2025: Élever la qualité de votre portefeuille

27 janvier 2025 | Alain Daaboul


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Pour la deuxième année consécutive, les indices boursiers en Amérique du Nord ont affiché une excellente performance en 2024. Cette progression a été soutenue par une baisse des taux d'intérêt, orchestrée de manière relativement contrôlée par les principales banques centrales mondiales. La banque centrale américaine a réussi à effectuer un atterrissage en douceur de l'économie, réduisant l'inflation tout en maintenant une croissance économique solide. Cela a favorisé une augmentation des bénéfices des entreprises et une consommation robuste tout au long de l'année. Les secteurs technologiques, en particulier ceux liés à l'intelligence artificielle, ont largement contribué à cette performance positive. De plus, l'enthousiasme suscité par l'élection de Trump a également soutenu les marchés en fin d'année.

Nos portefeuilles ont affiché une performance conforme à leurs indices de référence en 2024, après les avoir largement surpassés entre 2021 et 2023, notamment en 2022 lorsque les marchés ont reculé de 15%. Nous avons ainsi atteint notre objectif de surperformer nos indices de référence à long terme, avec une volatilité plus faible, en participant à la hausse et en minimisant les pertes en période de baisse.

Cependant, la fin de l’année 2024 a été plus complexe. Les marchés ont perdu leurs gains de 7% après l'élection de Trump. Décembre a été le mois le plus difficile depuis mai 2023. Cette correction a été alimentée par des prévisions plus restrictives des banques centrales et par une incertitude politique croissante face aux tensions géopolitiques et aux politiques commerciales.

Taux d’intérêt et marché obligataire

L'emploi aux États-Unis demeure robuste, avec un taux de chômage faible et un nombre élevé de postes vacants. Les prévisions pour 2025 anticipent une seule baisse de taux aux États-Unis et deux au Canada, des réductions bien inférieures à celles envisagées il y a quelques mois. Depuis début décembre, ces évolutions ont entraîné une hausse des rendements obligataires et une baisse des marchés boursiers. Par ailleurs, les politiques économiques de la nouvelle administration Trump pourraient raviver les pressions inflationnistes.

Depuis plusieurs années, nous restons sceptiques quant à l'atteinte durable d'une inflation à 2%. En 2024, le ralentissement de l'inflation a été en partie facilité par une baisse de 10% des prix de l'essence. Cependant, la récente hausse de 15% des prix du pétrole et les réductions des taux d'intérêt pourraient alimenter une nouvelle poussée inflationniste.

L'inflation à long terme est actuellement estimée par les marchés à 3,3%. Les rendements des obligations à 10 ans aux États-Unis ont atteint des niveaux comparables à ceux de 2017, traduisant une perception croissante d'une inflation persistante. La hausse des taux permet désormais d'obtenir de meilleurs rendements obligataires avec un risque moindre. Nous privilégions les titres à court terme et de haute qualité, offrant un bon rendement après impôts.

Performance du Canada par rapport aux États-Unis

Contrairement à la majorité des analystes qui prévoient un déclin continu du Canada par rapport aux États-Unis, nous pensons que le pays pourrait se rapprocher d'un creux à long terme.
Les défis économiques du Canada sont bien connus. Depuis la fin de la pandémie, le PIB par habitant a diminué de 5%, tandis que la forte immigration masque des problèmes structurels comme une productivité stagnante. La confiance des consommateurs reste faible, avec un taux d'épargne supérieur à celui des États-Unis, limitant la croissance économique.

Les taux d'intérêt plus élevés aux États-Unis (+1,25% par rapport au Canada) soutiennent un dollar américain fort, qui a atteint un niveau record depuis 2015. Les menaces tarifaires de Trump exacerbent les inquiétudes, étant donné que 20% du PIB canadien dépend des exportations vers les États-Unis. Cependant, le Canada demeure le principal acheteur de biens américains. Le surplus commercial de 69 milliards de dollars du Canada entre les deux pays résulte des exportations de pétrole canadien vers les États-Unis.

Les États-Unis représentent 4% de la population mondiale, 25% du PIB global et plus de 67% de la capitalisation boursière mondiale, des niveaux jamais vus dans l’histoire. L’exemple le plus proche est le Japon en 1989, lorsque son économie pesait moins de 20 % du PIB mondial, mais sa capitalisation boursière était équivalente à 45 % de l'indice boursier mondial.

Enfin, bien que Trump ait promis des baisses d'impôts, les États-Unis font face à un déficit budgétaire de 6,7% du PIB en 2024, le plus élevé depuis 1945 (hors 2020). En parallèle, la diminution des dettes de cartes de crédit en décembre 2024 signale une prudence accrue des consommateurs.
Ces facteurs nous amènent à penser que la surperformance des États-Unis par rapport au reste du monde pourrait atteindre un plateau. Le marché canadien, plus abordable et mieux positionné face à l'inflation, pourrait mieux performer dans le prochain cycle économique.

