Sonner le réveil des sociétés japonaises

二月 22, 2024 | Frédérique Carrier


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L’indice Nikkei 225 a récemment dépassé son sommet de clôture record. Nous abordons les facteurs qui motivent l’enthousiasme des investisseurs et expliquons pourquoi le contexte macroéconomique décevant ne semble pas être un obstacle.

Shaking up corporate Japan

Intérêt marqué

Les indices boursiers japonais ont progressé à vive allure au cours des 18 derniers mois. Le Nikkei 225, un indice traditionnel qui classe 225 titres inscrits à la Bourse de Tokyo (TSE) selon leur cours, a récemment dépassé un sommet de 34 ans. L’indice TOPIX, un indice plus moderne fondé sur la capitalisation boursière, avait déjà quitté en juin 2023 sa fourchette de négociation de longue date.

L’indice Nikkei 225 dépasse son sommet de 34 ans
Indice Nikkei 225

Graphique linéaire montrant l’indice Nikkei 225 du 31 mars 1970 au 22 février 2024. L’indice s’établissait à 2 523 le 31 mars 1970 et a atteint un sommet de 38 915 le 29 décembre 1989, avant de reculer à 8 109 le 31 mars 2009. Depuis, il a lentement récupéré ses pertes et, en raison d’une bien meilleure performance depuis 2023, il a récemment surpassé son sommet de 1989. Au 22 février 2024, l’indice se situait à 39 099.

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg; données trimestrielles jusqu’au 22 février 2024.

Plusieurs facteurs se sont conjugués pour attirer l’attention des investisseurs sur les actions japonaises.

  • Le retour de l’inflation : Après certains épisodes de déflation au cours des deux dernières décennies, l’inflation a fait un retour souhaité après la pandémie de COVID-19. Cette situation a entraîné un changement radical du comportement des entreprises, permettant à celles-ci d’augmenter leurs prix et laissant présager une amélioration de leur rentabilité.
  • Réformes en matière de gouvernance d’entreprise : L’année dernière, la TSE a mis en œuvre d’importantes réformes visant les entreprises, qui faisaient suite à d’autres réformes mises en place par l’ancien premier ministre Shinzo Abe en 2012. Le gouvernement a « couvert de honte » le secteur des entreprises en raison de ses rendements notoirement faibles et a exigé des changements. De nombreuses sociétés ont ainsi adopté des mesures plus favorables aux actionnaires, améliorant leur communication de l’information, augmentant leurs dividendes et annonçant des programmes de rachat d’actions. De nombreuses sociétés ont démantelé d’anciennes structures d’actionnariat croisé (lorsque des sociétés détiennent des actions d’autres sociétés), libérant du capital qui peuvent servir à améliorer les rendements : Toyota Motor a réduit sa participation dans la société de télécommunications KDDI, Fujitsu a vendu sa filiale d’emballage de puces Shinko Electric, tandis que Nippon Steel et Hitachi ont annoncé des plans de restructuration similaires. Beaucoup d’autres changements semblent être en vue.
  • Selon une liste de sociétés cotées à la TSE publiée le mois dernier, seulement environ le tiers des sociétés qui se négocient à la bourse ont annoncé leur intention d’améliorer les rendements pour les actionnaires. En divulguant les noms des sociétés et en utilisant la pression des pairs, la TSE devrait selon nous motiver un plus grand nombre de sociétés à annoncer des plans qui rehausseront les rendements pour les actionnaires.
  • Les résultats de la réforme se manifestent déjà, selon nous. Selon Bloomberg, 60 % des sociétés du TOPIX se négocient maintenant à un cours supérieur à leur valeur comptable, comparativement à 50 % il y a un an.
  • Réformes de l’épargne : Le gouvernement japonais a récemment remanié le compte d’épargne individuel nippon (le « NISA »), un programme de placement en actions libre d’impôt pour les particuliers, en augmentant les plafonds de placement annuels et en accordant des périodes d’exonération d’impôt indéfinies. Étant donné qu’en date de septembre 2023, 52,5 % des actifs financiers des ménages japonais (près du double du PIB japonais) étaient détenus en espèces, le nouveau NISA pourrait stimuler la demande intérieure des particuliers pour les actions.
  • Actions chinoises – Dans un monde où les tensions géopolitiques sont de plus en plus vives, le Japon pourrait servir à investir en Chine.

Stabilisation à venir

Les réformes de la TSE visent, selon nous, à sonner le réveil du secteur des entreprises, qui souffre d’une économie intérieure décevante. Après un premier semestre prometteur, l’économie japonaise a terminé 2023 en demi-teinte. Les données sur le PIB au quatrième trimestre de 2023 indiquent une contraction de 0,1 % par rapport au trimestre précédent, dans la foulée de la contraction plus prononcée de 0,8 % au troisième trimestre. Nous croyons que le principal responsable était la faiblesse de la demande intérieure, car l’inflation a maintenu les consommateurs sur la touche.

