Le 4 novembre 2025, le ministre des Finances et du Revenu national, François-Philippe Champagne, a présenté le budget fédéral intitulé « Bâtir un Canada fort », dans un contexte de ralentissement économique modéré, de tensions commerciales et d’incertitude géopolitique.
Le budget dresse un plan pour construire, protéger et donner plus de pouvoir aux Canadiens et aux Canadiennes grâce à des investissements stratégiques dans le logement, les infrastructures, la défense, la productivité et la compétitivité. Il prévoit en parallèle une réduction des dépenses publiques en effectuant un examen exhaustif des dépenses, en vue de réaliser 60 milliards de dollars d’économies et de revenus sur cinq ans. Le budget instaure également un nouveau Cadre de budgétisation des investissements en capital, afin de distinguer les dépenses qui contribuent à la formation de capital (les « investissements en capital ») des dépenses courantes de fonctionnement.
Le budget prévoit que le déficit s’élèvera à 78,3 milliards de dollars pour l’exercice 2025-2026 en cours, puis qu’il diminuera progressivement pour atteindre 56,6 milliards de dollars en 2029-2030. Il fixe deux cibles budgétaires, à savoir équilibrer les dépenses de fonctionnement courantes et les revenus d’ici 2028-2029, et maintenir un ratio du déficit au PIB à la baisse.
En ce qui concerne le sujet du présent article, soit du point de vue fiscal des particuliers et des petites entreprises, aucun changement n’est proposé aux taux généraux d’imposition du revenu des particuliers et des sociétés, aux taux d’inclusion des gains en capital ou à d’autres mesures fiscales générales. Pour les particuliers, en plus du nouveau crédit d’impôt temporaire de cinq ans pour les préposés aux services de soutien à la personne et de la déclaration de revenus automatique pour les aînés et les ménages à faible revenu, déjà annoncés, plusieurs mesures ont été mises en place en vue d’améliorer l’équité et l’intégrité du régime fiscal ; cependant, aucun changement n’est proposé au calcul du retrait minimum des fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR). Les changements visant les entreprises comprennent l’expansion et l’accélération de l’amortissement à des fins fiscales pour l’énergie propre, ainsi que des mesures d’intégrité visant les paliers de sociétés assujettis à l’impôt remboursable sur le revenu de placement.
Voici un résumé des mesures les plus importantes pour la planification fiscale et du patrimoine proposées dans le budget.
Mesures relatives à l’impôt sur le revenu des particuliers
- Le budget propose d’instaurer un crédit d’impôt temporaire pour les préposés aux services de soutien à la personne, qui offrirait aux préposés aux services de soutien à la personne admissibles travaillant pour des établissements de soins de santé admissibles un crédit d’impôt remboursable de 5 % des revenus admissibles, jusqu’à une valeur de crédit de 1 100 $. Cette mesure s’appliquerait aux années d’imposition 2026 à 2030.
- Pour l’année d’imposition 2025 et les années d’imposition suivantes, le budget propose d’accorder à l’ARC le pouvoir discrétionnaire de produire une déclaration de revenus pour une année d’imposition au nom de certaines personnes (autre qu’une fiducie), afin de s’assurer qu’elles reçoivent les prestations fondées sur le revenu, comme le crédit pour la TPS/TVH, l’Allocation canadienne pour enfants ou l’Allocation canadienne pour les travailleurs.
- La réduction d’impôt pour la classe moyenne annoncée en mai 2025 et incluse dans le projet de loi C-4, actuellement devant le Parlement, réduirait de 15 % à 14,5 % pour l’année d’imposition 2025 et à 14 % pour 2026 et les années d’imposition subséquentes le taux d’imposition marginal de la première tranche de revenu des particuliers, et donc le taux qui s’applique à la plupart des crédits d’impôt non remboursables. Pour veiller à ce que personne ne voit son impôt à payer augmenter en raison de la réduction d’impôt pour la classe moyenne, le budget de 2025 propose d’instaurer un nouveau crédit d’impôt compensatoire non remboursable. Ce crédit aurait pour effet de maintenir le taux actuel de 15 % pour les crédits d’impôt non remboursables demandés relativement à des montants qui excèdent la première tranche d’imposition et s’appliquerait aux années d’imposition 2025 à 2030.
- Pour l’année d’imposition 2026 et les années d’imposition suivantes, le budget propose de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) afin qu’une dépense demandée en vertu du crédit d’impôt pour frais médicaux ne puisse pas également être demandée au titre du crédit d’impôt pour l’accessibilité domiciliaire.
- Afin de compenser les coûts associés à la demande de crédit d’impôt pour personnes handicapées qui doivent être assumés par les bénéficiaires de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées, le budget propose de verser un paiement unique supplémentaire de 150 $ au titre de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées pour chaque demande de certificat ou de renouvellement de certificat justifiant l’admissibilité à la Prestation canadienne pour les personnes handicapées. Ce paiement unique serait rétroactif au lancement de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées. Le budget réaffirme également l’intention du gouvernement de proposer une loi pour que la Prestation canadienne pour les personnes handicapées ne soit pas traitée comme un revenu en vertu de la LIR.
