Le mois de septembre est habituellement très occupé en ce qui concerne les ventes d’obligations de sociétés, et cette année marque un début historique, puisque 29 sociétés ont émis des obligations le premier jour ouvrable du mois, un record. Un sondage mené par Bloomberg auprès des banques a révélé un ralentissement probable du rythme des émissions, et l’on s’attend à ce que les sociétés de titres bien notés, ou de « catégorie investissement » vendent pour 125 milliards de dollars d’obligations d’ici la fin du mois, ce qui est semblable au volume de l’an dernier.
Les émetteurs de titres moins bien notés, souvent appelés « titres à rendement élevé », ont également été actifs, avec des ventes d’obligations de 357 milliards de dollars en 2024 jusqu’au 31 août, soit près du double des ventes de 2022 et bien au-dessus des chiffres de l’an dernier. En plus des ventes d’obligations, les emprunteurs à rendement élevé ont tiré parti des marchés des prêts pour des montants records. L’une des raisons de l’augmentation des emprunts est de gagner plus de temps pour le remboursement. Cette année, les emprunteurs à rendement élevé ont refinancé près de 170 milliards de dollars de titres arrivant à échéance, la plus forte réduction jamais enregistrée.
Les marchés ont eu peu de difficulté à absorber le volume élevé des émissions. Les écarts de taux – qui mesurent le rendement supplémentaire que les investisseurs reçoivent pour assumer un risque perçu plus élevé de défaillance – ont clôturé le mois d’août en baisse de presque 30 points de base depuis le début de l’année et gravitent près de leurs plus bas niveaux en près de deux ans. Les écarts de taux sont inversement liés aux cours, ce qui signifie que les indices des obligations de sociétés ont surpassé les titres du Trésor jusqu’ici cette année.
Il peut sembler contre-intuitif qu’un volume aussi important de ventes d’obligations n’entraîne pas de pressions sur les prix, mais nous voyons plusieurs raisons à cet écart apparent.
Premièrement, bien que la rémunération pour le risque lié aux obligations de sociétés semble dérisoire par rapport aux écarts de taux historiques, la situation est plus nébuleuse lorsque nous comparons les obligations à d’autres types de placements.Comparativement aux valorisations de l’indice S&P 500, par exemple, nous croyons qu’il est difficile de soutenir que les obligations de sociétés sont particulièrement chères. Aujourd’hui, les écarts de taux sont essentiellement les mêmes qu’au cours des périodes précédentes, lorsque les actions se négociaient à des ratios cours/bénéfice de ce type. Pour les investisseurs qui cherchent un revenu, mais qui sont mal à l’aise avec les cours boursiers actuels, nous pensons que les obligations de sociétés sont une solution de rechange à explorer .
La demande répond à l’offre
Le crédit est peut être élevé, mais il n’est pas le seul
Les ratios boursiers semblent conformes aux écarts de taux serrés
Le graphique linéaire compare le ratio cours/bénéfice (C/B) de l’indice S&P 500 à l’indice CDX des swaps sur défaillance à rendement élevé, un regroupement de dérivés de crédit liés à 100 grands émetteurs de titres de qualité inférieure. Le graphique montre que l’indice CDX (inversé) suit étroitement le ratio C/B de l’indice S&P 500.
Remarque : pb = points de base.
Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg
Une autre raison qui explique la demande des investisseurs à ces niveaux de prix, selon nous, est le degré de confiance – ou de complaisance potentielle – à l’égard des niveaux de défaillance probables à court terme. Un fait important à retenir des défaillances, c’est qu’elles se produisent généralement lorsque des sommes importantes sont dues. Le fait que les emprunteurs de titres moins bien notés à rendement élevé ont prolongé l’échéance de leurs titres de créance en remboursant d’importants montants de titres de créance à court terme réduit, mais n’élimine certainement pas, la possibilité de défaillances à court terme à grande échelle.
Selon nous, la croissance rapide des fonds de crédit privés et la nécessité pour ces gestionnaires de faire fructifier leur argent constituent la dernière raison de la forte demande actuelle. Même si le crédit privé tend à accorder des prêts directs à des sociétés au lieu d’acheter des obligations, ses activités influent sur les prix dans l’ensemble de la structure du capital. Le graphique de droite souligne l’ampleur du secteur puisque les données sur l’actif sous gestion ne sont disponibles qu’avec un décalage important.
Le crédit privé est une force grandissante dans les prêts directs
Les activités des fonds devraient exercer une pression à la baisse sur les écarts de taux
Le graphique montre la croissance de l’actif sous gestion des stratégies de prêts directs de crédit privé et le total investi dans des fonds de crédit privé, ainsi que la part du crédit direct dans les activités de crédit privé, de 2006 à juin 2023. L’actif sous gestion des stratégies de crédit privé a plus que décuplé, les prêts directs passant de 4 % à 46 % de l’actif sous gestion durant cette période.
Nous pouvons penser à de nombreuses raisons pour lesquelles les émetteurs de titres bien notés de catégorie investissement cherchent à émettre maintenant, mais nous croyons que cela se résume surtout à la gestion de l’incertitude. Les sociétés doivent composer avec deux inconnues économiques, car le risque de récession persiste, malgré les efforts soutenus déployés par la Réserve fédérale américaine (Fed) pour orchestrer un soi-disant « atterrissage en douceur » ainsi qu’une variabilité de la politique monétaire, un large éventail de résultats potentiels étant possibles selon l’issue de l’élection de novembre. Lorsqu’il existe un large éventail de résultats potentiels, nous pensons qu’il est logique pour les sociétés de bloquer le financement à de bons taux, voire aux meilleurs taux. Cette situation est particulièrement vraie pour les emprunteurs de titres de catégorie investissement qui peuvent vendre des obligations à 10 ans à taux de rendement inférieur à celui du marché monétaire, créant un potentiel de gains de revenu simplement en déposant le produit de la vente d’obligations.
Pour les investisseurs, les obligations de sociétés atténuent le risque d’une autre manière. La Fed a annoncé le début d’un cycle de réduction des taux à compter de ce mois-ci. Le nombre exact et l’ampleur des réductions sont actuellement inconnus et dépendront d’une foule de variables, dont la performance du marché de l’emploi et les changements de politique budgétaire. Ce qui semble clair, toutefois, c’est que les rendements démesurés des liquidités devraient diminuer bientôt et que les investisseurs devront trouver des solutions de rechange pour remplacer ces liquidités. Les obligations de sociétés ont toujours été une source importante de revenus pour les portefeuilles, et à nos yeux il n’est pas surprenant que certains investisseurs cherchent à ajouter des placements à mesure qu’ils redéploient leurs liquidités.
Regard sur l’avenir
Selon nous, l’attrait des obligations de sociétés en tant que sous-catégorie d’actif à ces niveaux dépend largement de l’horizon de placement de l’investisseur. Pour les investisseurs qui ont un horizon de placement de plusieurs années et cherchent à maximiser les liquidités, les obligations de catégorie investissement peuvent offrir un rendement potentiellement intéressant par rapport aux obligations du Trésor américain. Toutefois, si l’horizon de placement est plus court, il pourrait s’avérer difficile pour les obligations de sociétés de surpasser considérablement celles d’État. Compte tenu du ralentissement potentiel de l’économie et de l’incertitude accrue entourant la politique monétaire, il pourrait être difficile pour les obligations de sociétés de continuer à briller.
Ressources pour les recherches
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