Un catalyseur de changement : huit appels à l'action pour les dirigeants du corps médical

29 novembre 2021 | Diane Amato


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Idées clés de deux dirigeantes du corps médical sur le rôle des dirigeants pour exiger le changement et briser les obstacles aux soins, à la formation et au progrès.

Bien qu'elles ne soient pas nouvelles, les inégalités en matière de soins de santé et de formation médicale se sont intensifiées durant les dernières années. Au cours d'un clavardage informel, deux dirigeantes du secteur des soins de santé ont discuté du rôle que peut jouer la fonction dirigeante pour briser les obstacles aux soins, à la formation et au progrès.


La Conférence internationale sur la formation des résidents (CIFR) vient de se tenir en mode virtuel en octobre dernier. Elle rassemblait près de 1 200 éducateurs cliniciens, chirurgiens, médecins, résidents et étudiants en médecine du monde entier afin de partager des idées, des enjeux, des innovations et des formations avancées.

La séance plénière d'ouverture de la conférence intitulée « Un catalyseur de changement : donner l'exemple » était axée sur trois thèmes : les inégalités d'accès aux soins médicaux et à la formation médicale, le surmenage des médecins et les obstacles au progrès. La séance d'ouverture présentée par la Dre Patrice Harris, présidente sortante de l'American Medical Association, et consacrée à ses expériences dans des fonctions dirigeantes, a laissé place à une entrevue interactive entre la Dre Harris et la Dre Susan Moffatt-Bruce, directrice générale du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Les deux doctoresses ont discuté du rôle des dirigeants pour insuffler le changement, tant pour le patient, pour le médecin que pour les intervenants du système de formation médicale.

Voici huit appels à l'action pour les dirigeants du corps médical qui sont ressortis de la discussion :

1. Supprimer l'obstacle de la distance physique aux soins pour les patients

La Dre Harris a fortement encouragé les médecins à se déplacer pour aller voir leurs patients là où ils sont et à former la génération suivante de médecins afin qu'ils reconnaissent les obstacles aux soins et s'emploient à les écarter.

« Envoyons-nous nos stagiaires sur le terrain ? Leur donne-t-on l'occasion de sortir des sentiers battus afin d'axer les soins sur le patient et sa famille ? s'est-elle interrogée. Voici, je pense, l'occasion de prendre nos responsabilités. »

La Dre Harris a ajouté à quel point il est crucial de former des médecins qui s'investissent dans le système et explorent de nouvelles façons d'exercer leur métier pour faciliter l'accès aux soins aux patients. La Dre Moffatt-Bruce a acquiescé, en ajoutant qu'il appartient aux dirigeants de former les praticiens sur les systèmes et de s'appliquer à supprimer la distance physique qui empêche le patient de consulter le professionnel du secteur médical.

2. Améliorer l'accès à la formation médicale

La Dre Moffatt-Bruce estime qu'il incombe aux dirigeants d'être à l'écoute pour comprendre exactement où l'accès à la formation médicale est problématique. « À quoi cela rime-t-il d'interdire l'accès à la formation et à la spécialisation aux futurs étudiants en médecine et aux résidents ? a-t-elle demandé. Nous devons mener une analyse des causes fondamentales pour comprendre la situation et trouver des solutions. »

La Dre Harris a fourni de l'information sur les programmes d'études Pipeline Program aux États-Unis, un domaine qui mérite d'être approfondi au Canada. « La Morehouse School of Medicine, une école de médecine par le passé pour les Noirs, possède de nombreux programmes d'études Pipeline Program. Elle accepte des étudiants ayant obtenu une faible note au test MCAT et les aide à combler leurs lacunes éventuelles. »

3. Réserver de la place pour le plaidoyer

Sur la question des fausses informations médicales, tant la Dre Harris que la Dre Moffatt-Bruce estiment que le plaidoyer doit jouer un rôle essentiel, tant pour se préserver soi-même que pour la santé publique. « Dans le cadre de votre vie professionnelle, vous devriez accorder autant d'importance au plaidoyer qu'à l'obtention d'unités de formation continue, a déclaré la Dre Harris. Cela ne doit pas être compliqué : écrire un courriel ou une note à votre représentant élu. »

La Dre Moffatt-Bruce a ajouté que le rôle de défenseur doit s'inscrire dans le continuum d'apprentissage et constituer un volet de la responsabilité du médecin. Donner aux gens les moyens d'être des défenseurs de la santé peut être difficile s'ils craignent des répercussions. Les deux doctoresses estiment qu'un cercle de soutien est nécessaire, dont des mentors qui aident à aborder et à comprendre les implications éventuelles et créent un espace où les gens s'expriment sans danger. « Vous devez diriger depuis les coulisses dans ces cas, et montrer votre volonté à faire de vous un allié », a ajouté la Dre Moffatt-Bruce.