Perspectives des Marchés en 2025

Comme le passé récent nous l’a démontré, il est périlleux de faire des prédictions. Nous n'anticipons pas de forte baisse des marchés, car la croissance économique demeure saine et les consommateurs ainsi que les entreprises se trouvent dans une bonne situation financière. Cependant, nous estimons que les investisseurs ne devraient pas s'attendre à des rendements similaires à ceux des deux dernières années.

Le marché américain a connu deux années consécutives de fortes hausses à cinq reprises au cours des 150 dernières années, et dans quatre cas, une baisse a suivi. Depuis 2022, la hausse des marchés américains a surpassé celle des bénéfices, Cette hausse a été très concentrée dans un petit nombre d'entreprises, en particulier dans les secteurs de la technologie et de l'intelligence artificielle (IA). En 2024, sept entreprises ont représenté 53 % de la hausse du marché américain, et seulement 28 % des actions ont surpassé l'indice, le plus bas niveau en 50 ans.

Cette situation a entraîné une augmentation significative du ratio cours/bénéfice (P/E) à 24x, bien au-delà de sa moyenne historique. En 2023, le pessimisme des investisseurs était un excellent signe selon nous, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui, alors que le marché anticipe une hausse des bénéfices de 15 % en 2025. Les investisseurs sont désormais très optimistes.

Face aux incertitudes économiques, politiques et géopolitiques, nous maintenons une approche sélective, privilégiant des actions de haute qualité et une diversification prudente. Nous continuerons d'adapter nos stratégies aux conditions changeantes du marché.

Aperçu de positionnement sectoriel


Financier

Ce secteur, le plus important au Canada, est celui où nous demeurons le plus sous-pondérés. Nous y détenons 10% de nos actions, tandis que notre indice de référence est à 25%. Le secteur a bien performé en 2024, malgré une croissance quasi nulle des bénéfices. Les investisseurs l’ont favorisé grâce au ralentissement de l’inflation sans récession, ainsi qu’à l’élection de Trump. Les banques restent difficiles à analyser, et prévoir leur performance future est complexe. Au Canada, 40% des hypothèques devront être renouvelées dans les prochains mois à des taux plus élevés.

Nos positions ont bien performé. Wells Fargo, notre deuxième plus grande position aux É-U, a bondi de 45%. Block, notre 5ᵉ plus grande position aux É-U, spécialisée dans les paiements numériques, a progressé de 30% depuis que nous avons augmenté nos positions cet été. Nous avons vendu la majorité de nos actions de Manulife, notre troisième plus grande position au Canada, au début de 2024, avec un gain important.

Énergie

Le secteur énergétique est celui où nous sommes le plus surpondérés par rapport à notre indice (14% vs. 10%). Ce secteur reste mal perçu et se négocie à deux fois moins cher que le marché, tout en générant d’énormes profits. Nous l’utilisons également comme une protection contre les risques géopolitiques mondiaux et à l’inflation.

Nos trois plus grandes positions, CNQ, Suncor et Enbridge, bénéficient de l’ouverture de nouveaux oléoducs et de la forte demande pour le pétrole lourd canadien. Leurs actions ont augmenté en moyenne de plus de 20% en 2024, malgré la baisse du prix du pétrole. Ces entreprises redistribuent la majorité de leurs profits aux actionnaires, aucun autre secteur ne le fait autant (6,6% de leur capitalisation boursière).

De plus, nous sommes d’avis que la nouvelle administration américaine va davantage sanctionner les exportations de pétrole de la Russie et de l’Iran. Cela explique en partie la montée du pétrole de près de 15 % au cours du dernier mois.
Enfin, nous avons accru notre exposition au gaz naturel. Aux É-U, 40% de la production d’électricité dépend du gaz naturel, et la demande devrait fortement augmenter dans les prochaines années, alimentée par le développement des voitures électriques et de l’intelligence artificielle. Le prix du gaz naturel a doublé au cours des quatre derniers mois. Nous avons initié une position dans Tourmaline, un producteur canadien de gaz naturel aux coûts très compétitifs et affichant une forte croissance.

Matériaux

Nous détenons environ 7% de nos actions dans ce secteur, soit un poids similaire à celui de l’indice. Toutes nos positions sont au Canada.
Nutrien, dans l’agriculture, reste notre plus grande position au pays, bien que l'action ait baissé de 11% en 2024. Cependant, les perspectives à long terme demeurent positives. Nous avons augmenté notre participation cet été, et le titre a commencé à mieux performer récemment.
Nous détenons également des positions dans l’or, qui ont très bien performé. Agnico-Eagle, notre 6ᵉ plus grande position au Canada, a bondi de 80% depuis son ajout en janvier.