- La Remise canadienne sur le carbone (RCC) est le principal mécanisme permettant de remettre les produits de la redevance fédérale sur les combustibles directement aux Canadiens résidant dans les provinces où la redevance s’appliquait, à condition qu’ils répondent aux critères d’admissibilité (y compris la production d’une déclaration de revenus). La redevance fédérale sur les combustibles a été supprimée le 1er avril 2025. Afin d’appuyer l’élimination progressive des mécanismes de remise des produits de la redevance sur les combustibles, le budget propose de modifier la LIR afin de prévoir qu’aucun versement de la RCC ne serait effectué à l’égard de déclarations de revenus ou de demandes de redressement présentées après le 30 octobre 2026.
Régimes enregistrés – placements admissibles
Le budget propose de simplifier et de rationaliser les règles portant sur les placements de certains régimes enregistrés, comme les régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) et les comptes d’épargne libre d’impôt (CELI). Plus précisément, cette mesure simplifierait les règles relatives aux placements dans de petites entreprises et remplacerait le régime de placement enregistré par de nouvelles catégories de placements admissibles à compter de 2027.
La règle des 21 ans
En règle générale, les fiducies personnelles sont réputées avoir disposé de leurs immobilisations et de certains autres biens en contrepartie d’un produit égal à leur juste valeur marchande au 21e anniversaire du jour où elles ont été établies, et à tous les 21e anniversaires par la suite (la « règle des 21 ans »). Cette règle vise à empêcher le recours à des fiducies personnelles pour reporter indéfiniment l’impôt sur les gains accumulés.
Lorsqu’une fiducie transfère un bien à une nouvelle fiducie avec report d’impôt, une règle sert à empêcher l’évitement de la règle des 21 ans. Dans ce cas, la nouvelle fiducie hérite essentiellement du 21e anniversaire antérieur de l’ancienne fiducie. Ainsi, le bien transféré demeure assujetti à la même période de 21 ans qui s’appliquait à l’ancienne fiducie. Certaines techniques de planification d’évitement fiscal ont été employées afin de transférer indirectement des biens d’une fiducie à une autre dans le but d’éviter à la fois la règle des 21 ans et la règle anti-évitement. Par exemple, cette planification peut comprendre le transfert de biens avec report d’impôt d’une fiducie à un bénéficiaire qui est une société appartenant à une nouvelle fiducie. Cette planification cherche à faire indirectement ce qu’il n’est pas possible de faire directement.
Le budget propose d’élargir la règle anti-évitement actuelle visant les transferts directs entre fiducies de manière à inclure les transferts indirects de biens d’une fiducie à d’autres fiducies.
Cette mesure s’appliquerait relativement aux transferts de biens effectués à compter du 4 novembre 2025.
Mesures fiscales pour les entreprises
Encourager les technologies propres
Le budget propose un certain nombre de mesures pour accélérer le développement et l’adoption de technologies propres, notamment :
- ajouter l’antimoine, l’indium, le gallium, le germanium et le scandium à la liste des minéraux critiques admissibles au crédit d’impôt à l’investissement pour la fabrication de technologies propres. Cette mesure s’appliquerait aux biens qui sont acquis et prêts à être mis en service à compter du jour du budget (4 novembre 2025) ;
- prolonger de cinq ans, soit de 2031 à 2035, la disponibilité des pleins taux du crédit, afin que ceux-ci s’appliquent aux dépenses admissibles au crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CUSC).
Passation en charges immédiate pour les bâtiments de fabrication ou de transformation
Le budget propose de fournir temporairement une passation en charges immédiate pour le coût des bâtiments de fabrication ou de transformation, notamment le coût des additions ou transformations admissibles apportées à ces bâtiments. La déduction bonifiée offrirait une déduction de 100 % dans la première année d’imposition au cours de laquelle le bien admissible est utilisé pour la fabrication ou la transformation, pourvu que l’exigence minimale de 90 % de l’aire de plancher du bâtiment soit satisfaite.
Recherche scientifique et développement expérimental (RS&DE)
Le budget confirme que les améliorations suivantes du programme de RS&DE, initialement annoncées dans l’Énoncé économique de l’automne de 2024, seront mises en œuvre :
- augmenter la fourchette de réduction progressive du capital imposable de l’année précédente aux fins du crédit d’impôt bonifié de 35 % du programme de RS&DE.
- augmenter la limite de dépenses annuelles auxquelles le crédit d’impôt bonifié peut être appliqué de 3 millions de dollars à 6 millions de dollars (au lieu des 4,5 millions de dollars annoncés précédemment) pour les années d’imposition commençant le 16 décembre 2024 ou après.
