Point clé : Le Canada va-t-il devenir un pays de locataires ?

07 décembre 2022 | Robert Hogue and Rachel Battaglia


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La progression rapide du nombre de locataires n’est pas près de ralentir.

  • Les locataires sont de plus en plus nombreux au pays. Les deux tiers des ménages canadiens étaient propriétaires en 2021, mais le nombre de locataires a augmenté trois fois plus vite que celui des propriétaires au cours de la dernière décennie.
  • La transition vers la location concerne tous les groupes d’âge et toutes les régions, mais encore plus les jeunes Canadiens et les citadins.
  • Cette tendance est désormais plus forte chez les baby-boomers et dans les petites villes.
  • Elle devrait se poursuivre au cours des prochaines années, alimentée par les pressions exercées sur l’accessibilité, les forces démographiques et des préférences comportementales.
  • Conclusion : La progression rapide du nombre de locataires n’est pas près de ralentir. Les décideurs, les promoteurs et les constructeurs doivent se concerter pour mettre en place, agrandir et diversifier un parc de logements locatifs convenables, abordables et stables au Canada.

Le nombre de locataires monte en flèche

Le Canada n’a jamais compté autant de locataires. Les données du recensement de 2021 montrent que près de 5 millions de ménages canadiens avaient loué un logement l’an dernier, comparativement à 4,1 millions une décennie auparavant. Même si les ménages propriétaires continuent d’être majoritaires au pays dans une proportion de deux à un, ce sont les ménages locataires qui sont en grande partie responsables de la hausse des dix dernières années. Leur nombre a augmenté de 876 000 (soit 22 %), contre 770 000 (soit 8 %) pour les ménages propriétaires.

Les milléniaux sont locataires plus longtemps que les générations précédentes

Auparavant, la location était un rapide passage obligé avant l’achat d’une première maison. Mais il est évident que les jeunes générations de Canadiens ne progressent plus aussi vite sur l’échelle du logement (d’un logement locatif à une première propriété, puis à un logement plus grand). En effet, les données montrent un taux d’accession à la propriété des milléniaux moindre que celui des générations précédentes au même âge. Aussi, les milléniaux occupent des logements locatifs trois à cinq ans plus longtemps que les baby-boomers.

Mais ils ne le font pas nécessairement par choix. Les conditions difficiles d’accessibilité empêchent sans aucun doute les milléniaux de gravir l’échelle du logement et, surtout, de devenir propriétaires. De nombreux programmes d’aide ont été instaurés à l’intention des acheteurs d’une première maison, mais le taux d’accession à la propriété (66 % en 2021) suit une tendance baissière et se rapproche de la moyenne de l’OCDE (64 %).

La location concerne aussi les baby-boomers, pas seulement les jeunes et les citadins

Les pressions sur les coûts ont toujours fait en sorte que la location est plus répandue chez les jeunes et les ménages urbains. Mais les récentes données du recensement montrent qu’un changement plus important s’est produit durant la dernière décennie. Entre 2011 et 2021, les baby-boomers (nés entre 1946 et 1964 et représentant la génération la plus nombreuse au pays) ont dépassé les milléniaux (nés entre 1981 et 1996) et sont devenus le groupe de locataires qui a enregistré la croissance la plus rapide (+4 %). La part des ménages locataires a également augmenté dans les municipalités de toute taille. La hausse du nombre de locataires a été, en fait, légèrement plus forte (22 %) dans les petites villes (agglomérations de recensement) que dans les grandes villes (21 %) (régions métropolitaines de recensement) au cours des dix dernières années. Cette transition majeure vers le logement locatif semble indiquer que les problèmes d’accessibilité dans les grandes zones urbaines ne soient pas la seule force en jeu.

Les tendances démographiques alimentent aussi la demande de logements locatifs

La hausse de l’immigration et le vieillissement de la population favorisent aussi la demande de logements locatifs. Comme la plupart des nouveaux arrivants sont habituellement locataires au cours des cinq à dix premières années suivant leur arrivée au pays, l’augmentation rapide des cibles d’immigration (de 250 000 en 2011 à plus de 401 000 en 2021) a stimulé fortement la demande de logements locatifs. Sur un million d’immigrants récents (immigrants admis ou résidents permanents depuis cinq ans ou moins) qui occupent un logement privé, 56 % (640 700) étaient locataires en 2018. Cela équivaut à près de deux fois la moyenne nationale, de sorte que les immigrants représentent une part disproportionnée des ménages locataires au pays.

Le vieillissement de la population au Canada a également stimulé la demande de logements locatifs. Près du quart (22 %) des cinq millions de logements occupés par des locataires recensés en 2021 étaient habités par des personnes âgées de 65 ans et plus. Cela correspond à une augmentation de trois points de pourcentage par rapport aux 19 % enregistrés en 2011.

De plus en plus de Canadiens choisissent aussi de vivre seuls. Parmi ceux-ci, beaucoup finissent par être locataires puisque deux revenus sont souvent nécessaires pour supporter les coûts élevés liés à l’achat d’un logement. En 2016, le nombre des personnes vivant seules a dépassé celui des couples mariés, devenant le type de ménage le plus important et représentant près de 30 % de l’ensemble des ménages en 2021.

Ces tendances démographiques et comportementales devraient continuer d’alimenter la demande de logements locatifs au cours des prochaines années.

Il faut un plus large éventail de logements locatifs

L’essor de la demande de logements locatifs exercera une pression considérable sur notre parc de location, déjà réduit et inadéquat dans de nombreuses régions du pays. Il nous faudra construire plus de logements locatifs. Beaucoup plus. Et il faudra aussi offrir des types de logements qui répondent aux besoins de la population, en fonction des divers niveaux de revenus. Cela comprend des options adaptées aux familles, c’est-à-dire dans des quartiers proches des écoles et d’autres commodités. La forte augmentation du nombre de ménages locataires vivant dans des maisons individuelles ou jumelées (+33 %) au cours des dix dernières années témoigne également du besoin croissant de logements locatifs dans des zones à faible densité.

Nous pensons que combler le manque de logements intermédiaires dans certaines des plus grandes villes du pays contribuerait largement à offrir plus de choix en matière de location. Le gouvernement fédéral et certains gouvernements provinciaux (comme celui de l’Ontario) envisagent de doubler la construction de logements au cours de la prochaine décennie, et ils pourraient certainement y arriver en mettant en place une bonne combinaison de politiques, de règlements et d’incitatifs.


Robert Hogue est membre du l’équipe Économique et leadership avisé RBC, se spécialisant dans l’analyse et les prévisions pour le marché de l’habitation canadien et les économies provinciales. Il compte parmi ses publications Tendances immobilières et accessibilité à la propriété, Perspectives provinciales et l’analyse des budgets provinciaux. Dans ses fonctions, il est fréquemment appelé à commenter l’évolution de la conjoncture économique auprès de la direction de RBC, de ses clients et des médias.

Rachel Battaglia est économiste à RBC. Elle est membre du groupe d’Analyse macroéconomique et régionale et fournit des analyses des perspectives macroéconomiques provinciales.

Naomi Powell est responsable de l’élaboration des lignes directrices des rapports économiques et de leadership avisé de l’équipe. Avant de se joindre à RBC, elle a travaillé comme journaliste économique au Canada et en Europe, et elle a réalisé récemment des reportages sur le commerce international et l’économie pour le Financial Post.


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