Les cinq dernières années ont été marquées par des événements déconcertants – les confinements partout sur la planète, le redémarrage des économies, les mesures de relance extraordinaires des gouvernements dans de grands projets d’infrastructures et d’initiatives vertes, les taux d’inflation jamais vus en 40 ans, les taux d’intérêt en hausse, les taux hypothécaires les plus élevés des dernières décennies, l’intensification des incertitudes géopolitiques, l’essor de l’intelligence artificielle (IA), et une myriade d’autres événements notables. Ces événements sans précédent ont aidé à découpler les profils de rendement des sociétés à grande et à petite capitalisation – comme ce fut le cas lors du boom de la bulle technologique au début des années 2000 –, et contribué à façonner un contexte inhabituel et particulièrement favorable aux actions à grande capitalisation, qui ont affiché un rendement nettement supérieur à la moyenne au cours de quatre des cinq dernières années. Cette dynamique a creusé l’écart de rendement cumulatif entre les titres à grande capitalisation et ceux à petite capitalisation ces dernières années.
Rendements cumulatifs à long terme des indices des sociétés à grande et à petite capitalisation
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Le graphique linéaire montre les rendements trimestriels cumulatifs, par rapport aux niveaux de décembre 1994, des indices des actions à grande et à petite capitalisation, jusqu’en décembre 2024. Les rendements des sociétés à grande capitalisation ont commencé à augmenter plus rapidement que ceux des sociétés à petite capitalisation vers 2015, moment où les rendements cumulatifs des deux indices étaient d’environ 500 %, et l’écart s’est creusé depuis. Le rendement cumulatif de l’indice des titres à grande capitalisation a atteint près de 2 200 % en 2024, tandis que celui de l’indice des titres à petite capitalisation a été d’environ 1 200 %.
Les titres à grande et à petite capitalisation sont représentés par les indices Russell 1000 et Russell 2000, respectivement.
Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg
À première vue, cette illustration est un peu trompeuse, car la concentration du marché a atteint des sommets presque records dans un sous-groupe très restreint de sociétés profitant du boom de l’IA, que l’on appelle aussi les sept merveilles, à savoir : Apple, Microsoft, Alphabet, Amazon, NVIDIA, Meta Platforms et Tesla. Or, même si l’on exclut les sept merveilles des rendements de l’indice des sociétés à grande capitalisation, les actions à grande capitalisation ont tout de même surpassé les actions à petite capitalisation au cours des dernières années.
Rendements cumulatifs à moyen terme des indices des sociétés à grande capitalisation, des sociétés à grande capitalisation sans les sept merveilles et des sociétés à petite capitalisation
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Le graphique linéaire montre les rendements cumulatifs des indices boursiers à grande et à petite capitalisation, ainsi que de l’indice des titres à grande capitalisation hors sept merveilles (Apple, Microsoft, Alphabet, Amazon, NVIDIA, Meta Platforms et Tesla), de mars 2015 à décembre 2024. Les rendements des sociétés à grande capitalisation ont régulièrement surpassé ceux des sociétés à petite capitalisation au cours de cette période. Les rendements cumulatifs des sociétés à grande capitalisation ont été d’environ 230 % en décembre, et ceux des sociétés à petite capitalisation, d’environ 100 %. Les rendements des sociétés à grande capitalisation hors sept merveilles ont été d’environ 150 %.
Les titres à grande et à petite capitalisation sont représentés par les indices Russell 1000 et Russell 2000, respectivement; les titres à grande capitalisation sans les sept merveilles sont représentés par l’indice Bloomberg US Large Cap ex Magnificent 7.
Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg
L’histoire ne se répète pas… mais peut se ressembler
Les écarts de rendement cumulatif des titres à grande capitalisation, qui sont plus du double de celui des titres à petite capitalisation, rappellent étrangement l’immense rendement supérieur des titres à grande capitalisation à l’approche de la bulle technologique. Comme le montre la figure ci-dessous, le rendement des grandes capitalisations par rapport aux petites capitalisations a crû de la même façon pour le présent cycle. Contrairement à l’éclatement de la bulle technologique au début des années 2000 – attribuable en grande partie au manque de capacité de générer des bénéfices, ce qui a contribué à l’effondrement du segment –, les sociétés à grande capitalisation aujourd’hui continuent de produire d’excellents rendements, et rien ne nous indique que l’appétit des investisseurs pour l’IA ou d’autres placements connexes diminuera de sitôt. Cela ne signifie pas que, cette fois-ci, les écarts de rendement cumulatif ne se réinitialiseront pas de la même façon que la dernière fois au cours des prochaines années, mais ils seront probablement le fait d’autres facteurs moins évidents, en plus des attentes élevées des investisseurs.
