En attendant le ralentissement de l'inflation

03 octobre 2022 | Alain Daaboul


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Le troisième trimestre a ressemblé aux 2 premiers. Il avait pourtant bien commencé. Les actionsaméricaines ont monté de 14% du début juillet à la mi-août, pour finir en baisse de 5% pour le trimestre. C’est la première fois depuis 1932 qu’un trimestre finit avec un rendement négatif après une hausse de plus de 10%.

Le rebond du début du trimestre s’explique par des signes que l’inflation a atteint un sommet en été, même si elle demeure élevée. Malheureusement, la banque centrale américaine (Fed) a cassé l’ambiance, en affirmant qu’elle va augmenter les taux d’intérêt à tout prix pour ramener l’inflation à 2%, même si cette hausse allait causer de gros dommages à la population et aux compagnies.

Le marché craint que la Fed ne provoque une récession sévère, en augmentant trop rapidement les taux d’intérêt, d’autant plus qu’il y a normalement un délai de 6 à 9 mois pour mesurer l’impact réel de la hausse des taux d’intérêt, et qu’il y a des indices que l’inflation a déjà atteint son apogée, même si elle demeure très élevée. Il faut aussi mentionner que les banques centrales n’ont plus de crédibilité. La forte inflation actuelle a été en grande partie causée par leur politique monétaire de maintenir trop longtemps les taux à 0%. Il y a un an, ils affirmaient qu’il n’y aurait pas de hausse des taux d’intérêt en 2022, avant de diriger la plus forte hausse de taux en plus de 40 ans (3% en quelques mois).
Cette incertitude cause beaucoup d’anxiété et de volatilité dans les marchés financiers, incluant les revenus fixes et les taux de change, et fait qu’il n’y a pas d’actifs où se protéger. Les actions mondiales sont maintenant en baisse d’environ 24% pour l’année et les revenus fixes de 14%. C’est la première fois depuis plus d’un siècle que les actions et les revenus fixes baissent de plus de 10% en même temps. Un investisseur qui a un portefeuille équilibré et qui suit les indices a vu son portefeuille chuter de près de 18% en 2022, soit un rendement encore plus bas qu’en 2008, où les obligations avaient augmenté de 9% pour compenser la chute des actions.

 

Performance de nos portefeuilles

Nos portefeuilles ont continué à surperformer les indices. Nos pertes se situent à moins du tiers des indices et notre surperformance a augmenté pendant le troisième trimestre.
Cela s’explique par notre positionnement prudent en début d’année, notre surpondération en énergie et agriculture, et notre refus de détenir des compagnies à la mode, qui ne font pas de profit et composaient 30% des actions en début d’année. Nous ne détenions presque pas de technologie et de revenus fixes à long terme en début d’année, qui ont tous deux chuté de 30% en 2022.

 

Risques d’inflation et de récessions sévères surestimées

Les deux éléments qui causent le plus d’incertitude sont l’inflation et le risque d’une récession sévère. Il y a présentement plusieurs éléments contradictoires, et la majorité des investisseurs croient que l’inflation restera élevée et la récession très sévère, ce qui nous semble peu probable.
Les commodités ont fortement baissé au cours des derniers mois, dont le pétrole de 25% depuis février et le bois de 70% en 2022. De plus, les inventaires du commerce du détail sont au plus haut depuis de 40 ans. Certains biens, qui étaient en pénurie, comme les voitures usagées, les meubles et les semi-conducteurs sont en train de baisser et devraient passer en surplus prochainement.
L’inflation reste élevée dans les services, la nourriture et l’immobilier. Les prix augmentent dans les services, comme la restauration et les voyages, car ils font face à une pénurie d’employés et à une demande élevée puisque les gens veulent vivre de nouveau. La nourriture augmente toujours même si les prix des commodités liés à l’agriculture ont baissé depuis le printemps. Enfin, l’immobilier affiche toujours une forte inflation malgré la baisse des prix des maisons, à cause de la hausse du financement et des loyers.

Nous croyons que l’inflation a atteint son apogée en été, mais que ça va prendre plusieurs mois avant que ce soit confirmé. Plusieurs compagnies ont indiqué dernièrement qu’elles voient un ralentissement de la demande dans certains produits. D’ailleurs, la moitié de la population a commencé à reporter des achats car elle croit que les prix seront plus bas dans le futur. Il y a en moyenne un délai de 9 mois entre le sommet des prix d’un produit et un chiffre d’inflation négatif sur 1 an, ce qui rend la lecture à court terme de l’inflation ardue.

