2024: Rotation sectorielle en vue

24 octobre 2024 | Alain Daaboul


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Les marchés financiers sont en train de réaliser une excellente performance pour une 2e année consécutive. Cette performance peut s’avérer surprenante, compte tenu de la faiblesse de l’économie et des perspectives économiques qui ont évolué à plusieurs reprises en cours d’année.

En début d’année, les marchés ont fortement augmenté, car les investisseurs estimaient que les taux d’intérêt allaient baisser considérablement en 2024 et que l’économie resterait robuste. Cette hausse a été largement alimentée par les performances des entreprises technologiques liées à l’intelligence artificielle.

En milieu d’année, le marché est revenu sur terre, ne prévoyant presque plus de baisses de taux en raison de la solidité des données économiques. Les titres cycliques ont chuté, tandis que les secteurs défensifs, comme la consommation courante et la santé, ont pris la tête du marché.

Depuis début août, le marché réagit positivement aux données économiques et au ralentissement de l’inflation. Les marchés ont de nouveau fortement progressé, mais cette fois-ci, la hausse est mieux répartie entre les secteurs, et les leaders ne sont plus les mêmes qu’auparavant.

Dans nos dernières lettres financières, nous soutenions qu’il serait judicieux d’adopter une stratégie plus agressive alors que l’inflation et les taux d’intérêt atteignaient leur apogée. De plus, il y a environ 2 ans, les investisseurs étaient très pessimistes, ce qui était un excellent signe selon nous. Cela prouve encore une fois que notre stratégie d’investir à contre-courant est souvent payante.

Nos portefeuilles affichent un rendement très proche de leurs indices de référence en 2024. Après avoir largement surperformé entre 2021 et 2023, notamment en 2022 lorsque les marchés financiers ont chuté d’environ 15%, nous avons enregistré une performance absolue élevée ces dernières années, et un rendement d’environ le double de celui de nos indices.

Transactions dans nos portefeuilles

Le début d’année a poursuivi la lancée amorcée à la fin de 2023. En début d'année, nos 10 plus grandes positions étaient toutes à leur niveau le plus élevé des dernières années. Nous commencions à les trouver dispendieuses. Bien que nous aimions toujours la majorité de ces entreprises, nous avons pris des bénéfices dans certains secteurs, notamment l’énergie et la technologie. Nous avons augmenté nos liquidités et des positions défensives, comme la santé, l’or et les services publics.

Avec la forte hausse du secteur technologique au premier semestre, en particulier dans les grandes entreprises liées à l’intelligence artificielle, nous avons sous-performé pendant les derniers mois du premier semestre.

Cependant, entre juin et septembre, face à la baisse des marchés, nous avons acheté des titres que nous considérons comme abordables et capables de devenir des leaders du prochain cycle boursier. Ces nouveaux titres incluent Raytheon, Wynn Resorts et Medtronic. D’autres titres, que nous avions vendus en début d’année, ont été rachetés à des niveaux plus bas. Par exemple, notre plus grande position en début d’année, Salesforce, a été vendue à 310 $ en mars, avant d’être rachetée à 236 $ trois mois plus tard après un trimestre décevant. Actuellement, l’action se négocie autour de 288 $.

Notre plus grande position actuelle est Uber, achetée pour la première fois à 30 $ à l’été 2022, après leur premier bon trimestre en plus de deux ans, et que n’a jamais été vendue. Elle a été augmentée à plusieurs reprises lorsque l’action baissait sans raison, la dernière fois en septembre à 68 $. Elle se négocie actuellement à 81 $.

 

Ces ajustements ont porté fruit, car nous avons surperformé nos indices de référence depuis le début du dernier cycle haussier, démarré il y a deux mois.

 

Données économiques

 

Les prévisions économiques changent fréquemment au cours d’une année, mais 2024 s’est avérée encore plus volatile que d’habitude. Ce qui est clair aujourd’hui, c’est que l’inflation dans les pays développés a diminué à près de 2 %, après avoir atteint un sommet de 7,9 % à la fin de 2022. Il s’agit de la plus forte baisse depuis le début des années 1980, expliquée par un retour à l’équilibre entre l’offre et la demande après la pandémie. Ce ralentissement de l’inflation a entraîné une baisse des taux d’intérêt dans le monde, et, en grande partie, alimenté la hausse des marchés.

Cette baisse des taux d’intérêt semble se faire de manière lente et ordonnée, car le consommateur américain continue de surprendre par sa résilience, soutenu par un niveau d’emploi élevé et une hausse des salaires supérieure à l’inflation. De plus, il a été peu affecté par les taux d’intérêt élevés, car seulement 11% de ses dettes sont à taux variables, et ses échéances sont longues.

Le consommateur américain reste crucial, représentant 34 % de la demande de consommation mondiale. En comparaison, le consommateur chinois, qui est le second plus grand acteur, ne représente que 10 % de cette demande. Ce dernier est d’ailleurs sous forte pression, car une grande majorité de ses avoirs nets est dans l’immobilier, qui est au plus bas depuis neuf ans.

Au Canada, la situation est plus difficile qu’aux États-Unis. Le PIB canadien par habitant a diminué de 5 % depuis deux ans, tandis que l’immigration masquait de grands problèmes structurels. Les Canadiens sont plus touchés par la hausse des taux d’intérêt et montrent une confiance plus faible. Le taux d’épargne est à près de 8 %, son plus haut niveau depuis 1996 (hors pandémie). De plus, le secteur manufacturier canadien est en baisse de 4 % depuis un an.

