Les actions surperforment, le pessimisme s'installe

18 janvier 2022 | Alain Daaboul


Partager

L’année 2021 a été excellente sur les marchés financiers, et nos portefeuilles ont eu la meilleure performance des dernières années. Cette performance cache des disparités. Les marchés nord-américains ont bien fait grâce aux commodités et aux grandes entreprises de technologie, tandis que les revenus fixes, les marchés européens et les marchés émergents ont sous-performé.

Ce marché haussier a été accueilli avec énormément de scepticisme et peu d’investisseurs ne l’avait prédit. La volatilité a été très forte à cause du virus, de l’inflation et des pénuries de pièces et de main d’oeuvre. La confiance des consommateurs et des investisseurs n’a cessé de chuter au cours de l’année et était en décembre au même niveau qu’en mars 2021, ce qui ne fait aucun sens. Les marchés ont beaucoup remonté depuis et nous avons un vaccin qui sauve des vies. Cela peut s’expliquer par la fatigue des gens après 2 ans de pandémie et les mauvaises nouvelles véhiculées continuellement par les médias. Mais ce pessimisme et cette peur augurent bien pour 2022.

Les profits des entreprises ont été en grande partie au rendez-vous, grâce à la réduction des coûts faite en 2020 et à la hausse de la demande au deuxième semestre. Il faut noter que le rendement n’a pas été uniforme. À la fin 2021, il y avait deux fois plus d’actions au plus bas de l’année, qu’au plus haut.
Les leaders de 2021, surtout en technologie qui ont profité de la pandémie, ont sous-performé dans les derniers mois lorsque les investisseurs ont réalisé que leurs hausses de revenu étaient temporaires. Ils ont été remplacés par des titres de reprises. À chaque trimestre, les titres de reprises ont mieux performé que ceux qui profitaient du confinement. Cette différence s’est amplifiée en décembre 2021, après la peur occasionnée par le nouveau variant qui a duré une semaine sur les marchés financiers. Notre performance s’explique en grande partie par une grande activité dans les portefeuilles et notre positionnement dans des actions de reprise qui génèrent de bons profits.

Situation économique

La grande majorité des indicateurs économiques demeurent positifs. L’économie et les profits des entreprises sont en train de progresser. Les épargnes des consommateurs n’ont jamais été aussi élevées et ces dernières seront investies ou consommées, surtout avec les taux d’intérêt qui demeurent historiquement bas. D’ailleurs, la consommation a rebondi beaucoup plus rapidement que lors des récessions précédentes.

Les ordres durables des entreprises ont fortement augmenté pour répondre à la demande, d'autant plus que les équipements n’ont jamais été si vieux. De plus, les inventaires du secteur du détail par rapport aux ventes sont à un bas historique.

Tout cela est très positif pour l’économie mais occasionne une très forte poussée de l’inflation. Les banques centrales disent depuis plus d’un an que cette inflation sera temporaire et nous sommes en désaccord, d’où notre positionnement dans des titres de reprise. Les gouvernements ont dit cela pour privilégier la croissance. De plus, garder les taux d’intérêt bas aide à réduire leur ratio Dette/PIB, comme dans les années 40 après la Seconde Guerre mondiale. Les banques centrales devront augmenter les taux d’intérêt plusieurs fois en 2022 afin de ralentir l’inflation car cette dernière ne semble pas transitoire. L’inflation n’est pas causée uniquement par la poussée de la demande, mais aussi par une pénurie de la main d’oeuvre et de matériel. Cela prendra sûrement quelques années pour que l’offre puisse répondre à la demande.

Les banques centrales vont s’assurer de ne pas augmenter les taux d’intérêt trop rapidement et l’inflation devrait rester plus élevée que la moyenne des dernières années, ce qui sera positif pour les actions. Le bas taux de chômage, les salaires qui s’accélèrent et les épargnes élevées devraient aider à faire face à cette hausse de taux d’intérêt. De plus, les liquidités des entreprises sont aussi au plus haut et leur endettement au plus bas.