Écarts de rendement cumulatifs pendant la bulle techno et le boom de l’IA
Rendements cumulatifs des titres à grande capitalisation moins ceux des titres à petite capitalisation (%)
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Le graphique linéaire compare l’écart trimestriel entre les rendements cumulatifs des indices des actions à grande et à petite capitalisation au cours de deux périodes historiques : la bulle technologique (1994-2006) et le boom de l’IA (2020-2024). L’écart de rendement au cours de la bulle technologique est passé de 4,9 % au premier trimestre à plus de 120 % après 16 trimestres avant de s’établir à un plateau, puis il est redescendu à peu près à la parité après 44 trimestres. L’écart durant le boom de l’IA a suivi une trajectoire haussière semblable, passant d’environ 27 % à plus de 120 % après 20 trimestres.
Les titres à grande et à petite capitalisation sont représentés par les indices Russell 1000 et Russell 2000, respectivement.
Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg
Quels sont ces autres facteurs?
Par le passé, les fusions et acquisitions ainsi que les premiers appels publics à l’épargne (PAPE) ont été des facteurs clés du rendement global de l’indice des titres à petite capitalisation, en dehors des bénéfices.
Les bilans des sociétés à grande capitalisation ont atteint un record historique au dernier trimestre, s’élevant à près de 2,5 billions de dollars, les sociétés du secteur de la finance détenant près de 50 % du total, et le reste étant majoritairement représenté par les technologies, la consommation discrétionnaire, les services de communications, les soins de santé et les produits industriels. Si les bilans des sociétés à grande capitalisation débordent de liquidités, l’année dernière a été la pire jamais enregistrée pour les fusions et acquisitions de sociétés à petite capitalisation depuis plusieurs décennies. Selon les données de Bloomberg, l’année 2024 s’est terminée avec seulement 52 transactions dans le segment des petites capitalisations, pour un total de 113,7 milliards de dollars; ce résultat est pire que celui enregistré pendant la crise financière de 2008, où 61 transactions ont été conclues. Depuis que la Réserve fédérale américaine (Fed) a commencé à augmenter son taux au début de 2022, les secteurs sensibles aux taux d’intérêt, comme la finance, les services de communications et l’immobilier, ont vu beaucoup moins de transactions dans l’ensemble, ce qui corrobore le lien étroit entre la politique monétaire et la prise de risque par les entreprises, sans égard aux liquidités disponibles.
En ce qui a trait aux PAPE de sociétés à petite capitalisation – aussi un indicateur de l’appétit pour le risque des investisseurs –, 2024 a marqué le retour à une « nouvelle normalité »; la moyenne pour l’année n’a été que de 31 placements avec une valeur d’à peine 7 milliards de dollars par trimestre. Bien qu’en hausse par rapport au total anémique de 7,7 milliards de dollars pour 2023 au complet (le plus faible montant mobilisé depuis plus de 30 ans), le nombre d’inscriptions pour les petites capitalisations avant la COVID-19 se situait généralement dans une fourchette de 60 à 100 pour un total de 15 à 20 milliards de dollars par année.
Le renversement de la tendance
L’année 2024 a été marquée par un revirement de la politique monétaire, la Fed ayant amorcé un cycle d’assouplissement après quelques années de politique monétaire plus restrictive (son intention étant d’éliminer l’inflation alimentée par des liquidités abondantes et plus d’une décennie de politique monétaire expansionniste). Ces changements ont contribué à donner un coup de pouce dans le segment des PAPE de sociétés à petite capitalisation au cours de l’année. L’année 2025 pourrait maintenir cette tendance et servir de tournant, alors que les sociétés à grande capitalisation cherchent à dépenser leurs réserves de liquidités et que des administrateurs plus favorables aux transactions prennent le volant. Les nouvelles nominations à la Federal Trade Commission et au département de la Justice sous l’administration Trump devraient se faire rapidement, ce qui donnera le coup de pouce nécessaire aux activités de fusions et d’acquisitions et aux PAPE en 2025 et par la suite.
2025 et au-delà
Selon nous, les facteurs favorables à la réduction de l’écart entre les actions à petite capitalisation et les actions à grande capitalisation comprennent les prévisions consensuelles extrêmement élevées quant aux bénéfices pour les sociétés à grande capitalisation (en particulier pour les sociétés liées à l’IA), l’atténuation des risques d’élections, la mise en place d’un plus grand nombre d’organismes de réglementation favorables aux fusions et acquisitions, l’assouplissement de la politique de la Fed visant à relancer la prise de risque par les sociétés, le bon usage des réserves de liquidités records. Après des années de sous-performance par rapport aux titres à grande capitalisation, nous croyons que les titres à petite capitalisation semblent sur le point de reprendre du poil de la bête.
Ressources pour les recherches
Au Québec, les services de planification financière sont fournis par RBC Gestion de patrimoine Services Financiers. qui est autorisé comme une société de services financiers dans cette province. Dans le reste du Canada, les services de planification financière sont disponibles à travers RBC Dominion valeurs mobilières.