Quand la marée se retire

10 février 2022 | Elie-Chakib Abou-Chacra


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Les marchés sont un reflet de la psychologie des investisseurs, rarement rationnels et souvent dans les extrêmes. Les deux principaux sentiments, la frénésie et la panique, sont clairement visibles sur l’écran d’un analyste tels les mouvements de la marée. Que ce soit un secteur en vogue ou de mauvaises nouvelles, le résultat est rapide et tranchant.

 

La frénésie se communique une personne à la fois, plus souvent autour du BBQ l’été. Mais, c’est surtout l’idée que notre voisin ou pire notre beau-frère fait un meilleur rendement que nous qui hante les gens. Comment lui, qui est moins brillant peut faire beaucoup d’argent avec Nortel et pas nous?

 

À l’inverse, la panique est particulière puisqu’elle est aussi contagieuse que rapide. Si en plus on rajoute un élément externe comme une guerre ou une pandémie, l’accélération devient inouïe. Cette relation apparait lorsque la panique a pris le dessus et les gens vendent massivement tous leurs placements sans raisonnement envers le risque réel.

 

Je ne crois pas me tromper en disant que le mois de janvier qui vient de se terminer a été pour le moins turbulent. Bien qu’aucun évènement externe n’ait eu lieu, la hausse prévue des taux d’intérêt a grandement fait réagir les investisseurs. Les tensions en Ukraine ont probablement exacerbé le tout, mais il est assez clair que nous avons vu, et voyons encore de la panique sur les marchés.

 

“Il y a toujours une raison de s’inquiéter lorsqu’on possède des actions” Warren Buffet[1]

 

Je vous demande maintenant d’imaginer pour un instant que vous vous retrouvez en 1919. À ce moment, la 1re guerre mondiale terminée a laissé une Europe ravagée et son économie faible. Avec tout ça en tête, je vous offre d’acheter des parts dans une compagnie de breuvage pétillant et caféiné à 40$ l’action.

Les 25 années suivantes vous auraient apporté la grippe espagnole, la dépression de 1929, la panique bancaire de 1931, la Deuxième Guerre mondiale, la chute de la France et Pearl Harbor. Des évènements tragiques et qui auraient fait paniquer des gens bien plus téméraires.

 

Cependant, de l’autre côté, vous auriez aussi vu votre compagnie passer de 9 000 gallons de vente à 390 000 gallons seulement dans les dix premières années. En 1931, l’entreprise aurait commencé une des plus grandes campagnes publicitaires de sa génération en liant son produit avec l’image du père Noël.  Durant la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement américain aurait exigé de votre compagnie que chaque soldat américain ait accès à vos boissons pour soutenir le moral des troupes. Par ailleurs, depuis votre achat, votre dividende n’a jamais été réduit ou coupé, peu importe les évènements[2].

 

Vous avez sans doute deviné que je parle ici de Coca-Cola.  Bien que le centenaire entre votre « achat » et aujourd’hui fut particulièrement mouvementé, il n’y aurait jamais eu de bon moment pour vendre votre compagnie.  

 

Comment savoir si votre compagnie est un Nortel ou un Coca-Cola? Demandez-vous simplement, sans vérifier sur internet, ce que vendait Nortel et ce que vendait Coca-Cola en 2001.  Comme le disait Yogi Berra « Vous pouvez observer beaucoup simplement en regardant! ».

 

L’outil le plus utile pour un investisseur est son estomac et non sa tête. Il faut se souvenir que bien que vous ayez des sentiments envers les entreprises que vous possédez, les actions que vous avez eues ne savent pas que vous en êtes propriétaire. Dans le passé, j’ai personnellement trouvé qu’un bon verre de Coca-Cola Zéro m’a toujours permis de garder la tête froide dans ses moments.

 

[1] CNBC (2020, 24 février) Watch CNBC's full interview with Berkshire Hathaway CEO Warren Buffett [Vidéo] YouTube https://www.youtube.com/watch?v=JvEas_zZ4fM&t=5501s&ab_channel=CNBCTelevision

[2]  125 years of Sharing happiness (2/2/2022) The Coca-Cola Compagny, https://www.coca-colacompany.com/content/dam/journey/us/en/our-company/history/coca-cola-a-short-history-125-years-booklet.pdf