Risques à court terme

S’il y a une certitude pour 2022, c’est que la volatilité va demeurer et que les marchés boursiers ne vont pas bouger en ligne droite. Il reste beaucoup d’incertitude avec la pandémie, les pénuries de toute sorte ainsi que la forte inflation et la hausse des taux d’intérêt prévues.

Personne n’ose prédire la fin de l’augmentation de l’immobilier canadien mais son niveau semble élevé. La part de la construction résidentielle dans le PIB n’a jamais été si élevée, plus du double qu’il y a 10 ans. Les loyers et les revenus des particuliers n’ont pas suivi. La part de l’immobilier acheté par des investisseurs n’a jamais été aussi grande et celle des paiements hypothécaires est au même niveau qu’il y a 20 ans même si la valeur des hypothèques a doublé. Il est probable qu’une partie de la hausse de l’immobilier est due à la baisse des taux d’intérêt.

La hausse des taux d’intérêt et l’inflation sont aussi très négatives pour les revenus fixes et les titres de croissance qui ne font pas de profit. Les Canadiens détiennent des centaines de milliards d’obligations qui sont assurés d’avoir un rendement négatif après impôt et inflation. Enfin, 70% des compagnies de croissance sur le marché boursier américain perdent de l’argent. Le plus haut niveau précédent était de 60% en 2000. Lorsque les taux montent, ces titres baissent.

Enfin, la Chine a été longtemps le plus grand vecteur de croissance dans le monde. Ce n’est plus le cas depuis quelques années. La Chine a ralenti et on y observe une hausse de la réglementation et une approche plus restrictive face à la pandémie. Le gouvernement chinois pourrait intervenir pour relancer l’économie mais semble de plus en plus agressif sur la scène internationale et pourrait causer des problèmes géopolitiques, comme la Russie le fait depuis quelques années. Cette dernière et le Moyen-Orient demeurent un risque aussi. Enfin, la forte hausse de l’inflation et de la nourriture pourrait causer des problèmes sociaux dans plusieurs pays émergents.

Positionnement de nos investissements

Nous sommes surpondérés les actions ainsi que les compagnies qui vont bénéficier de la reprise économique. Nous favorisons les titres qui sont dans de bons thèmes pour les prochaines années, pourront augmenter leurs prix pour faire face à l’augmentation de leurs dépenses tout en générant de bons flux de trésorerie. On essaie d’éviter les actions qui ne font pas de profits et se transigent à des valorisations trop élevées.
La moitié de nos actions sont investies au Canada. L’économie américaine est maintenant le plus grand contributeur de croissance dans le monde. La bourse canadienne va en profiter et détient une grande part de compagnies associées à des titres de reprise économique. Il est facile pour les investisseurs de favoriser le marché boursier américain. Depuis 10 ans, il a quadruplé tandis que le marché canadien a doublé et que les marchés émergents n’ont rien fait. En 2010, personne ne voulait investir aux États-Unis parce que le marché américain n’avait pas bougé entre 2000 et 2010 tandis que le marché canadien avait doublé. À l’époque, le marché américain était très diversifié tandis que 75% du marché canadien était dans le secteur financier et les commodités. Aujourd’hui, la situation est tout autre. Près de la moitié de l’indice américain est relié à la technologie. Il est primordial de bien diversifier et d’investir à contre-courant.
Voici un résumé de notre positionnement actuel par secteur.