Bien que l’inflation ait fortement diminué, nous restons sceptiques quant à une stabilisation à moins de 2 % à long terme. Nous doutons également que les fortes baisses de taux d’intérêt attendues (huit dans l’année à venir) se concrétisent. Le consommateur américain reste résilient, et le ralentissement de l’inflation a été facilité par la baisse des prix de l’essence de 10 % depuis un an. Les banques centrales, quant à elles, continueront de surveiller de près la situation pour éviter une reprise de l’inflation.

Rendements des revenus fixes

En 2021, nous écrivions que les revenus fixes représentaient une des plus grandes bulles de l’histoire avec certaines obligations rapportant moins de 1 % pendant 50 ans. Les deux années suivantes ont validé cette analyse, le secteur ayant chuté de 20 %. Au troisième trimestre de 2023, nous avons consacré une lettre financière à l’opportunité dans le secteur, en particulier pour les comptes taxables. Ce secteur a bien performé depuis, grâce à la baisse des taux d’intérêt.

Cependant, nous pensons que la majeure partie de cette hausse est derrière nous. Depuis quelques mois, bien que l’inflation et les taux d’intérêt aient diminué, les prévisions d’inflation à long terme sont restées stables. En outre, une forte baisse des taux à court terme pourrait relancer l’inflation à long terme. L’écart entre les obligations corporatives et gouvernementales est au plus bas depuis 2005, indiquant que les investisseurs sont trop optimistes dans ce secteur.

Nous continuons de trouver des obligations à escompte avec un rendement raisonnable après impôt, mais sommes désormais plus prudents, en privilégiant les titres à court terme et de haute qualité.

Rotation sectorielle en vue

Les marchés financiers, surtout depuis deux mois, ont repris confiance. Cette hausse est soutenue par un cycle d'assouplissement des taux d’intérêt, de fortes annonces de stimulations économiques en Chine, des marchés du crédit stables et la présence de 9 trillions de dollars dans des fonds monétaires à l’échelle mondiale.

Depuis juillet, à notre grand bonheur, le leadership du marché s'est éloigné des grands titres de technologie. Nous estimions que ces titres présentaient des signes de bulle, car sept entreprises technologiques représentaient 71 % de la hausse du marché américain au premier semestre, un chiffre sans précédent. Ces entreprises se négocient à 45 fois leurs bénéfices, un niveau insoutenable, tandis que le reste du marché est à moins de 20 fois. Moins de 20 % des actions ont surperformé l’indice américain au premier semestre, le plus bas en 50 ans. Ce dernier est devenu un indice technologique, avec 50 % de son poids dans ce secteur.

Le marché oublie souvent qu’il y a un renouvellement fréquent des plus grandes entreprises mondiales. Par exemple, 52 % des 500 plus grandes entreprises en 2000 n’existent plus. Depuis un siècle, seulement 20 % des 10 plus grandes entreprises du monde le demeurent 10 ans plus tard.

De nouveaux leaders émergent depuis juillet, et nous nous attendons à ce que cette tendance se poursuive. Ces secteurs incluent notamment la santé, qui est historiquement le meilleur secteur lorsque les taux d’intérêt diminuent lentement, ainsi que certains secteurs cycliques qui bénéficient de la résilience du consommateur américain.

Les actions canadiennes devraient bien performer lors du prochain cycle. Elles sont beaucoup plus abordables que leurs homologues américaines et profitent de la baisse du dollar canadien et du consommateur américain, car une grande partie de leurs ventes provient des États-Unis.

Les centres de données et les voitures électriques génèrent une forte hausse de la consommation d’électricité. On estime que la demande d’électricité pourrait doubler d’ici 25 ans, et que 40 % de cette demande proviendra des centres de données d’ici 2030. Si cela se concrétise, de nouvelles industries pourraient très bien performer.

Positionnement de nos portefeuilles

Depuis le début d’année, nous nous positionnons pour faire face à cette rotation sectorielle. Nous sommes satisfaits de la composition actuelle de notre portefeuille et estimons qu’il performera bien lors du prochain cycle boursier.

À court terme, nous restons très sélectifs dans nos choix et maintenons des liquidités. Il est plus difficile de trouver des titres à des prix raisonnables tout en respectant nos critères d'achat. Les investisseurs sont aujourd’hui un peu plus confiants que la moyenne. Le marché anticipe huit baisses de taux d’ici un an et une croissance des profits de 18 % en 2025, ce qui nous semble trop optimiste.

 

De plus, il persiste des incertitudes dans le monde, notamment avec l’élection présidentielle américaine et les tensions au Moyen-Orient. Nous avons d’ailleurs surpondéré le secteur de l’énergie à nouveau. Bien que les perspectives fondamentales du secteur ne soient pas particulièrement positives, nous l’utilisons dans notre gestion des risques comme une assurance au cas où la situation au Moyen-Orient se détériorerait.

Comme dans le passé, nous privilégions des actions faciles à comprendre, leaders dans leur industrie, avec de bonnes marges de profit, et capables de les maintenir. Nous resterons très actifs pour nous adapter aux conditions changeantes du marché.