Élan de créativité : L’ingéniosité humaine, moteur du progrès des années 2020

七月 30, 2021 | Trinh Theresa Do, Sonya Bell, Andrew Schrumm


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Durant des mois, nous avons discuté avec des experts des raisons pour lesquelles la créativité est un avantage concurrentiel. Vous trouverez des extraits de nos discussions tout au long de ce rapport.

La nouvelle aptitude « prisée »

Dans la décennie 2020, la créativité est « LA » nouvelle compétence recherchée.

Alors que la crise de la COVID-19 s’estompe et que la campagne de vaccination à deux doses bat son plein, les Canadiens retournent dans les lieux de travail, les cafés et les terrasses des restaurants. Palpable, l’enthousiasme présente une occasion précieuse : exploiter cette énergie pour repenser et reconstruire dans une nouvelle ère de créativité.

La pandémie a transformé l’économie et perturbé tous les aspects de notre vie. Elle a aussi engendré une remarquable vague de créativité.

À Winnipeg, par exemple, le propriétaire de la crèmerie Chaeban Ice Cream, Joseph Chaeban, réalisait son rêve d’enfance : fabriquer du fromage. Joseph vend maintenant ses produits artisanaux à des restaurants, des pâtisseries et des épiceries.

Lorsque le silence s’est abattu sur les stades sportifs, un adolescent, Elias Andersen, a lancé une technologie audio de nouvelle génération à Thornbury, en Ontario. « Hear Me Cheer » crée une atmosphère de foule en temps réel à partir des microphones des appareils mobiles des adeptes de sports. À ce jour, elle a servi lors de matchs de football universitaire et de soccer des ligues majeures.

La créativité devient de plus en plus importante dans de nombreux domaines outre ceux des arts, de la science et de la technologie. Entre le premier trimestre de 2020 et celui de 2021, les employeurs ont commencé à cibler des compétences plus créatives dans leurs offres d’emploi, notamment un esprit critique (+ 37 %) et de la souplesse (+ 20 %). Cette hausse est particulièrement marquée dans les secteurs des soins de santé, de l’éducation, de la vente et des services – des domaines qui ont été très affectés par la pandémie et (probablement) transformés à jamais.

«Il n’y a pas de commerce sans créativité.»

—Daniel Lamarre, chef de la direction du Cirque du Soleil

À vrai dire, tous les secteurs de notre économie, de la construction jusqu’au commerce de détail, sont susceptibles d’être propices à la créativité. Vous en doutez ? Voyez le secteur agricole, par exemple. Il s’est adapté aux incertitudes découlant des changements climatiques, des conflits commerciaux mondiaux et des pénuries de main-d’œuvre avec l’agriculture verticale, où les denrées alimentaires sont cultivées dans des entrepôts à proximité des centres-villes.

Maintenant que les gens recommencent à se rassembler – le catalyseur de créativité –, la prochaine décennie sera sûrement fertile en créativité. Depuis la pandémie, les individus peuvent profiter d’une économie de plus en plus décentralisée pour travailler, acheter, écouter et apprendre depuis n’importe où. Les grandes villes, les plus petites municipalités et les plateformes en ligne sont désormais sur un pied d’égalité. Le moment n’aura jamais été meilleur pour saisir une nouvelle idée et la réaliser.

Sous-titres disponibles en français.

D’ailleurs, une nouvelle ère de créativité s’amorçait déjà au moment de l’arrivée de la pandémie. Les éléments clés d’une quatrième révolution industrielle étaient réunis : l’automatisation et la numérisation. Les gens étaient libres de prendre plus de risques et les entreprises étaient davantage ouvertes à penser et à faire autrement. La réalité virtuelle, les voitures autonomes et les chirurgies à distance relevaient toutes de la science-fiction à une époque, mais elles sont maintenant réalité.

Selon des données de LinkedIn portant sur plus de 600 millions
de professionnels et 20 millions d’emplois, la créativité
était l’aptitude la plus recherchée en 2019 et 2020.

