Revue des marchés : L’étau de la volatilité se resserre

10 mars 2020 | Par Kelly Bogdanova et Mark Bayko, CFA


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Quelques perspectives prometteuses dans la crise du coronavirus.

oil pumps at sunset sky background

Les événements, tant favorables que défavorables, liés à la propagation du virus, se produisent rapidement.

  • En ce qui concerne les aspects favorables, Eric Lascelles, économiste en chef, RBC Gestion mondiale d’actifs Inc., estime qu’en Chine, l’amélioration est tout simplement remarquable. Le rythme des nouveaux cas d’infection a fortement ralenti, et puisque des dizaines de milliers de personnes ont été déclarées non porteuses du virus, le nombre de celles qui sont actuellement infectées est tombé sous la barre des 19 000 sur les quelque 81 000 personnes initialement atteintes. Selon M. Lascelles, « la Chine, qui représente 77 % des cas à l’échelle mondiale, a réussi à contenir la maladie et est en voie de relancer son économie. Voilà qui est certainement de bon augure pour le reste du monde ».

    Il ajoute qu’il est « très encourageant de voir que la Corée du Sud semble aussi commencer à maîtriser l’épidémie. Après avoir atteint un plafond de plus de 800, le nombre de nouveaux cas par jour en Corée a maintenant fléchi à moins de 400 et diminue de façon constante ».

    À l’extérieur de l’Asie, les taux d’infection s’accroissent, ce qui nous semble préoccupant. Les mesures d’isolement et les mises en quarantaine ont considérablement augmenté en Italie, ce qui devrait désormais contribuer à contrer la propagation du virus dans ce pays. Les taux d’infection pourraient toutefois continuer de progresser dans d’autres pays, y compris aux États‑Unis, en raison de l’amélioration des méthodes de divulgation et de dépistage. Il pourrait être nécessaire de resserrer les mesures de confinement en Amérique du Nord et en Europe afin que le taux d’infection dans ces régions commence à diminuer.

Appel à l’action pour la Fed

Les marchés des actions et du pétrole brut ont accaparé une large part des manchettes, mais le marché des titres à revenu fixe est celui qui a enregistré des variations historiques.

  • Le 9 mars, toute la courbe des taux des titres du Trésor américain, allant des bons à court terme aux obligations à 30 ans, se trouvait sous la barre de 1,0 %, étant donné que les investisseurs du monde entier se sont rués vers la sécurité relative des obligations américaines. Les taux des titres du Trésor à dix ans et à 30 ans sont descendus jusqu’à 0,3137 % et 0,6987 % respectivement au milieu de la séance de négociation. Le même jour, le taux des obligations d’État allemandes à dix ans a brièvement touché un creux de ‑0,907 %.

    Compte tenu des bas niveaux atteints par les taux des titres du Trésor, Tom Porcelli, économiste en chef, États‑Unis à RBC Marchés des Capitaux, SARL, a déclaré que personne ne serait surpris si la Réserve fédérale (Fed) abaissait encore le taux des fonds fédéraux, le faisant passer à une fourchette de 0,00 % à 0,25 % après une diminution de 100 points de base. Même s’il croit qu’une telle baisse de taux n’aurait pratiquement aucune incidence sur l’économie dans un contexte de craintes liées au coronavirus, il juge que, si une baisse d’une telle ampleur permettait à la Fed de prouver qu’elle offre toute l’aide possible et d’accentuer la pression pour que le gouvernement fédéral intervienne en accroissant ses dépenses budgétaires, la Fed passera à l’action. Selon M. Porcelli, l’octroi de prêts‑relais aux sociétés et aux petites entreprises, qui pourraient être gérés par la Fed (par l’intermédiaire du système bancaire) et garantis par le Trésor, représenterait un bon début.

    Le 9 mars, l’administration Trump a annoncé qu’elle rencontrerait les législateurs pour discuter d’une aide aux Américains financièrement éprouvés à cause des risques liés au coronavirus et aux entreprises durement touchées, y compris les petites entreprises. Cette nouvelle nous semble un pas dans la bonne direction.