Industriel

Nous détenons près de 14% de nos actions dans ce secteur, soit 2% de plus que notre indice. Trois titres ont bien performé : Element Fleet, CAE et Air Canada. Element Fleet, qui gère et finance les flottes automobiles de grandes entreprises, a progressé de 26% et se négocie à 29$. Depuis son acquisition à 11$ pendant la pandémie, elle enregistre des performances solides chaque année. CAE et Air Canada, après un début d’année difficile, ont rebondi au 4ᵉ trimestre à la suite de bons résultats.
D’autres positions importantes, comme Uber, CP et Boeing, ont déçu malgré un bon début d’année. Nous avons pris des profits dans CP en début d’année, avant une baisse de 10% du titre. En revanche, nous avons accru nos positions dans Uber et Boeing en fin d’année. Nous restons confiants dans les modèles d’affaires de ces entreprises et jugeons leurs valorisations attrayantes.

Consommation discrétionnaire

En début d’année, nous avions peu d’exposition dans ce secteur, qui était surpondéré lors de la reprise postpandémie. Cette décision s’est avérée judicieuse. Au cours de l’année, nous avons acheté des titres et terminé avec une exposition de 7%, correspondant à l’indice. Nos investissements se concentrent principalement dans les pièces d’auto et l’hôtellerie, auprès d’entreprises très rentables.

Consommation courante

Nous détenons 7% de nos actions dans ce secteur, contre 9% en début d’année, tandis que l’indice est à 5%. Nos principales positions restent Costco, Alimentation Couche-Tard et Métro, qui ont enregistré des hausses respectives de 39%, 3% et 33%. Couche-Tard a souffert de la baisse du prix de l’essence. Nous avons pris des profits dans ce dernier et Costco, car nous les estimions trop chers à court-terme. Nous les détenons depuis plusieurs années et croyons toujours en leur modèle à long terme.

Santé

Nous détenons 8% de nos actions dans ce secteur, la majorité dans notre modèle à valeur globale. Ce secteur comprend des entreprises stables, générant d’importants flux de trésorerie. Le secteur a sous-performé en 2024 en raison des élections américaines.
Deux de nos trois plus grosses positions, Bristol-Myers et Gilead ont bien performé grâce à la découverte de nouveaux médicaments pour la schizophrénie et l’hépatite C. Notre autre grande position, GSK, a baissé de 4% en cours d’année. Nous y avions pris des profits en mai à 44$. Le titre a fini à 33$, car il est le plus grand fabricant de vaccins au monde, et le nouveau ministre de la Santé des É-U est antivaccin. Nous restons confiants dans son potentiel à long terme.

Technologie

Le secteur a fortement progressé en 2024 pour une deuxième année consécutive, porté par l’engouement autour de l’intelligence artificielle. Même si nous n’avions pas anticipé cette hausse et que nous restons sous-pondérés dans ce secteur par rapport à notre indice (14% contre 18%), il a contribué positivement à notre performance. Les entreprises que nous détenons opèrent principalement dans les semi-conducteurs et les logiciels et sont étroitement liées à l’intelligence artificielle. Elles ne figurent pas parmi les 10 plus grandes entreprises du monde très populaires.

Salesforce, notre plus grande position hors du Canada, a progressé de 28% en 2024, après un bond de 98% en 2023. Le titre a commencé l’année à 263$. Nous en avons vendu à 310 $ en mars, puis racheté à 236 $ trois mois plus tard après un trimestre décevant. L'action a terminé l'année à 334 $.
Marvell Tech, notre deuxième plus grande position, a bondi de 83%. Nous l’avions initialement achetée en 2020, lorsqu’elle était un leader dans la 5G. Depuis, elle est devenue l’une des entreprises les plus performantes dans le domaine de l’intelligence artificielle. Son expertise lui a permis de signer des contrats à long terme avec les plus grands acheteurs du secteur, en leur proposant des architectures personnalisées. La dernière fois que nous avons augmenté notre position remonte à mars 2023, car le titre se négocie désormais à plus de 15 fois ses ventes, notre philosophie d’investissement nous empêchant d’en acquérir davantage dans ces conditions.

Communications

Ce secteur a été le seul à afficher des résultats négatifs en 2024 (-12%). Cette baisse s’explique par une concurrence accrue, une réduction attendue de l’immigration et la dépréciation du dollar canadien.
Nous avons profité de cette faiblesse pour augmenter notre exposition, passant de 4% à 6%, alors que l’indice est à 5%. Nous détenons Telus, que nous apprécions pour son positionnement de leader mondial dans l’Internet des objets. Nous avons également ajouté Rogers au cours de l’année, le titre ayant chuté de près de 50% en deux ans. Nous pensons que ces entreprises, qui offrent de solides dividendes, présentent un bon potentiel de reprise et devraient adopter une gestion plus rigoureuse à l’avenir.