Nos recherches démontrent que la créativité sera une aptitude essentielle pendant la décennie 2020 : les idées qu’elle engendrera nous aideront à revenir en force, à reconstruire et à réinventer partout au Canada, à un rythme inégalé auparavant.

La pandémie nous a enseigné que les affaires ne se déroulent pas toujours de façon prévisible. Sur le plan organisationnel, les entreprises connaissent un roulement de personnel important. Les lieux de travail sont soit entièrement nouveaux, soit radicalement transformés depuis mars 2020. L’occasion est véritablement unique et historique, mais elle pourrait nous échapper.

Dans le présent rapport, nous nous entretenons avec certains des penseurs les plus créatifs du Canada — des dirigeants d’entreprises, des entrepreneurs, des éducateurs et des artistes — au sujet du potentiel créatif au Canada. Nous nous penchons sur l’intérêt croissant pour les aptitudes créatives dans les secteurs clés de l’économie canadienne, sur la valeur ajoutée (et souvent inattendue) des divers types de créativité, et sur les mesures souhaitables pour traduire la créativité en croissance économique au cours de la prochaine décennie.

Il n’y a pas une minute à perdre, alors que nous cherchons à résoudre certains des plus grands défis de notre époque : adapter les centres-villes, repenser la prestation des soins de santé et l’éducation, et s’attaquer à la crise climatique.

Dans Humains recherchés, un important rapport des équipes Leadership avisé et Services économiques RBC publié en 2018, nous avons décrit comment la technologie transforme la main-d’œuvre canadienne et dressé la liste des aptitudes requises pour les emplois de demain.

En raison de l’importance croissante de l’intelligence artificielle et de l’automatisation, les emplois dans lesquels on accomplit des tâches routinières et répétitives sont les plus susceptibles de disparaître. Même les emplois dans des domaines imprévus seront transformés. Nos études ont démontré que les aptitudes les plus recherchées sont celles qui ne sont pas facilement reproduites par une machine – des aptitudes liées à des fonctions cognitives supérieures, comme l’écoute active, l’esprit critique et la résolution de problèmes complexes. La demande ne fera que croître pour ces aptitudes humaines liées à la créativité.

Les crises sont source de créativité

Ce ne sera pas la première fois qu’une crise stimule la créativité. On le constate au fil des différentes époques de l’histoire humaine.

Certains des plus grands progrès de l’humanité ont immédiatement suivi des périodes de crise dévastatrices, après que des perturbations majeures ont ouvert la voie à de nouveaux dirigeants et à de nouvelles idées. Un exemple : la Renaissance après la peste noire. Un autre exemple : les Années folles (décennie 1920) après la Première Guerre mondiale et la pandémie de grippe espagnole. Pendant ces crises, les gens ont acquis une meilleure compréhension des problèmes les plus pressants qui devaient être résolus. Par la suite, ceux qui s’étaient adaptés ont pu proposer de nouvelles façons de faire à un auditoire prêt à écouter.

Voir le diaporama sur l'article original.

Créativité = nouveauté et valeur

Nous démontrons que la créativité est stimulée en temps de crise et que les conditions sont réunies pour que la créativité propulse la reprise post-COVID au Canada. Le prochain défi consistera à mieux comprendre la nature de la créativité et à trouver comment l’alimenter chez les jeunes et dans l’ensemble de la main-d’œuvre au pays.

La créativité est source de nouveauté et de valeur.

Elle est un amalgame d’aptitudes et de capacités qui permettent de concevoir des idées innovantes et utiles. Nous en avons eu la preuve tout au long de la pandémie. Pensez aux travailleurs de la santé, aux enseignants ou aux artistes créatifs. Ils se sont tous adaptés dans un contexte difficile en adoptant des approches différentes et créatives.

Lorsque la formation est devenue virtuelle, Steve Massa, un enseignant de français de troisième année en Ontario, a décidé d’être créatif pour maintenir l’intérêt de ses élèves à leur table de cuisine. Il a lancé une chaîne YouTube intitulée « Monsieur Steve ». Il a emmené ses élèves en excursion virtuelle autour de Toronto et même jusqu’à Thunder Bay. Il a fait appel à des costumes, à des marionnettes et à son chat, toujours dans le but de rendre la grammaire française amusante.