Pleins feux sur le marché du crédit 

Outre les mesures de relance budgétaire fort nécessaires et l’évolution des taux des obligations d’État, nous surveillons de près ce qui se passe sur le marché des obligations des sociétés.

  • Après des années marquées par une diminution tendancielle des taux des obligations de sociétés, diverses mesures des coûts d’emprunt ont rapidement grimpé au cours des derniers jours. Il s’agit d’un fait remarquable, étant donné que l’augmentation des coûts d’emprunt signifie que les investisseurs exigent une rémunération supérieure à celle offerte par les obligations d’État pour compenser les risques qu’ils prennent (primes de risque plus élevées), compte tenu du fait que les taux des titres d’État ont récemment reculé à des creux records.

    Les sociétés dont le profil de crédit est peu solide et celles qui appartiennent à certains secteurs aux prises avec des problèmes particuliers, comme l’énergie et le divertissement, sont celles qui ont été touchées le plus durement jusqu’à présent. Cependant, il est possible que d’autres sociétés éprouvent pendant un long moment des difficultés à obtenir un financement à des conditions raisonnables. Une telle évolution pourrait avoir des conséquences importantes sur l’ensemble de l’économie et laisser supposer que les sociétés cherchant à refinancer leur dette qui arrive à échéance devront accepter des coûts d’emprunt plus élevés.

Pétrole : une longue lutte ? 

Depuis le début de l’année, le marché du pétrole brut a subi une série de revers liés, directement ou indirectement, à l’épidémie de coronavirus. Cette situation contribue aux risques économiques dans de nombreux pays fortement tributaires du pétrole.

  • Premièrement, le prix du brut a baissé lorsque le coronavirus a intensifié les risques planant sur la croissance économique mondiale.

    Deuxièmement, il a reculé davantage lorsque les propositions divergentes de l’Arabie saoudite – visant une nouvelle réduction de la production à cause des risques économiques liés au coronavirus – et de la Russie – visant à conserver les limites de production actuelles – n’ont pas obtenu de soutien lors de la récente réunion de l’OPEP+. En l’absence d’une prolongation ou d’une nouvelle entente, les limites de production actuelles cesseront d’être en vigueur le 31 mars.

    Troisièmement, le prix du brut a reculé encore plus lorsque l’Arabie saoudite, en réaction à l’impasse lors de la réunion de l’OPEP+, a fortement baissé le prix du pétrole qu’elle produit en vue d’accroître sa part de marché, et a annoncé son intention d’accroître considérablement sa production. Cette décision a eu pour effet de faire plonger le prix du brut WTI d’environ 25 % le 9 mars, à 31,13 $ le baril. Il s’agit de sa plus forte baisse quotidienne en pourcentage depuis la guerre du Golfe de 1991. Pour sa part, le brut de Brent a reculé à 34,36 $ le baril. Au début de l’année, les prix de ces deux références pour le pétrole s’établissaient respectivement à 61,06 $ et à 66,00 $ le baril.

    Ni les Saoudiens ni les Russes n’ont fermé la porte à une coopération, mais nos analystes sont sceptiques. Selon l’équipe des produits de base de RBC Marchés des Capitaux, les dirigeants de l’OPEP conservent l’espoir que l’effondrement des prix servira de catalyseur à une réconciliation des deux poids lourds du secteur pétrolier, mais le président Poutine pourrait ne pas baisser les bras si rapidement. L’équipe craint que cette lutte se prolonge, étant donné que la stratégie de la Russie semble cibler non seulement les sociétés américaines de pétrole de schiste, mais aussi la politique de sanctions coercitives que l’abondance d’énergie aux États‑Unis a permise.

    Selon nos ressources de recherche, le prix d’équilibre du pétrole des pays membres de l’OPEP est supérieur à 50 $ le baril, ce qui porte à croire que les pays producteurs enregistreront un déficit budgétaire si les prix actuels du pétrole se maintiennent. Nous prévoyons que la plupart des producteurs pétroliers du monde devront réduire fortement leurs projets de production et de dépenses en immobilisations.

