L’inflation obligera-t-elle la Fed à relever ses taux plus tôt que prévu ?

22 octobre 2021 | Thomas Garretson, CFA


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Au cours des dernières semaines, le moment auquel on s’attend à ce que les hausses de taux débutent a été avancé, sous l’effet des préoccupations entourant l’inflation persistante. Mais les marchés exagèrent-ils ?

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La Réserve fédérale américaine (Fed) n’a pas encore annoncé officiellement ses intentions quant à la réduction des achats mensuels d’actifs. Nous estimons qu’elle le fera lors de la réunion du 3 novembre. Cependant, le marché s’intéresse déjà à ce qui se passera ensuite, c’est‑à‑dire au prochain cycle de hausse des taux et, surtout, au moment où il pourrait s’amorcer.

Comme le montre le premier graphique, le marché anticipe actuellement environ deux hausses de taux, de 0,25 % chacune, d’ici la fin de la prochaine année (alors qu’aucune n’était prévue il y a à peine un mois), suivies de deux autres en 2023. De son côté, la Fed a indiqué à sa réunion de septembre que ses membres étaient partagés sur la probabilité même d’une seule augmentation l’an prochain. Par conséquent, il pourrait y en avoir trois en 2023. Toutefois, les projections finales de la Fed demeurent inférieures aux attentes du marché.

Les prévisions de taux du marché devancent largement celles de la Fed
Le graphique linéaire montre l’évolution du taux directeur de la Réserve fédérale depuis 2016 ainsi que les projections de la Fed et les attentes actuelles du marché pour la période allant jusqu’en 2024.

Projections des fonds fédéraux

Attentes du marché relatives aux taux

Taux des fonds fédéraux

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg, sommaire des prévisions économiques de septembre de la Réserve fédérale ; données au 21 octobre 2021

Le fait que les marchés avancent le moment où, selon eux, les augmentations de taux auront lieu ne se limite pas aux États‑Unis. On note la même dynamique dans bien d’autres marchés développés. Jusqu’à présent, les rajustements les plus importants ont été observés au Royaume‑Uni. RBC Marchés des Capitaux s’attend d’ailleurs à ce que la Banque d’Angleterre commence à relever les taux dès décembre, plutôt qu’au milieu de 2022, comme nos collègues le pensaient auparavant. Ainsi, ils tablent maintenant sur des hausses de 0,25 % en décembre, de 0,15 % en février 2022 et de 0,25 % en août.

Les marchés semblent maintenant d’avis que l’inflation supérieure aux attentes forcera la main des décideurs des banques centrales, qui jusqu’à présent, avaient appelé à faire preuve de patience quant au resserrement de la politique. Les investisseurs doivent donc déterminer si les marchés ne sont pas allés trop vite.

L’inflation pourrait alimenter des attentes démesurées quant aux taux d’intérêt

S’il existe de graves pénuries sur le plan de l’offre à l’heure actuelle, pour leur part, les banques centrales ne manquent pas de défis à relever. Premièrement, les pénuries, les goulets d’étranglement dans l’approvisionnement et les pressions inflationnistes plus persistantes qui en découlent ne seront pas réglés par des hausses de taux, même si les marchés s’attendent à ce que les banques centrales y réagissent de cette manière.

Deuxièmement, le véritable risque pour les banques centrales est que l’inflation élevée à court terme entraîne une envolée des anticipations inflationnistes à long terme, et ce, peu importe la cause fondamentale de cette inflation. Voilà l’élément le plus préoccupant, à notre avis.