«Nous avons un grand besoin d’imagination et de créativité pour résoudre les grands enjeux, qu’ils soient sur le plan social, des soins de santé ou des nouvelles technologies. Nous avons besoin d’esprits créatifs et de gestes créatifs pour rendre le monde meilleur.»

—Dr. Sara Diamond, présidente émérite, Université de l’ÉADO

Nous associons souvent la créativité aux gens, mais les organisations, les villes et même les pays peuvent être créatifs. En pratique, cela peut se traduire par un processus dans une industrie qui s’adapte ensuite à une autre. Prenez l’exemple de l’armée américaine, qui a étudié les méthodes de logistique et de planification du cirque Barnum & Bailey. Par ailleurs, la créativité peut prendre la forme d’une utilisation nouvelle et pratique de produits existants. Saviez-vous que Bill Bowerman, le cofondateur de Nike, a utilisé un gaufrier pour mouler une nouvelle semelle en uréthane et fabriquer la fameuse chaussure de course ?

De plus en plus, la créativité s’impose comme variable économique essentielle. Elle est reconnue comme une compétence capable de distinguer une personne dans son domaine, d’amener une entreprise à primer, voire même de créer un secteur. Exercée à plus grande échelle, la créativité offre à une société ou à une économie un potentiel d’impact décuplé sur le monde.

Pour stimuler la créativité, une mentalité d’ouverture aux nouvelles perspectives s’impose. Le Canada, un pays riche en immigrants, a l’occasion de prendre les devants et de faire preuve de créativité.

Soyons innovants, exploitons collectivement cette occasion à l’échelle du pays ! Le Canada, une puissance énergétique, pourrait ainsi alimenter le monde en énergie créative.

La plupart des jeunes Canadiens sont confiants à l’égard de leurs aptitudes créatives, mais pas autant qu’ils le sont pour d’autres aptitudes du 21e siècle.

Selon un sondage mené auprès de 15 000 participants au programme Objectif avenir RBC, les deux tiers (65 %) des jeunes de 15 à 29 ans ont un niveau élevé de confiance à l’égard de leurs aptitudes créatives au travail. Il y a toutefois place pour une créativité encore plus grande, comme en témoignent les chiffres : les répondants se sentent plus aptes à penser de façon critique (74 %), à collaborer (73 %) et à résoudre des problèmes (70 %) qu’à être créatifs.

Fait à noter, les jeunes femmes affichent un niveau de confiance élevé (74 %) à l’égard de leur aptitude à participer à des « séances de remue-méninges en groupe », comparativement aux jeunes hommes (64 %). Les jeunes qui ne sont ni aux études ni sur le marché du travail (40 %) sont ceux qui se sentent le moins à l’aise de « sortir des sentiers battus ».

Il semble donc qu’un apport de créativité dans l’éducation, en particulier, aurait une incidence majeure sur les autres secteurs clés au Canada.

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Élan créatif sur le marché du travail canadien

Rien n’est tout à fait pareil après la COVID-19, y compris sur le marché du travail. D’après notre analyse, 21 % des Canadiens occupent un poste qui exige beaucoup de créativité. Cependant, cette tendance s’accélère à mesure que notre appétit pour la créativité augmente.


Sur le marché du travail, on constate une demande accrue pour les aptitudes et les outils qui alimentent la créativité. Entre le premier trimestre de 2020 et le premier trimestre de 2021, les employeurs ont insisté davantage, dans leurs offres d’emploi, sur les aptitudes associées à la créativité, notamment :

  • Esprit critique (+37 %)
  • Souplesse (+20 %)
  • Aptitude pour le travail d’équipe (+18 %)
  • Capacité d’apprendre (+15 %)
  • Aptitude pour l’amélioration continue (+12 %)
  • Aptitude pour la résolution de problèmes (+9 %)
  • Pensée stratégique (+8 %)

Trois secteurs canadiens, en particulier, exigent plus de créativité de la part des nouveaux employés : soins de santé, éducation, et vente et services. Ces secteurs, parmi les plus touchés par la COVID-19, subissent actuellement des transformations à grande échelle qui commandent beaucoup de créativité chez les travailleurs.