Commodités : Énergie et Matériaux

Les commodités sont un des grands gagnants de la reprise. Ils représentent environ 15% des indices nord-américains et nous en détenons environ 25%, majoritairement au Canada.
Le prix moyen des commodités s’est divisé par 6 entre 2008 et 2020 et a doublé depuis 18 mois. Les commodités bénéficient d’une demande élevée et de l’offre qui n’arrive pas à suivre.
Le pétrole, qu’on annonçait comme fini en avril 2020, lorsqu’il a atteint 5$, a fini l’année à 75$. Sa consommation sera au plus haut en 2022 malgré la faiblesse du secteur aérien. Nos nouvelles habitudes de vie prises lors de la pandémie (commerce électronique, éloignement des villes) le supportent. De plus, la transition énergétique sera très compliquée. Elle nécessitera d’énormes investissements et l’énergie propre ne peut pas encore être bien entreposée. Les investissements dans le pétrole n’ont jamais été aussi bas car les compagnies se méfient de la transition énergique et ont été échaudées par des années de bas prix. La part du pétrole dans l’économie est bien plus basse que dans le passé et son augmentation devrait moins affecter l’économie.
Nous détenons des producteurs d’énergie et des oléoducs canadiens, qui vont générer d'énormes profits cette année et vont les redonner aux actionnaires. Notre plus grosse position, Suncor, a été achetée en août et est en hausse de 40% depuis. Les plus grands producteurs d’énergie renouvelable au Canada sont les compagnies d'énergie actuelles et il est probable que cela devienne la majorité de leurs revenus dans quelques années.
Les matériaux bénéficient aussi d'une forte demande et de la production qui ne suit pas.
Notre plus grosse position au Canada est Nutrien, dans l’agriculture. Le titre a progressé de 32% en 2021 et a doublé depuis notre achat en été 2020.
Nous détenons aussi beaucoup de Canfor, un producteur de bois. Il a progressé de 48% en 2021 et a triplé depuis notre achat en mai 2021. Le bois est un excellent moyen pour contrer l’inflation et le secteur n’est pas populaire. Canfor se transige à 3 fois les profits, car les investisseurs semblent croire que le bois va rebaisser. Mais il manque beaucoup de logements dans le monde et leur âge moyen n’a jamais été si élevé.
Nous avons aussi acheté des compagnies reliées aux matériaux de base au cours de 2021. La transition énergétique et l’infrastructure en auront beaucoup besoin.

Industriels et Consommation discrétionnaire

Le secteur industriel et la consommation discrétionnaire devraient aussi bien faire.
Dans ce secteur, nous avons acheté plusieurs titres reliés à l’automobile et au voyage ces derniers mois. Nous croyons que ces 2 industries vont très bien performer en 2022.
Le secteur de l’automobile a vu ses ventes diminuer fortement malgré une demande élevée, comme en fait foi le prix élevé des voitures usagées. Le problème vient d’une pénurie des puces électroniques, qui représentent maintenant 40% du coût des voitures. Il y a une grande pénurie de puces et comme le secteur automobile ne représente que 11% de leur demande, ils n’ont pas la priorité des ventes. Nous croyons que ces problèmes commenceront à être réglés en 2022.
Les voyages sont en haut de la liste de toute personne lorsqu’on pourra revivre normalement. Comme la capacité n’a pas augmenté, les prix risquent de le faire, ce qui ne devrait pas déranger les gens fortunés qui ont des économies record. Les actions des titres dans ce secteur sont encore en forte baisse depuis 2 ans.
Deux de nos mauvaises performances en 2021 ont été dans ce secteur, Uber et Alibaba. Nous croyons que ces 2 titres vont rebondir dans les prochains mois.

Financières et Technologie

Ces 2 secteurs devraient bien faire, surtout le secteur financier, mais ils sont sous-pondérés dans nos portefeuilles car ils représentent 45% des indices nord-américains.
Les banques vont profiter de la hausse des taux d’intérêt et de la reprise économique. Nous en détenons plusieurs mais évitons celles qui sont trop exposées à l’immobilier canadien. La banque que nous détenons le plus est Wells Fargo, qui a augmenté de 66% en 2021.
Nous avons aussi beaucoup acheté de Manulife fin 2021. Ce titre n’a rien fait depuis 18 mois et devrait bien performer lorsque la reprise sera bien en selle.
Quant à la technologie, les grandes compagnies dont tout le monde s’arrache devraient continuer de bien faire. Elles sont au centre de nos vies et génèrent des profits et des marges affolants. Mais nous préférons détenir leurs fournisseurs qui bénéficient de très bons thèmes à long terme.
Nos deux plus grosses positions aux États-Unis sont dans ce secteur, soit Qualcomm et Marvel. Les deux ont triplé depuis que nous les avons achetées pour la première fois, en 2018 pour Qualcomm et il y a 18 mois pour Marvel. Ce sont des compagnies de semi-conducteurs au centre de la révolution digitale et qui ont d’énormes marges de profit qui augmentent. Nous avons ajouté à nos positions au cours de l’été lorsqu’elles étaient en baisse à cause de la pénurie des puces électroniques. Les deux sont en hausse de plus de 50% depuis.
La majorité des titres en technologie chutent depuis quelques mois et nous allons éventuellement profiter de cette faiblesse pour acheter des leaders qui ont de bonnes marges de profit dans des thèmes à long terme dans le cloud, la cybersécurité et les paiements digitaux.

