Tensions entre les États-Unis et la Chine : au-delà des tarifs

八月 28, 2020 | Frédérique Carrier


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Nous examinons les perspectives de la reprise en Chine dans le sillage de la COVID-19, ainsi que les répercussions possibles des élections américaines dont les investisseurs doivent tenir compte.

Shanghai skyline

Tension headache

Les manchettes sur les relations commerciales entre les États-Unis et la Chine semblaient encourageantes cette semaine. Les deux pays se sont montrés optimistes quant à l’avancement de l’accord commercial de phase 1, après le premier appel direct entre leurs représentants depuis la signature de l’accord plus tôt cette année.

Malgré ce progrès, les relations entre les États-Unis et la Chine restent tendues. Deux jours après l’appel, l’armée chinoise a lancé deux missiles dans la mer de Chine méridionale. La Chine a justifié ce geste par le fait qu’un avion-espion américain U-2 aurait pénétré dans la zone d’exclusion aérienne sans autorisation durant un exercice de tir réel dans la mer de Bohai, au large de sa côte septentrionale. Les États-Unis ont confirmé la présence d’un tel avion dans la région, mais affirmé qu’aucune règle internationale n’avait été enfreinte.

Les sources de friction entre les deux pays sont profondément enracinées et le conflit a dépassé le stade des discours belliqueux. Les observateurs américains et chinois évoquent maintenant une possible dissociation des deux économies, qui irait bien au-delà de la simple refonte des chaînes logistiques. Des décisions récentes témoignent des tentatives visant à rompre d’autres liens commerciaux entre les deux pays, surtout dans le secteur de la technologie.

Invoquant des préoccupations de sécurité nationale suscitées par l’usage de données personnelles de citoyens américains, le président Trump a récemment émis des décrets qui auront pour effet d’interdire deux applications chinoises très populaires à la mi-septembre. L’application de partage de vidéos TikTok sera interdite à moins que ses activités américaines ne soient vendues à une entreprise établie aux États-Unis. WeChat, une « super-application » comptant plus de 1,2 milliard d’utilisateurs dans le monde, intègre à sa messagerie des services de paiement et de commerce électronique et combine ainsi les avantages d’Amazon, Facebook, WhatsApp, PayPal et bien d’autres outils. Tencent, le propriétaire de WeChat et la plus grande société de technologie chinoise, a intenté une action en justice aux États-Unis pour tenter de bloquer le décret. Beijing censure déjà la plupart des applications de médias sociaux exploitées par des sociétés étrangères.

Principaux désaccords

Sources de friction

Plaintes des États-Unis au sujet de la Chine

  • Excédent commercial

  • Entreprises d'État

  • Exigences relatives aux coentreprises

  • Vol de propriété intellectuelle

  • Contrôle des mouvements de capitaux

  • Point d’origine de la COVID-19

  • Répression à Hong Kong

  • Remise en question de l’ordre mondial

Plaintes de la Chine au sujet des États-Unis

  • Tarifs douaniers

  • Présence dans le Pacifique

  • Ingérence à Hong Kong

  • Domination de l’ordre mondial :

    • Banque mondiale

    • Organisation mondiale du commerce

    • Nations Unies

    • Fonds monétaire international

    • G7

Source : RBC Gestion mondiale d’actifs

Par ailleurs, l’administration Trump a laissé entendre qu’elle rendrait plus difficile l’inscription de sociétés chinoises aux bourses américaines. Selon sa proposition, les sociétés chinoises auraient l’obligation de se retirer des bourses américaines à moins d’autoriser les autorités de réglementation des États-Unis à procéder à des audits complets.

Il ne fait aucun doute que ces interdictions, en plus des autres mesures prises au cours des deux dernières années, comme les tarifs douaniers et l’exclusion de Huawei, entraîneraient des pertes économiques pour la Chine. Cependant, les entreprises américaines pourraient aussi en pâtir, puisque 5 % de leurs revenus générés à l’échelle mondiale proviennent de la Chine et que ce pays connaît depuis des années une croissance plus rapide que le marché national. Pour certains secteurs, comme celui de la technologie de l’information, le marché chinois a augmenté cinq fois plus vite que le marché américain.

Joe Biden changerait-il la dynamique entre les États-Unis et la Chine?

