Parler fort et brandir le bâton

01 mai 2020 | Thomas Garretson, CFA


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La Réserve fédérale (Fed) a réagi à la pandémie de COVID-19 par des mesures de politique monétaire inspirée de la politique étrangère d’autrefois, en promettant d’importants programmes d’assouplissement quantitatif et de liquidités.

Comme c’est habituellement le cas, le seul fait de promettre de telles mesures peut réduire la nécessité d’y recourir vraiment. 

Cette semaine, à la réunion de la Fed, il n’y a pas eu de coups d’éclat semblables à ceux des deux derniers mois. Le président Jerome Powell a cependant déclaré avec force : « Nous sommes résolus à employer tous les outils à notre disposition pour soutenir l’économie en ces temps difficiles. Nous les utiliserons de manière vigoureuse, proactive et dynamique jusqu’à ce que nous ayons la conviction que la reprise est bien engagée. » 

Ces outils – c’est-à-dire le « bâton » que brandit la Fed – comprennent toute une gamme de facilités de prêt. Leur annonce a convaincu les marchés de revenir à un niveau d’activité plus normal, même si la plupart d’entre elles ne sont pas encore activées et que d’autres demeurent à peine utilisées. 

Comme le montre le graphique ci-contre, deux des premières facilités mises en oeuvre, soit l’aide destinée aux fonds du marché monétaire et aux marchés des billets de trésorerie, demeurent largement inutilisées ; à peine 50 milliards de dollars ont été décaissés, alors que le montant total des prêts possible atteint près de 2 billions de dollars. 

Les facilités de crédit de 2,3 billions de dollars, annoncées en grande pompe aux marchés au début d’avril, ne sont pas encore prêtes. M. Powell est incapable de préciser la date du lancement, se bornant à dire qu’il aura lieu « bientôt ». Malgré cela, les marchés ont déjà repris leurs activités en grande partie et fonctionnent à nouveau rondement. Les nouvelles émissions d’obligations de société ont atteint des sommets records, alors que les entreprises tentent de réunir des liquidités. Les sociétés dotées de cotes de catégorie spéculative ont même pu accéder aux marchés des capitaux, se taillant une part inégalée depuis l’an dernier. 

La Fed a vu son bilan franchir la barre des 6,5 billions de dollars cette semaine, contre 4 billions de dollars au début de l’année, alors qu’elle continue d’acheter des titres du Trésor à hauteur d’environ 10 milliards de dollars par jour. Toutefois, ces facilités de crédit et de prêt, qui sont soutenues par le Trésor au moyen de fonds attribués dans le cadre de la loi CARES (Coronavirus Aid, Relief, and Economic Security Act), pourraient rester largement inutilisées dans les faits. Pour l’instant, il semble que la seule menace d’agir a suffi pour les marchés. Les facilités offriraient cependant un filet de sécurité robuste advenant un autre épisode de volatilité sur les marchés. 

Les facilités de prêt de la Fed sont activées, mais leur utilisation reste indéterminée 


Utilisation actuelle de la facilité 


Plafond actuel de la facilité 

 

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg, Réserve fédérale. 

La réunion de la Fed a déçu certains observateurs, parce que le communiqué contenait peu d’indications prospectives. Celui-ci a simplement mentionné que le Comité s’attendait à maintenir la fourchette cible [de 0 % à 0,25 %] jusqu’à ce qu’il soit convaincu que l’économie avait surmonté les derniers événements et qu’elle était en voie d’atteindre ses objectifs de plein emploi et de stabilité des prix. 

À la lumière de ces éléments, quelle sera la trajectoire des taux d’intérêt ? La Fed a abaissé les taux à 0 % pour la première fois en décembre 2008. Il a fallu attendre sept ans, soit décembre 2015, avant qu’elle relève la limite inférieure de la fourchette. Nous ne pensons pas qu’il s’écoulera autant de temps cette fois-ci, mais nous tablons quand même sur plusieurs années. 

Comme par le passé, le retour au plein emploi sera la première étape à franchir pour amorcer la hausse des taux. Aujourd’hui, la différence réside dans le fait que la Fed établira vraisemblablement le plein emploi à un niveau inférieur. En 2015, le taux de chômage s’est rapproché de 5 %, le niveau qui, selon la Fed, constituait le plein emploi, ce qui a lancé le cycle de hausse des taux. Dans ses dernières estimations économiques de décembre 2019, la Fed a évalué que ce niveau se situait à près de 4 %. À notre avis, ces renseignements devraient donner une idée générale du moment où la Fed pourrait s’éloigner à nouveau de la limite inférieure de 0 %. 

Comme le montre le dernier graphique, cela prendra du temps. Les économistes de RBC prévoient actuellement que le taux de chômage passera sous la barre des 6 % à la fin de 2021 seulement, après avoir atteint 13,3 % en moyenne durant ce trimestre. Par la suite, le déclin sera sans doute plus lent. La dernière fois que le taux de chômage est passé de 6 % à 4 %, le recul a pris quatre ans, soit de 2014 à 2018. 

La Fed ne relèvera probablement pas les taux tant que l’économie américaine n’aura pas retrouvé le plein emploi 


Récession aux É.-U. 


Taux de chômage 


Taux de chômage prévu par RBC 


Plein emploi selon les estimations de la Fed

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg. 

Conclusion

À notre avis, la Fed a largement atteint l’objectif qu’elle s’était fixé : veiller au bon fonctionnement des marchés financiers. Comme l’économie s’approche au moins d’une première phase de réouverture, nous ne croyons pas que la Fed soit sur le point de freiner cet élan. Des questions demeurent quant à l’ampleur des mesures d’aide budgétaires et monétaires. Cependant, l’approche de la Fed, qui consiste à parler fort et à brandir le bâton, semble fonctionner et pourrait, en fin de compte, réduire les interventions qui seront vraiment nécessaires. 


Déclarations exigées

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