Actions canadiennes et huard

  • Sans surprise, le récent plongeon des prix du pétrole a durement touché le marché boursier canadien, qui s’est laissé distancer par les marchés mondiaux. Le ratio cours‑bénéfice prévisionnel des actions canadiennes, représentées par l’indice composé S&P/TSX, est tombé à 12,9x, contre 15,1x en début d’année et une moyenne à long terme de 15,5x. Bien que les valorisations soient plus intéressantes, nous recommandons aux investisseurs de rester sur la défensive, étant donné que les risques économiques et les perspectives des bénéfices se sont nettement orientés à la baisse.

    Au Canada, la surreprésentation de certains secteurs (l’énergie et la finance forment 44 % du marché) engendre des défis particuliers. Comme on peut difficilement savoir comment évolueront l’épidémie de COVID‑19 et la guerre mondiale des prix du pétrole, nous sommes conscients du risque que les perturbations de l’activité économique durent plus longtemps et nuisent plus durablement à l’économie canadienne que ce que les marchés prévoient actuellement. Nous suggérons aux investisseurs de se tourner vers les marchés étrangers pour accéder à des secteurs sous‑représentés au pays.

    La stabilité des bilans deviendra probablement la principale priorité des sociétés liées à l’énergie, et devrait aussi être celle des investisseurs qui les choisissent. Ces sociétés réduiront vraisemblablement leurs plans de production et leurs investissements ; certaines d’entre elles pourraient même se voir obligées de revoir leur politique sur les dividendes afin de renforcer leur bilan.

    Le secteur bancaire reste le plus important au Canada. Il captera l’attention des investisseurs qui évalueront l’incidence de la faiblesse des taux d’intérêt, le recul éventuel de l’activité économique globale et la place que le secteur pétrolier et gazier occupe dans les portefeuilles de prêts. Bien que cette dernière semble raisonnable, les investisseurs doivent s’attendre à ce que les banques accroissent leurs provisions pour prêts douteux en prévision des pertes que pourrait provoquer une faiblesse prolongée des prix du pétrole. Nous sommes rassurés par le fait que les banques canadiennes jouissent d’une excellente situation du capital leur permettant d’absorber ces pertes. En outre, les rendements en dividendes, qui vont de plus de 4 % à 6 %, offrent un certain soutien, en particulier par rapport à des taux obligataires extrêmement bas. Toutefois, les investisseurs qui misent sur ce secteur devront se montrer patients et prêts à tolérer le niveau de volatilité que nous anticipons pour la présente période de grande incertitude.

    Comme on pouvait s’y attendre, le dollar canadien a perdu du terrain de concert avec le marché boursier, plus précisément à cause de la chute récente des prix de l’énergie. Il pourrait rester sous pression tant que les perspectives de l’économie canadienne, et celles du secteur énergétique en particulier, ne seront pas plus claires.

Conclusion

La santé de l’économie américaine, plus particulièrement la question de savoir si une récession aura lieu ou non, joue un rôle déterminant dans les prévisions relatives aux marchés boursiers mondiaux.

  • Avant que les marchés financiers commencent à ressentir les effets de l’épidémie de coronavirus, on s’attendait à une croissance positive de l’économie mondiale et des bénéfices. À présent, des risques de baisse pèsent sur nos prévisions macroéconomiques, étant donné que l’épidémie et les difficultés connexes liées au pétrole brut devraient freiner l’activité. Reste à savoir combien de temps ces deux facteurs se manifesteront et quelle sera l’ampleur de leur incidence.

    Dans l’immédiat, M. Lascelles croit que l’économie américaine pourrait connaître un trimestre de recul en raison des perturbations associées au coronavirus, mais qu’elle devrait parvenir à enregistrer une modeste croissance au cours des trimestres voisins, étant donné son taux de croissance naturel plus élevé. La récession serait ainsi évitée.

    Si l’économie américaine n’entre pas en récession en 2020, nous pensons que, d’ici la fin de l’année, la plupart des marchés boursiers devraient progresser sensiblement par rapport à leurs niveaux de correction actuels. La probabilité d’une évolution économique défavorable est toutefois plus élevée qu’au début de l’année.

    Au cours des jours et des semaines à venir, nous réévaluerons régulièrement notre position à l’égard des marchés d’actions et de titres à revenu fixe en fonction de l’évolution des risques.


Déclarations exigées

Ressources pour les recherches

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