Pourtant, nous croyons qu’il y a des raisons de croire que les perspectives se stabiliseront. Les données mensuelles sur le commerce et les indicateurs économiques, comme l’enquête Tankan sur la conjoncture des affaires dans les secteurs manufacturier et non manufacturier, donnent à penser que les conditions économiques dans tous les secteurs ont été les plus favorables en cinq ans.

Par ailleurs, le Japon profite également des tendances en matière d’économie d’affinité et de rapatriement. Les sociétés qui cherchent à se retirer des chaînes d’approvisionnement chinoises et à se doter de capacités industrielles stratégiques sur le territoire de leurs alliés considèrent le Japon comme un environnement stable. Cette tendance est particulièrement évidente dans le secteur des semi-conducteurs, avec une coentreprise entre TSMC de Taïwan et Sony du Japon, et le soutien du gouvernement japonais accordé à son propre secteur des semi-conducteurs.

La croissance positive des salaires réels devrait également favoriser la reprise de la consommation. Déjà à 3,6 % l’an dernier, la croissance des salaires devrait s’accélérer, car les pénuries de main-d’œuvre et les bénéfices élevés des sociétés incitent les entreprises à augmenter les salaires pour conserver la main-d’œuvre nécessaire. Selon un sondage Nikkei mené auprès de chefs de la direction, 80 % d’entre eux prévoient une croissance des salaires de 4 % à 9 %. Les négociations salariales annuelles de Shuntō au printemps, au cours desquelles des milliers de syndicats négocieront simultanément des conventions salariales avec les employeurs, seront à surveiller, selon nous.

Un exercice d’équilibre

La Banque du Japon (BdJ) a hésité à tenter de maîtriser une inflation supérieure à la cible en mettant fin à sa politique de longue date de taux d’intérêt négatifs, de peur de faire dérailler davantage une économie déjà anémique. Pourtant, le maintien d’une politique monétaire expansionniste affaiblit nettement le yen, ce qui contribue à l’inflation.

Une inflation supérieure à la cible de 2 % pendant près de deux ans, comme c’est le cas actuellement au Japon, aurait entraîné la plupart des banques centrales occidentales dans un cycle de resserrement. Mais la BdJ agit avec beaucoup de prudence. Les souvenirs d’une déflation tenace sont encore frais à la mémoire et la consommation est fragile, étant donné la maturité de la population japonaise (moyenne de 49 ans, contre 39 ans aux États-Unis). Une hausse trop rapide des taux pourrait provoquer un effondrement de l’économie.

Mais la politique monétaire expansionniste, avec des taux de rendement des obligations d’État japonaises à 10 ans inférieurs à 1 %, comparativement à 4,2 % aux États-Unis, a nettement affaibli le yen, qui a perdu près 40 % par rapport au dollar américain, depuis 2021.

La faiblesse du yen a été une bénédiction pour les exportateurs, mais une source d’inflation et de maux de tête pour les importateurs.

La Banque du Japon envisage sa première hausse de taux en 16 ans. Les marchés prévoient une hausse de 0,10 % d’ici juin et de 0,25 % d’ici la fin de l’année. Il est peu probable que des augmentations aussi prudentes fassent dérailler l’économie. Et comme d’autres banques centrales ont abaissé leur taux cette année, l’écart de taux d’intérêt avec le Japon diminuera, selon nous, ce qui atténuera les pressions sur le yen. Selon les prévisions de RBC Marchés des Capitaux (RBC MC), le yen, qui était à un faible niveau de 150 par rapport au dollar américain récemment, pourrait atteindre 145 par rapport au billet vert à la fin de 2024.

Selon les prévisions consensuelles de Bloomberg, la croissance du PIB du Japon devrait atteindre 0,8 % cette année, ce qui donne à penser que le Japon sortira de sa récession technique.

Un avenir prometteur

Nous continuons de recommander de surpondérer les actions japonaises. Une période de consolidation est possible compte tenu de la récente forte remontée, mais la croissance des bénéfices du TOPIX pourrait augmenter de 10 % en 2024, selon l’estimation consensuelle de Bloomberg, en grande partie grâce aux réformes en matière de gouvernance d’entreprise et au retour prévu par tous de l’inflation. En outre, les valorisations demeurent conformes à la médiane sur 20 ans, à 15,9 fois les bénéfices de cette année. Ces données contrastent avec celles de plusieurs autres marchés boursiers, comme aux États-Unis et dans les marchés émergents, où les valorisations sont nettement supérieures à leur médiane à long terme.

Nous préférons les secteurs de consommation, car la hausse des salaires réels devrait stimuler la consommation, certaines actions du secteur de la finance (puisqu’une légère hausse des taux d’intérêt devrait favoriser la rentabilité) et les actions à dividende élevé qui pourraient profiter de l’afflux des fonds des particuliers dans le cadre du nouveau plan de placement fiscalement avantageux.

Avec la contribution de Jasmine Duan


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