Une récession d’un autre genre

13 avril 2023 | Kelly Bogdanova


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Alors que les investisseurs se demandent quand la récession frappera l’économie, celle des bénéfices a déjà commencé. Nous examinons différents scénarios.

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Combien de temps durera la récession des bénéfices ?

Les prévisions de bénéfices continuent de chuter, après avoir atteint des niveaux très élevés du fait des mesures de relance liées à la COVID‑19.

La période de publication des résultats du premier trimestre est sur le point de commencer. Les prévisions générales de diverses sources pour le S&P 500 laissent entrevoir un troisième recul consécutif des bénéfices d’un trimestre à l’autre et une deuxième diminution de suite de la croissance des bénéfices sur 12 mois. Ce dernier élément serait considéré comme une récession des bénéfices par Wall Street.

D’après les prévisions générales, les bénéfices devraient toucher leur creux au premier trimestre de 2023
Bénéfices trimestriels par action des sociétés du S&P 500 (données réelles en bleu foncé, estimations générales en bleu pâle)
Bénéfices trimestriels par action des sociétés du S&P 500

Le graphique à barres montre le bénéfice trimestriel par action des sociétés du S&P 500 du premier trimestre de 2021 au quatrième trimestre de 2023. Les données pour la période se terminant au quatrième trimestre de 2022 sont les résultats réels. Les données pour 2023 correspondent aux prévisions générales. Au T1 de 2021, le bénéfice par action (BPA) du S&P 500 était d’environ 49 $. Il a augmenté chaque trimestre pour atteindre près de 58 $ au T2 de 2022. Au cours des deux trimestres suivants, il a fortement baissé. Pour le T1 de 2023, les prévisions générales tablent sur un recul additionnel jusqu’à un peu moins de 51 $. Elles indiquent que les bénéfices devraient remonter au cours des trois trimestres suivants, le BPA dépassant légèrement 58 $ au T4, soit un peu plus que le précédent sommet.

Source : Système I/B/E/S de Refinitiv ; données en date du 7 avril 2023. Les données historiques reflètent les constituants et pondérations de l’indice à la fin de chaque trimestre ; les estimations générales actuelles reflètent les constituants et pondérations actuels.

Selon les projections du système I/B/E/S de Refinitiv, les sociétés du S&P 500 devraient faire état d’une baisse de leurs bénéfices de 5,2 % sur 12 mois au premier trimestre, soit bien en deçà de la croissance de 1,4 % qui était estimée en début d’année.

À notre avis, ces tendances n’ont rien d’étonnant, puisque les sommets atteints par les bénéfices au premier semestre de 2022 ont été favorisés par les mesures de relance de plusieurs milliards de dollars liées à la COVID‑19. Le gouvernement fédéral et la Réserve fédérale (Fed) avaient alors injecté des quantités inégalées de liquidités dans l’économie, mais l’impulsion ainsi créée s’est maintenant essoufflée.

En outre, l’année dernière, les bénéfices de certains secteurs ont grandement profité des prix inhabituellement élevés des marchandises lorsque des sanctions sévères ont été infligées à la Russie, le premier producteur mondial. Depuis, les prix des marchandises sont redescendus de ces niveaux extrêmes.

Les prévisions générales actuelles indiquent que le premier trimestre de 2023 pourrait constituer un creux pour les bénéfices trimestriels et le taux de croissance sur 12 mois, mais nous ne pouvons pas écarter la possibilité que le creux soit atteint plus tard étant donné les faiblesses économiques.

Nous pensons que les prévisions générales des bénéfices pour les trimestres à venir seront fort probablement revues à la baisse durant la période de publication des résultats du premier trimestre et les mois suivants. Dans ce cas, pour le cycle en cours, les bénéfices des sociétés du S&P 500 et le taux de croissance des bénéfices sur 12 mois pourraient atteindre un creux au deuxième trimestre plutôt qu’au premier, puis s’améliorer par la suite.

Toutefois, si une récession économique se concrétise effectivement cette année ou au début de 2024, les bénéfices pourraient toucher leur creux encore plus tard en fonction de la gravité de la contraction ainsi que des éventuelles baisses de taux de la Fed et du moment qu’elle choisira pour intervenir.