 

  • Soins de santé : Le nombre de postes affichés dans le secteur des soins de santé a augmenté de 36 % depuis février 2020, alors que les travailleurs de première ligne sont en forte demande, tout comme ceux qui peuvent aider à coordonner l’intervention en santé publique du Canada. Les offres d’emploi qui mentionnent la créativité sont en hausse de 125 %, alors que les postes de gestion des soins de santé (+79 % au premier trimestre de 2021) et de diagnostic (+67 % au troisième trimestre de 2020) nécessitent un plus haut niveau de compétence en matière de résolution de problèmes, d’esprit critique et de planification stratégique, en raison de la lutte à la COVID-19.
  • Éducation : Le nombre de postes affichés dans le secteur de l’éducation a augmenté de 39 % depuis février 2020. Le nombre d’offres d’emploi qui mentionnent la créativité a augmenté de 50 % en septembre 2020, puis de 30 % en janvier 2021, ce qui reflète le besoin d’idées nouvelles chez les enseignants, à mesure qu’on impose de nouvelles restrictions et que l’apprentissage en ligne prend de l’ampleur. La demande pour les administrateurs d’école a bondi (+167 % au premier trimestre de 2021), tandis que l’offre de postes liés à l’élaboration de politiques et de programmes en éducation a augmenté (+11 % au troisième trimestre de 2020), alors que les besoins en adaptabilité et en amélioration continue stimulent la demande pour les candidats créatifs.
  • Vente et services : Le nombre de postes affichés dans le secteur du commerce de détail a globalement chuté pendant les périodes de confinement. Cependant, le nombre d’offres d’emploi mentionnant explicitement la créativité a augmenté au cours de ces périodes, soit de 14 % en avril 2020 et de 20 % en janvier 2021. Les entreprises semblent avoir recherché ces compétences dans le but d’élaborer de nouveaux modèles de magasinage et de services, en raison des perturbations. Le besoin de faire les choses différemment s’est reflété dans les emplois à forte croissance, comme ceux de superviseur des services (+24 % au troisième trimestre de 2020) et d’acheteur de détail et de gros (+18 % au 1er trimestre de 2021), où les employeurs recherchent plus d’originalité, de compétences d’analyse et de capacité d’apprentissage.


À court terme, cela signifie que les personnes très créatives bénéficieront d’une plus grande mobilité et d’un plus grand choix d’emplois. À plus long terme, un nombre croissant de Canadiens devront développer leur créativité, car les milieux de travail accordent une plus grande priorité aux idées originales et à la pensée critique.

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La créativité sera de plus en plus un avantage concurrentiel pour les individus, pour les entreprises, et même pour le pays dans son ensemble.

Les dirigeants créatifs de demain

Il n’y a qu’un seul Elon Musk – et c’est bien comme ça.

Quand on pense à des individus créatifs, on évoque souvent des visionnaires et des inventeurs qui ont marqué l’histoire, mais la créativité vit en nous tous. Elle se présente sous diverses formes, que ce soit dans le studio, le laboratoire, la salle de classe ou la salle de conseil.

Nos recherches nous ont permis de discerner quatre grands archétypes de créateurs, chacun jouant un rôle différent mais crucial dans notre société.

Le visionnaire

C’est la catégorie des Elon Musk. Le visionnaire imagine de nouveaux marchés, et il est prêt à courir d’énormes risques pour changer le monde. Il attire des disciples fidèles, même au-delà de son secteur, et il influence les goûts et les préférences des consommateurs. Pensons aux voitures électriques, qui sont passées en peu de temps de l’ombre à la lumière, pour devenir la tendance dominante dans l’industrie automobile ; voilà l’exemple par excellence de la touche du visionnaire.

L’instigateur

C’est le superhéros de son secteur. L’instigateur sait combiner des idées et déceler des lacunes et des occasions que les autres ne voient pas. Il sait créer des produits ou des offres de services entièrement nouveaux, qui transforment son secteur d’activité. Un exemple : Michele Romanow, titan canadien de la technologie, dont la jeune entreprise Clearco a perturbé le marché du crédit, et qui est maintenant le plus grand investisseur mondial en commerce électronique.