L’approche peu conventionnelle du président Trump pour les relations commerciales a attisé les tensions avec la Chine. Néanmoins, nous ne nous attendons pas à un changement complet de stratégie en cas de victoire démocrate aux prochaines élections, puisque les deux partis sont enclins à faire preuve de fermeté à l’égard de la Chine.

En retour, la Chine semble se préparer à des années d’animosité, selon Jasmine Duan, analyste boursière de RBC Gestion de patrimoine à Hong Kong. Les autorités chinoises, peut-être sous l’effet des récentes inondations qui ont dévasté une grande partie du pays, ont récemment lancé une campagne de lutte contre le gaspillage alimentaire. Cette initiative semble indiquer que le pays se prépare à une séparation durable de son économie et qu’il tente de réduire sa dépendance aux importations agricoles américaines.

En cas de victoire démocrate, les États-Unis maintiendraient sans doute la pression sur la Chine, mais une nouvelle escalade du conflit serait moins probable, selon nous. En outre, l’orientation de la politique américaine vis-à-vis de la Chine serait plus prévisible, ce qui pourrait contribuer à apaiser les tensions. Enfin, une radiation des actions chinoises nous paraît moins probable sous une administration Biden.

Y a-t-il ralentissement du rebond économique de la Chine?

Pour le moment, la Chine se remet bien de la crise de la COVID-19. Au deuxième trimestre, son PIB a augmenté de 3,2 % sur 12 mois, un bond remarquable après la contraction de 6,8 % survenue au premier trimestre. Le pays se distingue donc du reste du monde, où l’économie a décliné pendant la même période. La Chine a tiré avantage du fait qu’elle a endigué l’épidémie avant les autres pays en instaurant des quarantaines strictes, et de son exposition relativement faible aux secteurs les plus touchés par la crise, dont ceux du tourisme et du divertissement.

Le redressement de la Chine est l’effet miroir de celui des États-Unis : le secteur industriel chinois s’est montré résilient, à la faveur des injections de crédit des autorités et bien que la demande des consommateurs ne se soit que partiellement rétablie. Selon Eric Lascelles, économiste en chef, RBC Gestion mondiale d’actifs Inc., « chaque pays tire parti de ses atouts : le tout puissant consommateur américain se montre résilient, tout comme le légendaire secteur manufacturier chinois ».

Toutefois, après un premier rebond en V, les données économiques de la Chine ont affiché un ralentissement en juillet. La production industrielle est demeurée supérieure de 5 % au niveau de l’année dernière, même si elle a reculé légèrement par rapport au mois précédent. Après avoir augmenté en juin, les ventes au détail ont aussi reculé, de 1 % sur 12 mois. Les données d’août semblent indiquer que cette modération se poursuit.

Les pires inondations observées depuis des décennies touchent une douzaine de provinces chinoises, menaçant l’agriculture et entraînant l’interruption de projets d’infrastructure. La situation devrait être temporaire et nous prévoyons une reprise de l’activité économique après la disparition des eaux de crue.

Selon M. Lascelles, cette croissance sera soutenue par les mesures de relance des autorités, qui ciblent maintenant des secteurs précis. Il prévoit que la Chine connaîtra une croissance du PIB d’un peu plus de 1 % cette année et de 8 % en 2021, à mesure que l’économie récupère le terrain perdu, grâce au maintien des mesures de stimulation. Les estimations fluctuent toutefois, et beaucoup de choses dépendent des inondations, de la COVID-19 et de l’évolution des relations entre les États-Unis et la Chine.

Stratégie d’actions chinoises

Les actions chinoises ont profité d’une forte remontée de la fin de mars au début de juillet, alors que le pays connaissait une renaissance économique. Elles sont toutefois restées confinées dans leur fourchette de négociation depuis l’augmentation des tensions.

Nous maintenons une surpondération pour les actions Asie-Pacifique hors Japon, surtout en raison de la Chine. Le pays enregistre une reprise solide, même si elle ralentit, et jusqu’à présent, les bénéfices des sociétés pour le deuxième trimestre ont surpris à la hausse. Les valorisations demeurent attrayantes par rapport à celles d’autres marchés émergents, et ce, pour la plupart des indicateurs. Nous aurions néanmoins une préférence pour les actions chinoises axées sur le marché national, étant donné que le pays s’attache à stimuler la demande intérieure et que les différends persistants avec les États-Unis augmentent le risque de volatilité, notamment dans le secteur de la technologie.


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