Consommation courante et Santé

Ces deux secteurs, considérés comme défensifs, devraient moins bien performer que le marché dans notre scénario de reprise. Mais nous les avons surpondérés car ils ne représentent que 12% de l’indice. Nous y trouvons d’excellentes compagnies, qui génèrent de bons profits avec des avantages concurrentiels durables à long terme.
Nos plus grandes positions dans la consommation courante sont Costco et Alimentation Couche-Tard, deux compagnies dont le modèle d’affaires n’est plus à présenter et qui ont augmenté respectivement de 41% et de 38% en 2021. Elles devraient bien se débrouiller malgré l’inflation.
Dans la santé, nous y trouvons trois de nos plus grosses positions aux E-U. Notre plus grande position dans le secteur est CVS, détenteur de pharmacies, qui a augmenté de 41% en 2021 et a doublé depuis son achat il y a 18 mois. À l’époque, on semblait croire que plus personne n’allait mettre les pieds dans une pharmacie à cause de la pandémie et de Amazon. La réalité est toute autre. Beaucoup de vaccins se prennent là-bas et CVS détient une firme qui traite les assurances des médicaments pris dans les hôpitaux.
Nous détenons toujours beaucoup de Pfizer, malgré une prise de profit au cours de l’année. Le titre a augmenté de 51% en 2021. L’action a commencé à monter 4 mois après l’annonce du vaccin, lorsque les investisseurs ont réalisé que les revenus du vaccin allaient doubler les revenus totaux de la compagnie. Nous recherchons des pharmaceutiques qui ne sont pas dispendieuses parce qu’elles vont perdre une bonne partie de leurs brevets dans les prochaines années, mais continuent à investir massivement dans la recherche et développement. C’est la raison pour laquelle nous avions investi dans Pfizer il y a plus de 2 ans. Nous détenons maintenant beaucoup de Bristol-Myers qui possède des critères similaires.

Immobilier, Utilités et Communications

Ces 3 secteurs ne devraient pas très bien performer. Leurs revenus sont souvent négociés à l’avance et ce sont des compagnies souvent endettées qui seront affectées par la hausse des taux d’intérêt. D’ailleurs, la majorité des producteurs d’énergie renouvelable ont diminué en 2021.
Malgré cela, nous trouvons des opportunités dans les télécoms, qui ont grandement sous-performé depuis plusieurs années.
Telus, notre quatrième plus grosse compagnie au Canada, a augmenté de 14% en 2021. Elle augmente le nombre de ses abonnés et c’est la firme au Canada qui a le plus investi dans ces infrastructures ces dernières années. Elle détient aussi des filiales reliées au secteur digital dans l’agriculture et la santé.
AT&T, notre cinquième position aux États-Unis, a diminué de 30% depuis 2 ans à cause de l’indécision de sa direction et de la prise de pertes en capital par les investisseurs fin 2021. Elle s’est battue avec la réglementation pour acheter des médias en 2019 avant de changer d’avis il y a quelques mois et de décider de les mettre dans une nouvelle compagnie avec Discovery. Mais le fait demeure que la firme détient d’excellents actifs. Elle a près de 100 millions de clients dans la mobilité et génère des profits de 38 milliards de $ pour une capitalisation boursière de 180 milliards. Elle détient aussi pour environ 40 milliards d’immobiliers. Quant aux médias, elle détient HBO et Warner Bros. et leur fusion avec Discovery va créer une firme très puissante dans le secteur, capable de rivaliser avec Netflix et Disney. C’est le type de firme que nous recherchons et qui représente un bon rapport rendement par rapport au risque.