Le penseur

Cherchez un peu, et dans chaque milieu de travail, vous trouverez un penseur. C’est quelqu’un qui se démarque par son esprit critique et par son aptitude à cerner les défis et à les relever de façon novatrice. Dans les années 1990, Katalin Karikó, biochimiste de l’Université de Pennsylvanie, s’est consacrée à un domaine obscur : la recherche sur l’ARN messager. Quelques décennies plus tard, ses découvertes ont permis l’élaboration des vaccins Moderna et Pfizer contre la COVID-19.

Le battant

Vous avez besoin de quelqu’un pour concrétiser une idée ? Faites appel au battant. Personne ne sait mieux que lui évaluer les possibilités et mettre en œuvre les idées des visionnaires. Le battant est orienté vers l’action ; sans lui, de nombreuses idées ne verraient jamais le jour. Steve Jobs, cofondateur d’Apple, est le visionnaire qui a imaginé l’iPhone, mais ce sont les quelque 600 experts d’Apple spécialisés dans l’imagerie qui en ont mis au point les formidables fonctions photographiques.

«Pour être créatif, il ne faut pas hésiter à sortir des sentiers battus, puis travailler avec soin pour élaborer son idée, la formuler de différentes façons et, finalement, en faire un prototype, selon le processus.»

—Janet Morrison, présidente, Sheridan College

Comment cultiver la créativité

La créativité a toujours été importante, mais elle compte probablement plus que jamais, alors que le Canada envisage l’après-pandémie et les défis à la fois excitants et effrayants des prochaines décennies, qui mettront notre nation à l’épreuve.

Au cours des derniers mois, nous avons parlé à certaines des personnes les plus créatives du Canada, pour savoir comment elles cultivent leur créativité, et comment les individus et les organisations peuvent maximiser leur potentiel créatif.

Voici quatre points à retenir :

1. La créativité peut être nourrie

La créativité est innée chez certaines personnes. Elle peut aussi être nourrie et développée.

Gil Moore, batteur du groupe rock Triumph et fondateur du Metalworks Institute, discerne les virtuoses – ceux dont le talent se développe à un rythme explosif, et dont la créativité semble couler de source –, et le reste de l’humanité, qui doit travailler de façon assidue pour atteindre un niveau comparable.

Célèbre dans le monde entier, le programme d’animation du collège Sheridan (Oakville, Ontario) est reconnu comme un haut lieu de créativité, mais sa présidente, Janet Morrison, rappelle qu’il est utile d’enseigner la créativité dans toutes les disciplines. Dans le programme de commerce du Collège, les étudiants apprennent la résolution créative de problèmes, qui consiste à clarifier la situation, à générer des idées, à élaborer des solutions, et à mettre en œuvre un plan.

Josie Fung, directrice générale du programme i-THINK de la Rotman School of Management de Toronto, est chargée de former des « résolveurs de problèmes prêts pour l’avenir ». Elle croit qu’il faut soumettre des problèmes concrets aux étudiants, puis leur donner l’espace nécessaire pour résoudre ces problèmes.

Quand Parcs Canada a sollicité l’aide des élèves du John Polanyi Collegiate Institute de Toronto, afin de résoudre un problème – comment attirer plus de visiteurs au Parc urbain national de la Rouge –, ces jeunes du secondaire ont d’emblée rejeté les affiches et les campagnes publicitaires classiques. Ils ont plutôt reformulé la question, en réfléchissant au rôle du parc dans la société. Cette approche a généré beaucoup plus de possibilités. Les élèves se sont dit : le parc pourrait-il devenir un centre de désintoxication ? Pourrait-il devenir un lieu pour soigner la maladie mentale ? Quatre ans plus tard, le Parc de la Rouge a conclu un partenariat avec Blue Door – un organisme sans but lucratif qui fournit du logement d’urgence aux sans-abri et aux personnes en crise – en vue d’offrir du logement abordable à même les terres de Parcs Canada.