4. Comprendre comment l'échec peut vous faire grandir

Tant la Dre Harris que la Dre Moffatt-Bruce estiment que les enseignements tirés des erreurs contribuent à former un bon dirigeant – avoir une vision, trébucher à l'occasion et se relever de ses erreurs peuvent élargir la vue d'un dirigeant et le rendre plus efficace. « L'échec est une partie intrinsèque d'une ouverture », a déclaré la Dre Moffatt-Bruce, indiquant qu'elle avait intégré l'échec dans le cours normal de son rôle.

5. Apprendre à diriger avec humilité

« Si la pandémie nous a enseigné une chose, ce doit être l'humilité, a déclaré la Dre Harris. Car, alors que nous pensions avoir fait quelques progrès, le virus s'est montré plus malin que nous. Quand nous pensons pouvoir nous démarquer sans danger, nous devons conserver un certain degré d'humilité, a-t-elle ajouté. »

La Dre Moffatt-Bruce a ajouté que lors d'une nouvelle prise de fonction dirigeante, l'humilité lui a permis d'écouter plus que de parler, de gérer ses propres doutes et de s'assurer de faire des progrès pour concrétiser sa vision.

6. Prendre le temps de s'occuper de soi

Les deux doctoresses estiment qu'il est essentiel de s'imposer de prendre soin de soi-même pour être un bon dirigeant. « Si nous ne sommes pas en bonne santé, le système ne pourra pas l'être non plus », a déclaré la Dre Harris.

« En tant que dirigeants, nous avons la capacité et la responsabilité de permettre aux fournisseurs de soins de santé de faire leur travail et de donner aux patients les soins qu'ils méritent », a ajouté la Dre Moffatt-Bruce en abordant la nécessité de comprendre le surmenage professionnel et de récompenser les résultats autrement.

7. Donner l'occasion aux personnes de changer

La Dre Harris a évoqué les microagressions sur le lieu du travail qu'elle a connues du fait qu'elle était une femme et une Noire. Elle a insisté pour que les membres de l'auditoire parlent du racisme et de la justice sociale et tiennent des conversations difficiles lorsqu'ils occupent une fonction dirigeante.

Et tandis qu'elle a « poussé des gens à l'eau » à cause de leurs propos inappropriés, elle a aussi tendu des perches à d'autres pour leur donner l'occasion de changer. « J'essaie de tendre des perches aux gens. Je leur dis : “vos connaissances présentent certaines lacunes – voici un peu de lecture pour vous" ». Lorsque vous tendez une perche, vous pouvez résoudre des problèmes de front tout en développant votre cercle de soutien.

8. Être prêt à partager le pouvoir

Pouvoir diriger avec d'autres personnes qui ont une formation, des opinions et un vécu différents est crucial pour que vous soyez un dirigeant efficace et juste. « Soyez prêt à partager le pouvoir, à écouter et à reconnaître que la collectivité a la réponse », a déclaré la Dre Harris.

La Dre Moffatt-Bruce a ajouté que son équipe dirigeante et elle-même ont consacré beaucoup de temps à comprendre le modèle de la médaille, de privilège et de l'alliance critique et à se réunir pour diriger de manière solidaire avec d'autres personnes. « Se poser les questions : suis-je utile ? Dois-je faire un pas en arrière, ou dois-je simplement faire preuve d'humilité pour contribuer à partager le pouvoir, faire d'autres personnes des champions et devenir un allié authentique ? »

Comme la Dre Harris l'a mentionné en plus de son discours, être un bon dirigeant ne tient pas au titre, mais au travail. L'authenticité, l'humilité, la curiosité et une bonne santé sont des éléments critiques du leadership. Et comme la Dre Moffatt-Bruce l'a ajouté, donner l'exemple, devenir un allié et admettre les disparités et les différences contribuent également à la mise en place d'un système équitable et inclusif de soins médicaux et de formation médicale.

Diane Amato est une rédactrice indépendante basée à Toronto qui aime parler de finances, de soins de santé, de voyages et de technologie.

Cet article a été publié pour sur le site RBC Soins de santé - Conseils et apprentissage.


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