitements nécessaires et efficaces, selon lui. La vaste majorité des médicaments expérimentaux qui font leurs preuves dans les laboratoires et sur des souris ou d’autres animaux échouent une fois appliqués aux humains – et même ceux qui fonctionnent sont très rarement mis en marché.

Entre-temps, le premier analyste de recherche en biotechnologie de RBC Capital Markets, LLC, Luca Issi, souligne que l’espérance de vie en bonne santé peut être considérablement prolongée grâce à de meilleurs diagnostics, à des interventions précoces et à des traitements améliorés pour le cancer et les maladies cardiaques.

De plus, il affirme que les innovations biotechnologiques dans des domaines allant au-delà du vieillissement se sont multipliées, permettant un traitement plus efficace de plusieurs conditions. Par exemple, dans le domaine de la médecine génétique, qui met l’accent sur les gènes individuels qui causent des maladies, plusieurs médicaments manipulant ces gènes de façon à avoir une incidence sur les patients ont été approuvés. Jusqu’ici, les approbations ont visé principalement les traitements contre les maladies rares, comme l’amyotrophie spinale et la bêta-thalassémie, une maladie héréditaire du sang. Toutefois, à mesure que la technologie progressera, les traitements de maladies plus courantes, comme le cancer, les maladies cardiovasculaires ou les maladies oculaires, seront bientôt approuvés, selon lui.

Un bon placement?

Il est possible d’investir dans le thème de la « lutte contre le vieillissement » au moyen du secteur biotechnologique. Toutefois, M. Issi souligne que les innovations biotechnologiques les plus intéressantes ne se traduisent pas nécessairement par les placements les plus prometteurs. Selon son évaluation, les sociétés qui sont en mesure de bien cibler les maladies pour lesquelles des besoins importants ne sont pas comblés pour une population potentiellement nombreuse de patients, ainsi que de mener des essais cliniques bien conçus, sont plus susceptibles d’émerger comme premières de classe.

Il croit que les investisseurs devraient également surveiller le contexte concurrentiel pour déterminer si une société est susceptible d’être durable pendant de nombreuses années. L’évaluation des autres changements à long terme et des forces perturbatrices, comme les technologies ou les contextes juridiques et réglementaires qui pourraient avoir une incidence transformationnelle sur la valeur des sociétés biotechnologiques existantes et émergentes, est également essentielle pour déterminer si les placements sont prometteurs.

D’autres secteurs pourraient connaître des évolutions de la demande à mesure que la population vieillit et joue également un rôle dans ce thème :

  • La direction de Gestion de patrimoine pourrait très bien trouver un public captif, car les particuliers devront réfléchir à la façon de ne pas vivre plus longtemps que leur épargne.
  • Les constructeurs d’habitations de diverses régions pourraient connaître une évolution de la demande d’espaces résidentiels, si l’on se fie à ce qui se passe au Japon. Le Japan Times a annoncé en mai 2024 qu’il y avait neuf millions de logements vacants dans le pays, principalement en raison du vieillissement. La demande de logements pour répondre aux besoins des ménages multigénérationnels pourrait augmenter dans certaines régions, tandis que dans d’autres, la demande de logements à occupation simple pourrait augmenter.
  • La révolution en cours dans les sciences biologiques pourrait aussi stimuler la demande pour les biens immobiliers du secteur des sciences de la vie (c.‑à‑d. les espaces de laboratoire et de bureau pour les locataires participant aux découvertes scientifiques).

Si près, mais si loin

Comme les scientifiques ont une meilleure idée des voies biologiques du vieillissement, les perspectives de résultats positifs sur le plan de l’espérance de vie en bonne santé semblent plus prometteuses qu’il y a 20 ans, grâce à la multiplication des efforts. Mentionnons des centaines de sociétés explorant des douzaines de composés différents et des essais cliniques en cours sur les humains. Des percées médicales sont possibles, comme l’ont démontré les récents médicaments ciblant l’obésité, une maladie pour laquelle aucun traitement n’a fonctionné pendant des décennies.

Entre-temps, une bonne alimentation, de l’exercice et un sommeil sain semblent être la meilleure stratégie pour ceux qui aspirent à une vie longue et saine.

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