2. Créer une culture où l’échec est permis

Shopify – l’entreprise canadienne dont la valeur est la plus élevée – accueille favorablement l’échec. Oui, vous avez bien lu !

« Nous avons créé un environnement où il est permis de prendre des risques, où la curiosité et l’initiative sont encouragées, et où il est possible de réagir », dit Brittany Forsyth, ex-chef des ressources humaines.

Comme l’explique la gestionnaire, ce genre d’environnement est fondamental, car la créativité ne se résume pas à un éclair de génie. Il s’agit plutôt de générer beaucoup d’idées, de vérifier les hypothèses et de faire des liens entre divers éléments, jusqu’à ce qu’apparaisse quelque chose de nouveau, soit l’idée originale qui vous distinguera de vos concurrents.

«Nous permettons aux gens de faire les choses essentielles que sont expérimenter, échouer et évoluer. Il est normal de dire que l’on avait tort hier et que l’on a raison aujourd’hui, de changer d’avis.»

—Brittany Forsyth, ancienne chef des talents de Shopify

 

Au Cirque du Soleil, les idées peuvent provenir de n’importe quelle division de l’entreprise. Il faut fournir l’espace nécessaire aux employés, et les encourager à exprimer leurs idées.

« Nous avons 5 000 paires d’yeux et d’oreilles au sein de l’entreprise, et nous encourageons notre personnel à nous faire part de ses découvertes, explique le Québécois Daniel Lamarre, directeur général du Cirque. Parfois, nous découvrons une idée attrayante en lisant un livre, en regardant un film, en écoutant une pièce de musique, ou encore en visionnant du contenu dans YouTube ou dans un média social. »

Conseil d’expert : Pour encourager leurs employés à essayer de nouvelles choses, les entreprises peuvent réorganiser l’horaire de travail, ou encore préciser leurs attentes dans les objectifs de rendement. De son côté, Shopify s’appuie sur des journées d’exploration (« hack days »), où tous les employés doivent interrompre leurs activités courantes et consacrer trois jours à un projet de leur choix, en général pour concevoir des programmes ou des solutions liés à un thème particulier. Le service Gmail de Google a été imaginé dans le cadre de la règle des 20 % de l’entreprise, qui permet aux employés de consacrer 20 % de leur temps à l’exploration de projets personnels, qui ne produisent pas nécessairement de dividendes immédiats, mais qui peuvent ultérieurement donner lieu à des percées spectaculaires.

3. La créativité est stimulée par les contraintes stratégiques

Même si cela peut paraître contre-intuitif, les limites imposées peuvent en fait dynamiser la créativité.

« Nous pensions au départ qu’il fallait laisser entièrement libre cours aux étudiants pour favoriser leur créativité, dit Josie Fung en parlant du programme i-THINK. En fait, ce qu’on nous a dit, c’est qu’en structurant davantage le programme, en imposant quelques contraintes, nous favoriserions la créativité. »

Les personnes créatives sont à l’aise avec l’ambiguïté, mais elles cherchent aussi à lui donner un sens en y accolant leur propre structure, selon Tom Waller, scientifique en chef de Lululemon, dont le siège social est à Vancouver.

« Nous recherchons avant tout des gens capables de composer avec l’ambiguïté et de formuler des idées à partir d’une page blanche. Et parfois, un simple griffonnage se transforme progressivement en quelque chose de valable », conclut Tom Waller.

Conseil d’expert : Selon Ajay Agrawal, chef du Creative Destruction Lab de l’Université de Toronto, il est assez simple de définir certaines contraintes pour stimuler la créativité. Premièrement, il s’agit d’établir des objectifs précis : quel est le problème à résoudre ? Deuxièmement, il faut s’assurer de fournir les ressources nécessaires – temps, argent, etc. – à l’exploration des solutions potentielles. Troisièmement, il faut reconnaître et mesurer les progrès accomplis.

4. La créativité est un sport d’équipe

Autrefois, la créativité était l’affaire d’inventeurs travaillant en solo. Par exemple, Léonard de Vinci et les autres génies de la Renaissance étaient des esprits universels qui excellaient dans plusieurs domaines.