La situation en Ukraine demeure une cause d’incertitude, mais a moins d’incidence sur les prix qu’avant. Si jamais cela changeait, notre surpondération en énergie et en agriculture devrait nous protéger en partie.


Certains croient que l’épargne excédentaire des consommateurs (voir ci-gauche) pourrait supporter l’inflation, mais nous croyons qu’elle réduit surtout le risque d’une récession profonde. Depuis le début de la pandémie, près de 6 trillions ont été épargnés. Les consommateurs viennent tout juste de commencer à les retirer pour vivre.

La grande majorité de cette épargne est détenue par les 50% les plus fortunés. Les moins fortunés sont donc plus à risque, mais vont profiter davantage de la pénurie de la main d’oeuvre.
On prévoit que les salaires vont augmenter de plus de 5% en moyenne dans la prochaine année, mais de 8% pour les plus bas salaires, qui sont majoritairement dans les services.

Cela devrait atténuer le risque de récession sévère. Ça pourrait supporter l’inflation, mais la hausse des salaires est en rattrapage. Les banques centrales regardent surtout les offres d’emploi et les heures travaillées, qui viennent de chuter le plus le mois dernier depuis avril 2020.
L’objectif de la Fed est de baisser l’inflation, tout en évitant une dépression. Nous croyons qu’ils devront accepter une inflation autour de 3-4% à l’avenir. Leur objectif de 2% a été instauré il y a 25 ans, lorsque la majorité de la population était âgée de plus de 40 ans. Aujourd’hui, la majorité de la population américaine a entre 5 et 40 ans, et ce chiffre va augmenter avec l’immigration. De plus, la pénurie de ressources dans le monde va se faire sentir de plus en plus.
L’expérience de taux d’intérêt à 0% ne risque plus de revenir à court terme. Le ralentissement que nous prévoyons de l’inflation permettra aux banques centrales d’arrêter d’augmenter les taux dans quelques mois, d’autant plus que la force de $US va contribuer à ralentir l’inflation.

 

Perspectives boursières dans les 12-18 prochains mois

Les éléments décrits plus hauts devraient contribuer à une remontée des marchés d’ici 12 à 18 mois, d’autant plus que les profits des entreprises demeurent élevés.

Une des raisons de notre surperformance à long terme est que nous investissons souvent à contre-courant. Selon ces paramètres, on s’approche d’un bon moment pour investir.

La différence entre les investisseurs optimistes et pessimistes a rarement été si négative. Il est présentement de -43%, soit le 4ème niveau le plus bas en 35 ans. Comme nous pouvons le voir dans le graphique ci-bas, historiquement, plus les investisseurs sont négatifs, plus les rendements sur 12 mois sont élevés. La bourse a monté de 20% en moyenne 12 mois après les 5% sondages les plus négatifs. En début d’année, il y avait plus d’investisseurs optimistes que négatifs.

La confiance des consommateurs est en chute libre. La bourse monte de 25% en moyenne un an après le creux de la confiance des consommateurs (et de 5% en moyenne 12 mois après l’apogée) et de 19% en moyenne 1 an après le sommet de l’inflation. Cela s’explique parce que la bourse anticipe généralement l’économie de 9 à 12 mois en moyenne, ce qui fait que le bas des marchés financiers survient souvent avant que la récession ne soit confirmée.
Enfin, 2023 sera une troisième année présidentielle aux États-Unis, où les actions ont tendance à le mieux performer.
 

Positionnement tactique

Nous détenons le plus possible des compagnies faciles à comprendre, qui génèrent de bons flux de trésorerie, ont un avantage concurrentiel à long terme et dont nous aurons besoin dans le futur.

Nous allons demeurer prudents tant que l’inflation ne sera pas maitrisée mais comptons devenir plus agressifs et actifs lorsque ce moment surviendra.

Nous croyons que les ingrédients sont en train de se mettre en place pour un rebond. Les crises et l’incertitude font partie des cycles économiques et ont souvent précédé de fortes hausses.
À long terme, ce qui se passe cette année aura peu d’impact sur notre rendement à long terme. En fait, cela va sûrement contribuer à l’améliorer. Historiquement, les taux d’intérêt étaient d’environ 5%, et la bourse performait bien dans ces conditions.
Enfin, la situation actuelle nous permet d’investir dans des revenus fixes garantis à près de 5% d’intérêt. Nous n’avions pas vu de tels taux depuis 15 ans. Cela contribuera à obtenir un meilleur rendement dans les portefeuilles équilibrés dans le futur.