La valeur d’un sou.

04 août 2020 | Elie-Chakib Abou-Chacra


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Je vous propose aujourd’hui le choix entre 1,000,000 $ ou 1¢. Avant de répondre trop vite sachez que le 1¢ doublera tous les jours pour un mois, garantie! Dans cette situation, vous obtenez immédiatement le 1MM$, mais vous ne pouvez pas l’investir. Il dormira dans votre compte pour les prochains 31 jours. Prenez un instant pour y penser.

Sans vous vendre la mèche, le 1¢ sera plus élevé que le 1,000,000$, sinon à quoi bon vous en parler? Cependant, de combien cette opportunité sera plus intéressante? Au fond, si la différence n’est que 200$ de plus, peut-être que le jeu n’en vaut pas la chandelle. D’ailleurs, j’aurais un certain plaisir à voir 1,000,000$ dans mon compte, assez pour oublier le 200 $ supplémentaire!

Mais voilà qu’un sou au bout de 31 périodes vaudra 10,737,418$ ! Encore plus impressionnant que les gains eux-mêmes, ce sont les apprentissages tirés de cet exercice.

Dans un premier temps, nous avons ici une force incroyable en action, intérêt composé! Concrètement, ce sou vaut 0.64$ au bout d’une semaine, 81.92$ à la fin de la deuxième et à la fin de la 21e journée il vaut 10,485.76$. En fait, ce n’est qu’à la 28e journée que nous dépassons 1,000,000$. L’intérêt composé est simplement la capacité de faire de l’argent avec de l’argent.

Le deuxième point, garant du succès de l’exercice est la patience! Imaginez qu’au bout de la 2e semaine, en regardant votre sou magique valant 81.92$, vous perdiez foi ou preniez peur sur la condition économique générale. En panique, vous vendez le sou au premier passant. Vous ne saurez pas ce que vous avez manqué, mais le coût sera quand même énorme!

J’aime bien regarder comment les grands du domaine ont introduit ces principes dans leur gestion de portefeuilles.

Comme l’écrit Peter Lynch, au sujet des entreprises qui constituaient son portefeuille : « Vendre mes bonnes compagnies pour investir dans mes médiocres, équivaut à couper les fleurs pour arroser les mauvaises herbes ». Dans un portefeuille, si vous détenez une entreprise exceptionnelle, sans dette et ayant d’excellentes perceptives, vous découvrirez rapidement que le temps fera des miracles pour vous! Malheureusement, la pression viendra de toute part pour vendre cette entreprise. Il y a toujours une bonne raison pour vendre une compagnie, que ce soit la politique, la condition économique ou même de nouvelles opportunités.

Il existe à mon avis, certaines raisons bien spécifiques pour vendre une entreprise. La première est la gestion du risque. L’incertitude étant la monnaie courante pour les investisseurs, le succès ou l’échec d`une entreprise ne devrait jamais anéantir vos objectifs financiers. La deuxième est le changement de la réalité de l’entreprise. Par cela, je veux dire la capacité de croître la valeur de l’entreprise à travers le temps. Rares sont les entreprises centenaires, et plus rare encore sont les entreprises qui conservent les mêmes opportunités pour les 30 à 50 prochaines années.

Le principal problème lorsqu’on vend une société est la question de la remplacer! Imaginez que je vous offre réellement le 1¢ magique. Votre réel problème sera qu’au bout du mois, il ne sera plus capable de doubler. Vous devrez donc essayer de trouver une autre opportunité comme celle-ci. Vous avez ma parole qu’elle ne court pas les rues!

Notre expérience nous a appris à nous concentrer à comprendre les entreprises avec lesquelles nous travaillons. Nous mettons de côté le bruit fait par les nouvelles, les analystes, ou les économistes. Ceci nous permet de garder les yeux sur la croissance, l’avantage comparatif et la capacité de composer de nos entreprises.

Simplement, gardons en tête ce qu’un banal sou peut représenter en seulement 30 jours.