- élargir l’admissibilité au crédit d’impôt bonifié aux sociétés publiques canadiennes admissibles.
- rétablir l’admissibilité des dépenses en capital de RS&DE.
De plus, l’ARC compte mener des consultations ciblées pour améliorer l’administration du programme pour la RS&DE, notamment en examinant le formulaire de demande pour les dépenses de RS&DE (formulaire T661).
Report d’impôt au moyen de paliers de sociétés
Le budget propose de limiter le report de l’impôt remboursable sur le revenu de placement grâce à l’utilisation de paliers de sociétés dont les fins d’exercice sont décalées, pour les années d’imposition qui commencent à compter du 4 novembre 2025.
Autres mesures
Taxe sur les logements sous-utilisés (TLSU)
Entrée en vigueur le 1er janvier 2022, la TLSU s’applique à certains propriétaires d’immeubles résidentiels vacants ou sous-utilisés au Canada, lesquels sont généralement des non-Canadiens et non-résidents. La TLSU est imposée chaque année à un taux de 1 % applicable sur la valeur de la propriété.
Dans le budget, le gouvernement propose d’éliminer la TLSU à compter de l’année civile 2025. Le cas échéant, aucune TLSU ne serait exigible et aucune déclaration relative à la TLSU ne devrait être produite pour l’année civile 2025 et les années suivantes.
Toutes les exigences concernant la TLSU continueront de s’appliquer pour les années civiles 2022 à 2024.
Élimination de la taxe sur les produits et services (TPS) pour les acheteurs d’une première habitation
Le budget confirme la proposition annoncée antérieurement en vue d’éliminer la taxe sur les produits et services (TPS) pour les acheteurs d’une première habitation d’une valeur maximale de 1 million de dollars, et de réduire la TPS pour les acheteurs d’une première habitation dont la valeur se situe entre 1 million de dollars et 1,5 million de dollars.
Taxe de luxe sur les aéronefs et les navires
Le gouvernement fédéral impose une taxe sur les véhicules et les aéronefs assujettis d’une valeur supérieure à 100 000 $ et sur les navires assujettis (p. ex. les bateaux) d’une valeur supérieure à 250 000 $.
Le budget propose de modifier la Loi sur la taxe sur certains biens de luxe afin de mettre fin à la taxe de luxe visant les aéronefs et les navires assujettis. Cette taxe cesserait d’être payable après le 4 novembre 2025 dans tous les cas, notamment lors de la vente, de l’importation et lorsque certaines améliorations sont apportées.
Prix de transfert
Afin de protéger l’intégrité de l’assiette fiscale du Canada, le gouvernement a annoncé dans le budget son intention de proposer des modifications législatives en vue de réformer et de moderniser les règles sur les prix de transfert, qui servent à établir les bénéfices réalisés par les différentes entités d’un groupe d’entreprises multinationales.
Mesures fiscales annoncées antérieurement
Le budget précise l’intention du gouvernement à l’égard de plusieurs propositions législatives annoncées antérieurement, dont les suivantes (cette liste n’est pas exhaustive) :
- Report de la date d’application pour les déclarations des simples fiducies, afin qu’elles visent les années d’imposition se terminant le 31 décembre 2026 ou après.
- Mise en œuvre des propositions publiées le 12 août 2024 en ce qui concerne l’impôt minimum de remplacement (IMR), sauf les changements liés aux déductions pour les frais relatifs à des ressources.
- Adoption de l’augmentation proposée de l’exonération cumulative des gains en capital (ECGC) annoncée dans le budget de 2024, jusqu’à concurrence de 1,25 million de dollars de gains en capital admissibles.
Soulignons que les mesures annoncées précédemment ne comprennent pas l’Incitatif aux entrepreneurs canadiens, ce qui indique que le gouvernement n’a pas l’intention d’appliquer cette mesure.
Dans le budget, le gouvernement réitère qu’il s’engage à apporter d’autres modifications techniques nécessaires en vue d’accroître la prévisibilité et l’intégrité du régime fiscal.
Avant de mettre en œuvre une stratégie quelconque, il est recommandé aux particuliers de consulter un conseiller fiscal ou juridique qualifié ou tout autre professionnel compétent.
Bien que l’ARC ait depuis longtemps l’habitude de permettre aux contribuables de produire leurs déclarations de revenus en fonction des projets de loi, un contribuable peut devoir payer des impôts en vertu des lois en vigueur si, en définitive, des propositions budgétaires ne sont pas adoptées. Donc, si la législation proposée n’est pas adoptée, l’ARC pourrait établir la cotisation ou la nouvelle cotisation relative à votre déclaration de revenus en fonction de la législation en vigueur. Nous vous recommandons de consulter un conseiller fiscal qualifié en vue d’évaluer les coûts et les avantages liés à l’utilisation de certaines propositions budgétaires en fonction de votre situation personnelle.