Ce n’est plus le cas aujourd’hui, comme l’explique Ajay Agrawal.

Puisque la science et la technique sont de plus en plus complexes, il faut, pour vraiment comprendre les limites d’un domaine, s’appuyer sur la collaboration entre divers spécialistes. »

« À mon avis, tous peuvent jouer un rôle dans le processus créatif. Ce peut être un rôle différent, mais il y a de la place pour tous dans ce processus. »

—Ajay Agrawal, chef du Creative Destruction Lab de l’Université de Toronto

Cela nous ramène aux archétypes de créateurs : même si vous disposez d’un visionnaire et d’un instigateur pour défendre une idée, il vous faudra aussi un battant pour la mettre en œuvre. Il s’agit de déterminer les compétences nécessaires pour produire le meilleur résultat possible, puis de réunir et de former les personnes capables de réaliser les objectifs établis. Il peut être nécessaire de ratisser large pour trouver des personnes de formation et de culture diverses, capables de mettre à profit leurs expériences et leurs connaissances complémentaires. On peut aussi envisager de conclure des partenariats avec des entreprises d’autres secteurs ou avec des organismes communautaires.

Une nouvelle période axée sur les idées

À l’amorce des années 2020, le Canada fait face à des défis considérables. La pandémie a révélé diverses lacunes importantes dans notre société : la structure précaire de nos centres de soins de longue durée ; le fardeau disproportionné qui revient aux femmes dans la garde des enfants ; les disparités raciales en matière de santé et de conditions économiques ; et la difficulté de coordination nationale des interventions d’urgence. Désormais, nous ne pouvons plus détourner le regard. Nous devons plutôt, d’un nouvel œil, nous ouvrir aux nouvelles possibilités qui s’offrent à nous, comme la télésanté, la formation à distance et les horaires de travail flexibles – et aux nouveaux talents que nous pouvons attirer. Nous ne faisons qu’amorcer une transformation créative profonde de notre économie et de notre société. La pandémie de COVID-19, comme d’autres crises qui l’ont précédée, a bouleversé notre conception du monde en forçant la société à se réorganiser et à envisager de nouvelles expériences. En prônant le caractère essentiel de la créativité dans nos écoles et dans nos milieux de travail, nous pouvons amorcer une nouvelle période axée sur les idées, afin de résoudre les problèmes les plus pressants du Canada.


 

À propos des auteurs

Trinh Theresa Do est responsable du développement stratégique au sein de l’équipe Leadership avisé et services économiques, et mène à l’occasion des activités de production de balados, de recherche et de rédaction. Auparavant, elle a exercé les fonctions de conseillère stratégique auprès des membres de la Haute direction de la division Services bancaires aux particuliers et aux entreprises. Avant de se joindre à RBC, Mme Do a été journaliste politique sur la scène nationale à CBC News et a cofondé un organisme sans but lucratif favorisant l’engagement communautaire grâce à l’innovation technologique.

Sonya Bell s’est jointe à l’équipe Leadership avisé et Services économiques RBC en 2018, à titre de première directrice, Diffusion de contenu. Elle a exercé précédemment la fonction de rédactrice principale pour l’ancien premier ministre de l’Ontario. Auparavant, Mme Bell a travaillé dans le domaine du journalisme en tant que productrice à CBC et de journaliste affectée à la politique fédérale pour iPolitics. Entre la colline du Parlement et Queen’s Park, elle a été scénariste de l’émission This Hour Has 22 Minutes durant deux saisons.

Andrew Schrumm a assumé le rôle de chercheur principal au sein de l’équipe Leadership avisé RBC. À ce titre, il a examiné les conditions à créer pour faire du Canada un pays diversifié, innovateur et durable à l’aube des années 2020. Il a dirigé le projet de recherche de RBC sur les aptitudes de l’avenir, qui traitait de la mobilité professionnelle axée sur les aptitudes, de l’apprentissage continu et des possibilités d’automatisation dans l’économie canadienne.


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