Peu de signes indiquent toutefois que les attentes élevées à long terme deviendront problématiques. Aux États‑Unis, la Réserve fédérale de Cleveland divise les données de l’indice des prix à la consommation en deux catégories : la première regroupe les prix « flexibles », c’est‑à‑dire les prix des produits plus sensibles à la conjoncture économique, comme l’essence, les locations de voitures, le gaz naturel, les voitures d’occasion et les hôtels ; la seconde rassemble les prix « rigides », qui sont plus stables et moins sensibles aux anticipations inflationnistes, comme les prix des vêtements, des communications et des soins de santé, et les loyers. Les banques centrales portent habituellement leur attention sur cette dernière catégorie, et, jusqu’à présent, les prix rigides progressent peu. Actuellement, l’indice des prix rigides de la Réserve fédérale de Cleveland augmente à un rythme de 2,7 % sur 12 mois, comparativement à 14 % sur 12 mois pour les prix flexibles.

La même dynamique caractérise les données sur la consommation. Ce mois‑ci, l’enquête sur la confiance des consommateurs de l’Université du Michigan a révélé une accentuation des anticipations inflationnistes sur 12 mois à 4,8 %, un sommet inégalé en dix ans, alors qu’à long terme, elles se maintiennent à seulement 2,8 %, ce qui est à peu près égal à la moyenne des dix dernières années.

Pour le moment, nous restons d’avis que la Fed attendra encore quelque temps avant de décréter sa première hausse de taux, peut‑être jusqu’à la fin de l’année prochaine, et qu’il y a des questions plus importantes à considérer.

La fin, plus importante que le début

Les marchés mondiaux s’inquiètent du moment où se produiront les hausses de taux, mais d’après nous, ils s’intéresseront bientôt beaucoup plus à une question plus déterminante, à savoir la manière dont les taux directeurs monteront cette fois‑ci.

Poursuivant avec l’exemple de la Fed et des États‑Unis, le deuxième graphique montre qu’il existe un écart substantiel entre le point culminant du taux directeur prévu par la Fed (2,5 %) et celui prévu par un groupe de participants au marché interrogés par la Réserve fédérale de New York (2,0 %). Le taux directeur final influera sur le taux de l’obligation du Trésor à dix ans, une référence qui a des répercussions sur les marchés des actions et des titres à revenu fixe des États‑Unis et du monde entier.

Le sommet du taux directeur de la Fed dictera probablement celui des taux des titres du Trésor à long terme
Évolution des estimations du taux directeur « neutre » à long terme par rapport au taux de l’obligation du Trésor à dix ans
Le graphique linéaire montre l’estimation de la Fed d’un taux directeur à long terme neutre pour l’économie et les attentes du marché. La mesure dans laquelle le taux directeur de la Fed augmentera durant ce cycle économique déterminera jusqu’où les taux des obligations du Trésor à long terme pourront monter.
 
Attentes du marché relatives aux taux
 
Sondage auprès des participants au marché

Taux de l’obligation à 10 ans

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg, sondage mené en marspar la Federal Reserve Bank de New York auprès des participants au marché

En 2018, trois données importantes ont convergé : le taux directeur à long terme projeté par la Fed, celui attendu par le marché et le taux de l’obligation du Trésor à dix ans se sont tous établis à 3,0 %. Nous croyons que le processus se reproduira. La question est de savoir si le taux final sera de 2,5 % ou de 2,0 %, voire s’il sera supérieur ou inférieur à ces niveaux. À notre avis, il serait raisonnable de s’attendre à ce qu’il avoisine 2,0 % pour le moment.

Lentement et faiblement

Les premières hausses de taux des grandes banques centrales du monde pourraient effectivement survenir plus tôt que prévu. Nous pensons toutefois que plus elles commenceront tôt, plus elles seront susceptibles d’être graduelles et d’atteindre des sommets moins élevés.

Auparavant, nous prévoyions que le taux de l’obligation du Trésor à dix ans grimperait vers 2,50 % au cours de la prochaine période d’un an ou deux ans, mais nous pensons maintenant qu’il pourrait plutôt culminer à seulement 2,00 %. Les sommets pourraient se révéler encore plus bas que par le passé et être atteints assez rapidement. Conséquence possible : malgré leur hausse récente, les taux des titres à revenu fixe pourraient ne pas monter beaucoup plus ; les investisseurs devront donc être plus proactifs pour accroître le rendement en revenu de leurs portefeuilles.


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