Les prévisions générales laissent entrevoir deux autres trimestres de croissance négative des bénéfices
Croissance des bénéfices des sociétés du S&P 500 sur 12 mois (données réelles en bleu foncé, estimations générales en bleu pâle)
Croissance des bénéfices des sociétés du S&P 500 sur 12 mois

Le graphique à barres illustre la variation d’une année sur l’autre en pourcentage de la croissance des bénéfices de l’indice S&P 500, du premier trimestre de 2022 au quatrième trimestre de 2023. Les données de l’année 2002 sont réelles et celles de 2023 représentent les estimations générales. La croissance s’est établie à 11,4 % au T1 de 2022, avant de reculer tout au long de l’année pour tomber à -3,2 % au T4 de 2022. Selon les estimations, elle devrait encore baisser au T1 de 2023, à -5,2 %, puis se redresser au T2 tout en restant négative à -4,0 %. Par la suite, la croissance est estimée à 2,6 % au T3 et à 10,2 % au T4 de 2023.

Source : Système I/B/E/S de Refinitiv ; données en date du 7 avril 2023. Ces données mesurent les taux de croissance sur 12 mois en fonction des constituants et pondérations actuels de l’indice.

Quelle ampleur aura le repli ?

Les prévisions générales du bénéfice par action des sociétés du S&P 500 pour 2023 sont passées de 252 $ en mai dernier à 220 $. La majeure partie du déclin est déjà réalisée d’après notre analyse, mais il reste sans doute encore un peu de chemin à faire.

Notre correspondant national de recherche s’attend à ce que le bénéfice de l’année complète s’établisse en définitive à 210 $ par action. Lori Calvasina, chef, Stratégie sur actions américaines, RBC Capital Markets, LLC, prévoit un niveau encore plus bas de 200 $ par action.

Aucune de ces prévisions ne prend en considération une récession cette année, même si l’estimation de Mme Calvasina intègre une croissance du produit intérieur brut (PIB) réel sur 12 mois de 0,8 % au troisième trimestre et d’à peine 0,2 % au quatrième trimestre (ces deux pourcentages correspondent aux prévisions des économistes de Wall Street).

Nous pensons que les investisseurs devraient se montrer prudents et à tout le moins considérer que le bénéfice par action (BPA) pourrait être de l’ordre de 200 $ à 210 $, surtout lorsqu’il s’agit d’examiner les valorisations du marché. D’après le cours de clôture du 12 avril, le ratio cours/bénéfice (C/B) de l’indice S&P 500 pour l’année complète varie grandement en fonction des bénéfices prévus :

  • BPA de 220 $ = C/B de 18,6x
  • BPA de 210 $ = C/B de 19,5x
  • BPA de 200 $ = C/B de 20,5x

En d’autres termes, les valorisations varient d’un niveau plutôt raisonnable à un niveau élevé suivant les prévisions des bénéfices.

Chose importante, quels sont les éléments pris en compte ?

Le marché anticipe habituellement les futures tendances des bénéfices, qu’elles soient négatives ou positives.

La chute du S&P 500 enregistrée l’an dernier (‑25,4 % du sommet au creux et ‑19,4 % pour l’année complète) s’explique en grande partie par l’important recul des prévisions générales des bénéfices pour 2023 au second semestre de l’année. Voilà pourquoi nous continuons de croire que les mauvaises nouvelles relatives aux bénéfices sont déjà largement prises en compte dans les cours boursiers.

Même si les prévisions des bénéfices se replient davantage vers la fourchette d’un BPA de 200 $ à 210 $, il nous semble que le marché a déjà commencé à se préparer à une telle éventualité. À titre d’exemple, certains investisseurs institutionnels prenaient pour hypothèse un BPA d’environ 205 $ à 210 $ dans leurs modèles des bénéfices à la fin de l’année dernière, selon RBC Marchés des Capitaux.

Le marché pourrait certainement connaître des soubresauts à mesure que les prévisions générales sont revues à la baisse et subir plus de volatilité ou de baisses. Cependant, ce scénario n’effraie même pas Mme Calvasina, l’une des stratégistes en actions les plus prudentes de Wall Street quant aux prévisions des bénéfices pour l’année en cours.

Dans un rapport récent, elle écrivait ceci : « [Traduction] Pensons‑nous que les estimations doivent être encore légèrement abaissées ? Oui, sans doute, et la diminution des bénéfices du secteur de la finance pourrait accomplir une grande part du travail à cet égard. Croyons‑nous qu’un nouveau creux du S&P 500 est inévitable ? Non, sauf si l’hypothèse d’une récession profonde ou durant pendant une bonne partie de 2024 se concrétise pour de bon. Les cours des actions sont des mécanismes d’anticipation. La diminution des prévisions de BPA étant attendue depuis longtemps, elle ne suffira pas à elle seule à provoquer un nouveau creux du marché boursier, à notre avis, d’autant plus que le marché boursier intégrait l’année dernière des tendances de bénéfices pour 2023 bien pires que nos prévisions qui sont elles‑mêmes inférieures à la moyenne. »


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